Sciences
politiques. Donald Trump et Israël
Jean-Paul Baquiast 17/02/2017
La
conférence de presse tenue à la Maison Blanche
associant Donald Trump et Benjamin Netanyahu le 15 février
a été universellement saluée par les
médias israéliens et par ceux sous leur influence
comme un grand succès pour la coopération
Etats-Unis/Israël.
L'AIPAC 1) qui se désigne lui-même comme le
Pro-Israël Lobby, avait différentes raisons
de craindre qu'un Donald Trump ayant affiché sa volonté
de réduire les dépenses et de recentrer l'Amérique
sur ses propres intérêts, suspende ou tout
au moins réduise les appuis systématiques
traditionnels de l'Amérique à Israël.
Ces appuis étaient diplomatiques, économiques,
technologiques et militaires. Sans eux, l'avenir d'Israël,
entouré de 300 millions d'arabo-musulmans dont beaucoup
considèrent de plus en plus, selon le mot d'un ayatollah,
qu'il n'a pas sa place sur Terre, apparaissait compromis
à terme..
Aussi
l'AIPAC a considéré que la conférence
de presse tenue à Washington par les deux présidents
Donald Trump et Benjamin Netanyahu le 15 février
a été pleinement rassurante pour l'avenir
de la coopération américano-israélienne
2). Il en a été de même, au moins selon
les voix officielles, à Tel Aviv.
Cependant,
Donald Trump lui-même est apparu, comme d'ailleurs
sur bien d'autres aspects de sa politique, flottant sur
des points essentiels, confirmant l'hypothèse peu
rassurante qu'il était dépassé par
la complexité des problèmes s'imposant à
lui en tant que Président.
Ainsi,
sur la question cruciale de "deux Etats, un Etat",
Trump n'a pas prononcé le mot « Etat palestinien
» qui était de rigueur sous ses prédécesseurs,
mais ne s'est pas étendu sur la solution qu'il préconisait
« La solution doit être négociée
par les parties en conflit », a-t-il dit. Très
bien, mais lorsque l'on sait que ces parties n'ont pas réussi
depuis 40 ans à négocier une solution commune,
l'on est en droit de s'interroger sur ce que Trump préconisera
finalement.
Trump
a en fait détourné la question en annonçant
un accord beaucoup plus important, associant de nombreux
pays et intéressant un très large territoire.
A much bigger deal, a much more important deal
that would take in many, many countries and...would
cover a very large territory.a-t-il dit.
Les Israéliens en ont conclu qu'il allait s'efforcer
d'associer à ces négociations l'Arabie saoudite
et les autres pétro-monarchies. Le fait que celles-ci,
et notamment l'Arabie, continuent à être le
soutien inconditionnel du djihadisme, que Trump prétend
combattre par ailleurs, ne le gêne apparemment pas.
Il espère en effet leur appui sans faille à
sa guerre contre l'Iran. Ceci ne peut que convenir à
Netanyahu, pour qui l'Iran se présente comme une
menace existentielle, mais ne fera évidemment pas
plaisir à Poutine, indéfectible allié
de l'Iran.
Concernant
la question des implantations et des zones de sécurité
juives en Palestine, mollement condamnée précédemment
par Obama, au grand déplaisir d'Israël, il a
été aussi flou. Il a d'une part demandé
à Netanyahou de ralentir momentanément le
rythme de ces implantations, et d'autre part il a indiqué
qu'il était prêt à en discuter plus
en détail avec le même Netanyahu, sans préciser
sur quoi porterait la discussion. Netanyahu semble en avoir
conclu qu'il avait un feu vert de Washington pour la poursuite
de sa politique de colonisation.
A propos
du transfert de l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem,
Trump est resté évasif tout en précisant
que la question est toujours à l'ordre du jour et
qu'elle est « étudiée sérieusement
». « Les Palestiniens doivent reconnaître
le merveilleux Etat d'Israël » a précisé
Donald Trump. Il a par ailleurs précisé qu'il
était grand ami du peuple israélien, citant
sa fille Ivanka et le mari de celle-ci Jared Kushner, juif
orthodoxe.
L'on
peut avoir concernant l'Etat d'Israël différentes
opinions, à l'extrême y voir le dernier rempart
occidental contre la montée inexorable des arabo-musulmans,
ou au contraire un spoliateur des droits historiques des
Palestiniens. Mais on attendrait de Donald Trump, comme
d'ailleurs de la diplomatie européenne, une autre
attitude que celle continuant à entretenir le flou.
Une
des solutions envisageable serait de demander à Vladimir
Poutine de participer à une conférence internationale
dans laquelle la Russie proposerait son arbitrage. Celle-ci
a montré une grande habileté en réduisant
considérablement les tensions en Syrie et plus généralement
au Moyen-Orient. Elle est totalement engagée par
ailleurs dans la lutte contre le djihadisme 3)
Les
Etats européens, étrangement muets sur la
question jusqu'à présent, pourrait soutenir
cette proposition, s'ils surmontaient leur hostilité
irresponsable à l'égard de la Russie.
Mais
ceci supposerait dans un premier temps que Trump comme Netanyahu
renoncent à leur stupide hostilité à
l'égard de l'Iran. Comme celle-ci est et restera
une alliée solide de Moscou, déclencher une
guerre contre l'Iran pourrait conduire à la guerre
avec la Russie, autrement dit, de proche en proche, à
une guerre mondiale.
Références
1) AIPAC
America Israel Public Affaires Comity
2) Voir
http://www.aipac.org/news-hub?id=%7B105FBD66-D1A8-4FFF-9977-766700EB96E9%7D#
Voir
aussi
http://www.lphinfo.com/conference-de-presse-trump-netanyahou/
3) Sur
une possible médiation russe?
Voir The Duran, qui passe pour avoir l'oreille de Moscou.