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Editorial.
Nourrir 10 milliards
d'humains?
Jean-Paul
Baquiast, Christophe Jacquemin 26/03/2017

Un article bien documenté du NewScientist, comme ils
le sont presque tous, pose la question suivante: étant
admis que, d'ici la fin du siècle, la population mondiale
atteindra inexorablement quelques 10 milliards d'humains,
sera-t-il possible de les nourrir sans que des famines à
grande échelle se généralisent? Précisons
d'abord que si nous admettons que la population croitra « inexorablement »
jusqu'à 10 milliards, ceci veut dire que cette croissance
découlera de tendances démographiques qui ne
pourront pas être modifiées rapidement par des
politiques volontaires. Ainsi la natalité par femme
en Afrique se maintiendra à quelques 6 enfants, et
le nombre de femmes augmentera nécessairement. Il serait
inenvisageable d'espérer que dans les 10 à 15
ans à venir, le contrôle des naissances ramène
cette natalité au taux de 2 ou 3 enfants comme est
l'est dans les pays ayant atteint le phase dite de « transition
démographique ».
Ceci pour la raison que le sous-développement,
les religions et les murs, sans mentionner les conflits
entre Etats et groupes tribaux, rendraient impossible, du
jour au lendemain comme il le faudrait, la réduction
des naissances nécessaires pour stabiliser la population
africaine autour des effectifs actuels de quelques 2 milliards.
Elle devrait donc atteindre 4 milliards vers 2100. A une moindre
échelle, il en sera de même dans d'autres parties
du monde.
Ceci dit, l'article cité vise à
démonter que le progrès en cours des sciences,
des techniques et des pratiques, notamment agraires, permettra
d'obtenir la nourriture nécessaire. Certes il ne s'agira
pas de garantir à tous une ration de viande équivalente
à celle dont « bénéficient »
les américains du nord et beaucoup d'européens.
Mais ils devraient accéder à une ration en calories
et compléments alimentaires suffisante pour éviter
les famines et donner à tous un niveau de vie satisfaisant.
L'article semble par ailleurs considérer
que les nouvelles pratiques de consommation devraient soulager
une planète par ailleurs menacée, non seulement
par les surconsommations, mais par le manque d'eau et le réchauffement.
Le cas de l'Afrique est cité. Ce continent n'aurait
que quelques 3% de ses surfaces consacrées aux cultures
vivrières. Il serait possible de faire beaucoup plus.
Le raisonnement oublie le fait que les surfaces non cultivées
sont recouvertes par des végétations et une
faune spontanées qui sont indispensable à la
biodiversité et aux équilibres climatologiques.
L'exemple de l'Indonésie, dont les zones cotières
sont actuellement dévastées par une culture
abusive de palmiers à huile, montre l'inanité
de ce raisonnement s'il est appliqué à grande
échelle
Nous ne reprendront pas ici les différentes
perspectives décrites par l'article. Disons seulement
qu'elles comporteront d'abord une augmentation de productivité
des pratiques agricoles, non par des engrais mais par des
techniques comme la gestion automatisée de la production
et de la conservation. Au delà des aliments résultant
de la production agricole et de l'élevage, comme de
la consommation emblématique d'insectes, une infinité
de techniques permettront de produire « artificiellement »
les calories nécessaires. Ceci se fera sans doute,
au moins initialement, au dépend des saveurs gustatives,
mais même en ce domaine la biochimie et la biologie
génétique pourront restituer des saveurs très
convenables. De toutes façons, poussés par la
nécessité, les populations s'y habitueront.
Deux difficultés
voire impossibilités à prévoir.
L'optimisme de l'article nous paraît
cependant évacuer deux difficultés majeures
qui selon nous devraient rendre difficile, sinon parfois impossible,
la production des aliments de demain. La première sera
d'ordre économique. Il y aura de considérables
distances à franchir, par exemple pour généraliser
au profit de milliards de consommateurs la production de cellules
artificielles aujourd'hui possible en éprouvette. Il
faudra de toutes façons mettre en place pour ce faire
des usines de production représentant un cout économique
et humain considérable. Dans un monde dont les ressources
en énergie et matières premières ne cesseront
de décroitre, il est difficile de voir d'où
viendront ces suppléments de ressources. La productivité
améliorée venant de l'usage de nouvelles technologie
ne pourra pas faire de miracle.
La deuxième difficulté sera
d'ordre politique. Le monde actuel est caractérisé
par des inégalités considérables entre
les minorités dominantes et le reste des populations.
Ceci non seulement d'un pays ou d'une zone géographique
à l'autre, mais au sein même des pays dits riches.
Aujourd'hui au sein même de ces derniers, il faudrait
de véritables guerres civiles internes pour que les
dominants acceptent de partager leurs avantages.
Ainsi, pour prendre l'exemple trivial de la
consommation de viande d'élevage, rien ne pourra pousser
les « riches » consommateurs de cette
viande ni les éleveurs et distributeurs qui la commercialisent
à changer de pratique. Quelques efforts seront au mieux
faits en ce sens, mais ils n'atteindront jamais le niveau
nécessaire. Pour que cet objectif soit atteint sans
guerre civile, il faudrait qu'interviennent des catastrophes
parfaitement improbables comme des maladies à grande
échelle faisant disparaitre les troupeaux.
Plus précisément, il n'existe
pas de pouvoir supranational suffisant puissant pour imposer
aux Etats et aux populations des modifications significatives
de leur mode de consommation. Le risque beaucoup plus immédiat
de guerres larvées entre Etats et populations pour
s'assurer des dominations au plan géostratégique
montre actuellement l'impuissance des institutions internationales
pour agir. Des puissances dominantes peuvent assurer des paix
relatives, mais ce n'est qu'à leur profit.
En conséquence, l'on peut rester très
sceptique quant aux possibilités d'assurer aux 10 milliards
d'humains attendus un accès suffisant aux ressources
alimentaires. Des épidémies et famines massives,
des guerres meurtrières seront seules susceptibles
de ramener le niveau de la consommation à celui des
ressources.
Référence
https://www.newscientist.com/article/mg23331180-400-tomorrows-menu-termites-grass-and-synthetic-milk/