Sciences
politiques. L'étrange M. Bannon
Jean-Paul Baquiast 12/02/2017

Tout ce que décide
et dit Donald Trump fait l'objet d'innombrables commentaires
dans le monde entier. Il s'agit là d'une des
plus récentes façons dont l'Empire américain
continu à imposer sa domination. Aussi bien le
monde entier , ou presque, commente-t-il l'étrange
personnalité de Steve Bannon, dont il a fait
son conseiller principal. Il le rencontre tous les jours,
bien plus souvent que les responsables officiels nommées
par la Maison Blanche, civils ou militaires.
On lit dans le portrait
que lui consacre Wikipedia
Stephen Bannon dit Steve Bannon,
né le 27 novembre 1953 à Norfolk (Virginie),
est un homme daffaires, dirigeant de médias,
réalisateur et producteur de cinéma et
ancien officier de marine américain.
Militant conservateur, il est, de 2012 à 2016,
président exécutif de Breitbart News LLC,
la société mère de Breitbart News.
Fan de Leni Riefenstahl. Auteur du film In the Face
of evil en hommage à Ronald Reagan, de Génération
zéro pro Tea Party. En 2012, Co fondateur du
GIA, journal d investigation politique.
En août 2016, Stephen Bannon est désigné
au poste de directeur exécutif de la campagne
présidentielle de Donald Trump. Après
la victoire de ce dernier le 8 novembre 2016, il est
nommé conseiller du président des États-Unis.
Ceci a priori n'a rien de particulier. Cependant, aujourd'hui,
Bannon révèle des convictions surprenantes
chez un premier conseiller de Président. Ceci
suscite de nombreux commentaires. Il a en effet bâti
sa réputation et sa carrière en cultivant
l'anti-intellectualisme. Par ce terme, désignons
son rejet de ce qu'il nomme les élites culturelles,
leurs politiques et leurs médias. Le fait-il
pour se singulariser ou par conviction sincère?
On peut pencher pour la seconde hypothèse.
Ainsi, il a toujours affiché un refus du politiquement
correct régnant jusqu'ici à Washington,
plus particulièrement sous Barack Obama. Il se
dit ouvertement pro-chrétien et pro-sioniste,
ce que n'osent pas reconnaître les élites.
Concernant ses rapports aux citoyens, il affirme qu'il
veut défendre les « peu-éduqués »,
qui n'ont jamais la parole, les « déplorables »
dans le vocabulaire d'Hillary Clinton. Ceci est tout
à fait honorable, bien qu'un peu en contradiction
avec la politique de son patron, qui s'est donné
un gouvernement de multimilliardaires. On voit mal également
comment Steve Bannon pourrait continuer à inspirer
la diplomatie de Trump, qui aujourd'hui plus proche
des intérêts de la finance que de ceux
du peuple.
Plus curieusement, dans
un pays affichant un grand respect pour les sciences,
Bannon se dit millénariste, ce qui n'a guère
de fondement scientifique. Ceci signifie qu'il s'inspire
de thèses fantasmées selon lesquelles
les sociétés passent obligatoirement par
des phases de construction suivies de phase de destruction.
Au terme de la plus profonde de celles-ci, elles sont
détruites puis ressuscitent sous des formes totalement
nouvelles et inimaginables. Certains le soupçonnent
de pousser Donald Trump à être pour l'Amérique
ce destructeur final devenant le grand refondateur.
Apparemment, un tel rôle ne déplairait
pas à Trump lui-même, profondément
narcissique.
On dira que la plupart des chefs d'Etats nourrissent
de tels fantasmes en ce qui les concerne. Ce fut évidemment
le cas de Hitler et Mussolini, peut-être aussi
de Staline, mais c'est sans doute aussi le cas de dirigeants
plus contemporains, y compris dans les démocraties.
Dans ce dernier cas cependant, leurs conseillers, plus
proches des réalités, s'efforcent de les
ramener à plus de réalisme.
Sera-ce le cas sous la présidence Trump? On peut
le penser car l'establishment politico-militaire n'a
pas l'intention de le laisser faire librement. On le
voit notamment dans les nombreuses menaces de destitution,
sinon de mort, que cet establishment formule à
l'égard du Président. Mais en ce cas le
conflit, non seulement avec Trump, mais avec Steve Bannon,
devrait prendre des formes aigües. Comment réagira
ce dernier?
Il sera en tous cas intéressant non seulement
au plan politique mais au plan humain, d'observer comment
évoluera l'étrange M. Bannon. Nous en
reparlerons.
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