Intervention de M. Emile Zuccarelli au Forum des technologies de l'information CNIT La Défense 4 mars 1998
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Depuis quelques mois, l'attention est focalisée,
à juste titre d'ailleurs, sur les conséquences qu'auront le
passage à l'Euro et à l'an 2000 sur les systèmes
d'information des administrations. Ces derniers font l'objet d'analyses
détaillées, de réécriture voire de refonte globale.
Mais c'est aussi, fréquemment, l'occasion sinon l'obligation de
définir de nouvelles stratégies pour les organismes
concernés. Vous l'imaginez, cela mobilise beaucoup d'énergie
et de moyens.
Et pourtant, voilà qu'un autre phénomène,
d'une toute autre ampleur, et tout aussi incontournable, doit être
pris en compte : il s'agit bien entendu du passage à la
société de l'information, symbolisée par Internet.
L'État qui joue traditionnellement dans notre
pays un rôle d'impulsion, s'y prépare. Ainsi, à Hourtin,
le Premier Ministre traçait, l'été dernier, un premier
cadre général qui a été précisé
par le programme d'action du Gouvernement pour la société de
l'information rendu public le 16 janvier dernier.
L'État montre la voie, tout en précisant
bien qu'il ne peut tout faire, tout seul. Il souhaite lancer un mouvement
général en disant clairement ce qui est de son ressort, comment
il compte agir et en balisant le terrain institutionnel.
Ce programme d'action n'est lui-même qu'une étape. Chacun des ministères doit, à la fois avancer dans la voie tracée mais aussi préciser et affiner ses actions. Rien n'est figé, et le débat public qui va s'engager doit permettre de déterminer les grandes options retenues pour faire entrer la France dans la société de l'information.
Internet est, en effet, un phénomène
d'ensemble. Il ne peut être réduit à ses simples aspects
techniques. Nous assistons, en effet, à l'émergence de nouvelles
et puissantes formes de communication, dont nous ne percevons pas encore
les limites et qui affectent la planète toute entière, dans
tous les aspects de la vie économique et sociale.
Pour s'en tenir à l'administration française,
Internet comporte deux faces, également importantes, mais l'une visible,
l'autre moins.
a/ La face
visible, très largement engagée, concerne l'utilisation d'Internet
pour faire connaître, par chacun des services, les informations qu'il
détient, les renseignements utiles. Bien entendu, une large place
est faite aux liens entre sites traitant de sujets annexes. Chaque
ministère s'est doté de sites WEB et le mouvement va se
déconcentrer, de plus en plus, au profit des services territoriaux.
De nombreuses collectivités locales ouvrent également leurs
propres sites.
Il n'est pas besoin d'insister sur les enjeux d'un tel
mouvement pour la démocratie. La publication gratuite des informations
essentielles et non confidentielles détenues par l'administration
ouvre incontestablement de nouveaux espaces de débats, de
réflexions. C'est également, et nous y reviendrons, un
élément de facilitation de la vie administrative pour les citoyens.
Globalement, c'est plus de transparence, d'accessibilité pour les
services publics.
Les sites WEB publient déjà divers formulaires
administratifs. Ce phénomène va s'amplifier puis se
généraliser. Ainsi, la numérisation de l'ensemble de
ces formulaires devra être achevée, sous l'égide du CERFA
(centre d'enregistrement des formulaires administratifs), à la fin
de 1998. Ceux-ci seront téléimprimables depuis le site ADMIFRANCE.
La possibilité d'adresser, en retour, ces formulaires à
l'administration est la suite naturelle de leur dématérialisation.
Un premier ensemble de formulaires télétransmissibles sera
proposé avant la fin 1998. Des notices explicatives seront proposées
en même temps que les formulaires électroniques.
Comme le prévoit le programme d'action gouvernemental,
chaque ministère préparera avant la fin du premier semestre
1998, un plan triennal de développement des
téléprocédures.
Pour le ministre chargé de la réforme de
l'État, que je suis, il faut, certes, développer les
téléprocédures mais il ne faut pas, perdre de vue l'objectif
de simplification des formulaires.
La migration du patrimoine, énorme, des services
Minitel de l'État sur Internet sera l'occasion d'améliorer
le service offert aux usagers, en exploitant les techniques du multimédia
et la facilité d'utilisation d'Internet. Là aussi, le premier
semestre doit permettre aux administrations de préparer leur plan
de migration.
Au plan déconcentré, les
téléguichets, assistés de personnels compétents,
permettront aux usagers ne disposant pas de connexions à Internet
de bénéficier des renseignements administratifs et des
téléprocédures.
Les ministères mettront en place des adresses
électroniques permettant de dialoguer avec les citoyens. Encore
limitées en nombre, ces adresses devront s'étendre aux plus
petits bureaux territoriaux avant l'an 2000. Ainsi, pourront être
créées les conditions d'un meilleur contact avec le public.
Mais, vous imaginez sans peine tous les changements que
supposent de tels dispositifs, non seulement dans les habitudes de travail
des fonctionnaires mais aussi dans les systèmes d'information et de
communication des administrations qui vont devoir s'ouvrir et devenir beaucoup
plus réactifs.
b/
L'autre face, moins visible, d'Internet
concerne la généralisation des messageries internes aux services,
faisant appel à des informations mises en commun, ce que l'on
désigne souvent du nom d'Intranet.
Ces Intranets seront d'abord établis au sein de
chaque ministère et permettront d'améliorer la communication
entre les directions centrales et les différents échelons
hiérarchiques et territoriaux. Mais ils ont vocation à s'ouvrir
et à s'étendre d'un ministère à l'autre, ainsi
que, sur le plan territorial, entre les différentes directions
départementales et régionales de l'État et, pourquoi
pas, vers les collectivités locales.
D'ores et déjà, de nouveaux systèmes
d'informations territoriaux se mettent en place avec le soutien du fonds
pour la réforme de l'État.
Là encore, la communication entraînera de
profondes réformes dans les conditions de travail des services publics.
Des notions comme le travail en groupe ou la formation partagée devront
se généraliser. De même, un dialogue moins formel, moins
cloisonné, devrait permettre une plus grande efficacité et
la disparition de frontières aujourd'hui dépassées.
Cela implique que de nombreux systèmes d'information, fermés sur eux-mêmes actuellement devront s'ouvrir pour respecter les nouvelles normes.
Internet est un outil de communication
généralisée. Il oblige les administrations à
s'ouvrir, non seulement aux citoyens, mais aussi aux autres entités
administratives, aux collectivités locales, aux administrations des
pays étrangers, prioritairement celles des pays de l'Union
européenne.
Des modalités plus souples de coopérations
entre les services publics, les entreprises privées et le secteur
administratif, apparaissent possibles.
Les procédures d'appel d'offres et d'achat devront
aussi être profondément reconsidérées. Les nouvelles
technologies rendrontl'accès aux appels d'offres plus facile pour
les entreprises. L'introduction de l'EDI permettra quant à elle, de
dématérialiser et de simplifier la procédure d'achat,
de la commande à la facturation et même, pourquoi pas, au
télépaiement.
C'est pourquoi, il faut, dès maintenant, tout
mettre en oeuvre pour établir, par grands domaines, des réseaux
Internet puissants, permettant aux flux d'information qui connaîtront
une progression considérable, de relier les centres nerveux de
l'administration, tant au plan central qu'au plan déconcentré
voire international, tout en les reliant aux autres acteurs administratifs,
économiques ou associatifs.
Il est clair que tout ceci se fera dans un cadre
budgétaire contraint. Il faudra donc être imaginatif, faire
des économies dans les méthodes de gestion plus classiques
et dans l'informatique que l'on qualifiera de traditionnelle. Cette
dernière pourra d'ailleurs être souvent remplacée par
des moyens plus légers et plus souples.
L'essentiel de l'investissement sera humain. Les
fonctionnaires seront, en effet, sollicités dans leur esprit d'initiative
et leur créativité, et ce, à tous les niveaux
hiérarchiques.
C'est cela aussi la nouveauté de la
société de l'information.
Nous avons, chemin faisant, évoqué les
collectivités locales, la réforme de l'État, les
fonctionnaires des différentes fonctions publiques : c'est dire combien
les trois composantes de mon département ministériel sont
impliquées dans ce passage à la société de
l'information.
Mon ministère a un rôle important à
jouer de par ses compétences horizontales.
Comme vous le savez, j'ai demandé à Monsieur
Jean-Paul Baquiast le soin de me remettre, pour la fin avril 1998, un rapport
sur la contribution d'Internet à la modernisation de l'État.
Quelques professionnels du scepticisme n'ont pas manqué
de sourire en déclarant " encore une mission, à quand
les actes ". Heureusement, ils ne représentent qu'une petite
minorité.
A ceux-là je voudrais dire deux choses. La
première est en forme de question : qui aujourd'hui peut affirmer
avoir la vérité sur ces sujets ? Dans ce domaine comme dans
les autres, je ne souhaite engager de dépenses publiques qu'à
bon escient. Ce n'est d'ailleurs pas toujours facile en un domaine que l'on
sait très évolutif.
Deuxième chose, il ne s'agit pas pour Monsieur
Baquiast de tout réinviter, mais au contraire, de formuler des
recommandations pratiques, tant dans le domaine de l'Intranet des administrations
que dans celui de l'impact d'Internet sur leur fonctionnement.
Monsieur Baquiast devra également
réfléchir à l'effort de formation nécessaire.
J'ajoute, enfin, que sa réflexion, qui sera interactive puisqu'en
ligne sur le site du Premier Ministre, a un terme rapproché : fin
avril.
Au-delà, il me revient de veiller, avec les services
du Premier Ministre, et en lien avec les ministères pilotes, à
la cohérence générale des systèmes d'information
et de communication :
Les trois objectifs essentiels qui guideront mon action
sont les suivants :
Il nous faut, en effet, garantir, dans une
société de l'information mondialisée, un état
de droit, démocratique et transparent pour les prochaines
générations. Je ne crois pas à la pertinence des seules
forces du marché pour y parvenir. Plus que jamais, le rôle de
l'État sera irremplaçable. Garant de l'intérêt
général et de la cohésion sociale, il devra faire des
nouvelles technologies de l'information et de la communication un
élément de progression de l'idéal républicain.
Je vous remercie.