Editorial.
Les Conférences sur le numérique
passent à côté
de l'essentiel
Jean-Paul Baquiast, Christophe Jacquemin 23/12/2016
La
"riche Allemagne", lors de la deuxième
conférence franco-allemande sur le numérique,
s'est interrogée sur l'avenir de son système
économique dans la mesure où le numérique
remplacera rapidement une grande partie des emplois
actuels, même dans le domaine des services.
La création de nouveaux emplois dans l'industrie
numérique et dans la robotisation ne suffira
pas à faire face à la destruction des
emplois actuels. Ceci d'autant plus que les investissements
nécessairement coûteux pour créer
de nouveaux outils numériques ne seront plus
à la portée de société
nécessairement appauvries par la perte des
emplois actuels.
Seules pourront les consentir les
quelques super-entreprises numériques déjà
existantes. Il s'agit principalement des 7 grands
de l'Internet déjà existants et tous
américains. Google en est l'exemple souvent
cité, mais il n'est pas le seul. On ne voit
pas pourquoi ces accapareurs de l'intelligence collective
détourneraient une partie de leurs bénéfices
pour en faire profiter la masse des citoyens. Ils
se bornent à redistribuer le peu d'activité
et de revenus nécessaires pour que les 7 milliards
d'humains numérisés ou potentiellement
numérisés puissent survivre sans se
révolter radicalement.
Mais que font de leurs bénéfices
les Google et homologues? Certes, leurs dirigeants,
cadres et rares employés vivent raisonnablement
bien, mais ceci ne suffira pas à assurer leur
avenir. Nous avons plusieurs fois montré qu'ils
investissent de plus en plus massivement dans les
recherches visant à mettre en place un « cerveau
numérique « global »
dont ils seront les éléments moteurs.
Un cerveau
global
Un tel cerveau pourra défricher
les immenses champs de production, de consommation
et de profit résultant du développement,
grâce aux outils numériques, de champs
jusqu'ici inexplorés, car hors de portée
des sociétés actuelles, même de
la « riche Allemagne ».
Ces champs permettront d'échapper aux limites
imposées au développement actuel par
la raréfaction de l'énergie et des ressources,
la perte dramatique de la biodiversité et l'extension
d'une pollution destructrice. Pour se développer,
ils auront besoin de peu de ressources matérielles
mais d'énormes ressources intellectuelles.
Ces ressources existent potentiellement
chez tous les humains. Mais seule la généralisation
des recherches et applications scientifiques visant,
au sens large, à la construction de ce cerveau
global permettra d'y faire appel. Or seuls les Google
et homologues se réservent la possibilité
de mettre en place de telles recherches. Leurs coûts
seront progressivement amortis grâce à
l'accès a de nouvelles ressources dont ils
se réserveront le monopole.
Mentionnons à titre d'exemple
les domaines souvent cités de la biologie génétique,
de la physique des nouveaux matériaux, de la
chimie des nouveaux composants. Tout ceci permettra,
pour reprendre une image souvent critiquée
mais qui paraît incontournable, l'apparition
de quelques dizaines de milliers de post-humains capables
d'exploiter les possibilités du spatial, de
territoires inaccessibles à la vie sous sa
forme actuelle, tant sur les continents que dans les
océans, d'une intelligence artificielle de
plus en plus autonome dans ses capacités de
création.
On peut comprendre que, lors des conférences
sur le numérique, ces sujets difficiles ne
soient pas étudiés en détail.
Tout au moins devraient-ils être évoqués.
L'Allemagne comme d'ailleurs la France sont assez
riches en capacités scientifiques pouvoir disputer
aux grands américains de l'Internet leur avance
actuelle. Encore faudrait-il que les gouvernements
s'en soient rendu compte et mettent en place les conditions
minimum nécessaires au développement
des recherches. Il ne s'agira pas alors de permettre
l'émergence de quelques rares post-humain,
mais d'étendre ces capacités au plus
grand nombre.
Le problème ne sera évidemment
pas évoqué par les futurs candidats
à la présidence de la République
française. Le sera-t-il, en dehors de l'Amérique,
en Russie et en Chine?
Références
http://www.economie.gouv.fr/deuxieme-conference-numerique-franco-allemande-a-berlin
https://www.mediapart.fr/journal/international/221216/comment-l-allemagne-tente-de-maitriser-la-digitalisation-de-son-economie