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Notre
ennemi le capital, Jean-Claude Michéa, ed. Climats
Commentaire Jean-Paul Baquiast
27/05/2017
Sur Jean Claude Michéa,
voir
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Mich%C3%A9a
Nous ne ferons pas ici de présentation
concernant ce livre et les autres ouvrages de ce prolifique
auteur. Les commentaires à ce sujet sont nombreux.
Bornons nous à reproduire une présentation
faite par l'éditeur dont les termes paraissent fort
pertinents. Nous voudrions par contre proposer une brève
analyse du projet de l'auteur, Détruire le capital,
en termes, si nous osons le mot, s'inspirant des sciences
de l'évolution. Celles-ci intéressent, comme
nul ne l'ignore, aussi bien l'évolution de la vie
en général que l'évolution anthropologique.
Présentation
Présentation
par l'éditeur
Si l'on veut réellement
rassembler la grande majorité des classes populaires
autour d'un programme de déconstruction graduelle
du système capitaliste (et non pas simplement accroître
ses privilèges électoraux), il faut impérativement
commencer par remettre en question ce vieux système
de clivages fondé sur la «confiance aveugle
dans l'idée de progrès», dont les présupposés
philosophiques de plus en plus paralysants (du type "parti
de demain" celui de la Silicon Valley
contre "parti d'hier" celui de l'agriculture
paysanne ou de la culture du livre) ne cessent d'offrir
depuis plus de trente ans à la gauche européenne
le moyen idéal de dissimuler sa réconciliation
totale avec le capitalisme sous les dehors beaucoup plus
séduisants d'une lutte "citoyenne" permanente
contre toutes les idées «réactionnaires»
et "passéistes".
Il existe encore,
heureusement, quelques penseurs libres dans leur tête
et imperméables au bourrage de crâne ambiant.
Jean-Claude Michéa fait partie de ceux-là.
Situé à des années-lumières
des sophistes de Saint Germain-des-Près, du gominé
Bernard Henri-Lévy à la momie Alain Duhamel,
il vient de publier un brûlot à charge contre
ce colosse aux pieds d'argile qu'est le capitalisme "triomphant".
Les premières
notes de lecture insistent sur les trois parties de son
exposé, axées sur un diagnostic allié
à des ébauches de solutions concrètes.
Une suite au complexe d'Orphée et à l'empire
du moindre mal, avec des pistes de perspectives.
Tout d'abord, Michéa
revient sur les zélateurs de la révolution
libérale opérée depuis la chute du
mur de Berlin. Il ne s'attarde pas sur les fossiles conservateurs
tendance figaro-magazine, dont l'audience se limite à
l'électorat traditionnel de la droite. Il préfère
insister sur les fossoyeurs du mouvement populaire, ces
tartuffes qui ont perverti la gauche ouvrière pour
se retourner vers la capitalisme le plus dur, en prenant
appui sur la construction européenne, voulue par
les banques et non par les peuples.
Cette gauche "libérale",
qui a abandonné l'économie au service de tous
pour se tourner vers les écrans de fumée que
sont les questions sociétales, est la pierre angulaire
du capitalisme français. De Fabius à Macron,
nos soldats de la cause du CAC 40 ont énoncé
l'antiracisme, le communautarisme, le féminisme et
autres concepts pour ne plus parler de l'essentiel, la répartition
des richesses. Il consacre un chapitre à démonter
l'idée pervertie de "progrès", qui
ne profite pas à l'ensemble des masses populaires.
Michéa analyse
ensuite les nouveaux mouvements politiques alternatifs en
sortant des clivages dépassés datant de la
guerre froide. Il appelle à rassembler la grande
majorité des couches populaires dans un programme
de déconstruction graduelle du système capitaliste,
en rappelant qu'une grève générale
de la consommation, pacifique, suffirait pour faire s'écrouler
le système bancaire.
En fin de compte,
il remet en cause le mirage d'une "fin de l'histoire"
avec cet empire de compromis qu'est le libéralisme
économique, qui pourtant ne profite qu'à quelques
uns au détriment du plus grand nombre et de l'intérêt
général.
L'ouvrage de Michéa
est à lire, pour comprendre et discuter, mais aussi
pour agir...
Notre
commentaire. Détruire le capital...oui mais qui le
fera?
L'auteur, comme d'innombrables autres avant
lui, appelle les victimes du capital à se rebeller
contre ce système, afin de le détruire et
le remplacer par une organisation socio-politique véritablement
capable de répondre aux besoins des humains d'aujourd'hui,
notamment en termes d'égalité individuelle
et de protection de la Terre.
Mais a-t-on vu au cours de l'évolution
une espèce ou des sous-espèces dominées
capables de faire disparaître les espèces ayant
pris le dessus sur elles. Verrait-on par exemple les herbivores
se rebeller contre les carnivores? C'est bien ainsi, dira-t-on
cependant, qu'ont procédé les premiers humains
en se dotant d'armes artificielles avec lesquelles leurs
descendants ont fini par faire disparaître presque
entièrement les carnivores.
Ces premiers humains
avaient compris, inconsciemment ou consciemment, qu'ils
devaient faire un saut qualitatif dans l'évolution
des espèces, afin de s'émanciper de la domination
des carnivores. Si avant cela, un auteur politique de leur
temps les avaient appelés à se rebeller contre
les carnivores, sans fournir la moindre perspective nouvelle
pour ce faire, son discours, même s'il avait recueilli
un grand succès de librairie, n'aurait eu aucune
conséquence pratique en ce sens.
Autrement dit, si les dominés ne
cherchent pas à se doter de nouvelles armes pour
combattre les dominants, ils ne pourront rien faire. Un
minimum de réflexion devrait leur montrer que les
dominants disposent déjà depuis longtemps
des moyens d'assurer et conserver leur suprématie.
A supposer que les dominés réussissent à
persuader certains d'entre eux de tenter de renverser l'ordre
dominant, sans fournir d'outils véritablement nouveaux,
hors de portée des dominants, pour ce faire, leurs
appels à la révolution susciteront l'ironie
des dominants.
Michéa affirme, apparemment sans
rire, qu'une grève générale (mondiale?)
suffirait à détruire le capital. Mais qui
s'engagerait dans une telle grève et pourquoi les
capitalistes renonceraient-ils à la force pour en
détruire les prémisses? De la même façon
les écologistes naïfs affirment qu'il suffirait
d'une entente mondiale sous l'égide de l'ONU pour
protéger la planète de toutes nouvelles pollutions.
Comment, dira-t-on alors, se sont produites
les révolutions du passé, ayant par exemple
comme en 1789 permis le renversement du pouvoir aristocratique
par un pouvoir bourgeois? Ne fut-ce pas à l'appel
de certains auteurs ou hommes politiques refusant l'ordre
ancien? Les études un peu sérieuses concernant
la révolution de 1789 montrent cependant que celle-ci
était inévitablement en cours au sein de l'Ancien
Régime, et qu'elle se serait produite avec ou sans
discours révolutionnaire. Or ce phénomène
qui nous est perceptible avec le recul de l'histoire, ne
serait jamais apparu aux révolutionnaires de l'époque.
Ils auraient pensé que seuls leurs discours auraient
permis d'enfanter la prise de la Bastille.
L'erreur de méthode de Michéa
et de ceux qui veulent s'inspirer de ses livres pour détruire
le capitalisme est de ne pas rechercher à mettre
au jour les moteurs dudit capitalisme, afin de leur inventer
de véritables antagonismes. Nous disons inventer,
en ce sens que, comme toute découverte scientifique
ayant une conséquence globale sur l'évolution
du monde, cette « découverte » de la
façon de détruire les moteurs du capitalisme
ne résultera pas en profondeur d'une démarche
volontariste. Elle se révèlera d'elle-même,
si elle possède quelque pertinence. Ainsi l'invention
du transport aérien n'a rien du à ceux qui
voulaient améliorer le transport hippomobile.
Le travail utile que pourraient faire Michéa
et ses semblables serait dans un premier temps de suggérer
les bases d'analyses scientifiques aussi hors normes que
possible, d'où pourraient éventuellement surgir
des outils permettant aux victimes du capital de détruire
celui-ci sans que les maitres du capital aient les moyens
ou le temps leur permettant d'y trouver des ripostes.
Plus vite dit que fait, dira-t-on. Ce fut
cependant ainsi, avec des moyens découlant de leur
époque, que les premiers hominiens ont fait reculer
sans le vouloir les contraintes qui pesaient sur eux..
Note
Ci-dessous, quelques références
à consulter concernant les analyses de Notre ennemi
le capital et plus généralement le travail
de Jean-Claude Michéa
https://www.les-crises.fr/jean-claude-michea-la-presidentielle-le-brexit-et-donald-trump/
http://livre.fnac.com/a10125374/Jean-Claude-Michea-Notre-ennemi-le-capital
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Critique-de-Notre-ennemi-le-capital-le-dernier-livre-de-Jean-Claude-Michea-43940.html
http://claude-rochet.fr/jean-claude-michea/
http://www.bvoltaire.fr/livre-ennemi-capital-de-jean-claude-michea/