Série
Trump
Trump, très bien. Mais les Européens doivent
se défendre.
Jean-Paul Baquiast 12/11/2016
Un certain nombre de citoyens et d'homme
politiques européens se réjouissent de l'accession
de Donald Trump à la Maison Blanche. Ceux qui, en
nombre bien plus grand et d'une façon irresponsable,
souhaitaient le succès de Hillary Clinton, finissent
par se résigner. Mais au lieu de seulement réagir
aux péripéties de la vie politique américaine,
ils devraient se poser la question de savoir comme les Etats
européens feront face à l'Amérique
plus agressive économiquement qui devrait résulter
de l'application du programme de Trump.
Rappelons que les grandes lignes de ce programme,
si elles sont appliquées, consistent en un retour
à un Etat protectionniste dans le domaine économique,
un Etat investisseur en matière notamment de grands
travaux, un Etat refusant l'entrée illégale
de travailleurs étrangers clandestins. Le tout devrait
bénéficier à une diminution des inégalités
sociales, avec promotion des classes populaires face aux
1% de dominants.
Rappelons aussi que face à ce programme,
les grands intérêts financiers et politiques
qui font le coeur de l'Etat profond américain ont
décidé de réagir, non pas dans un premier
temps en s'opposant à Trump sur le territoire américain,
mais en renforçant les processus d'exploitation et
de domination qu'ils ont toujours imposés aux Etats
Européens, notamment dans le cadre de l'Union européenne
(UE).
Ceci veut dire qu'ils tenteront, plus encore
qu'actuellement, de supprimer les velléités
de protectionnisme face à la concurrence extérieure
que ces Etats pourraient avoir pour réagir à
une crise qui ne cessera de s'aggraver. Ils combattront
parallèlement les tentations de retour à un
Etat investisseur et social tel que celui ayant fait le
succès de la France après la Libération.
Plus que jamais enfin, ils profiteront de leur emprise sur
l'UE et sur la zone euro pour pouvoir faire en Europe ce
qui leur sera plus difficile dans l'Amérique de Trump.
Ils le feront en s'appuyant sur les « oligarchies»
européennes qui ont toujours par intérêt
joué leur jeu.
Redéfinir
les programmes politiques européens
Les forces politiques européennes,
trop rares encore, qui refuseront de voir notre continent
faire les frais de la réforme sociétale proposée
par Trump à l'Amérique, devront transposer
en ce qui concerne l'Europe les solutions découlant
du programme de Trump. Ceci voudra dire notamment en revenir
au protectionnisme dans les secteurs où celui-ci
est devenu indispensable. Il en résultera, sans doute
une course aux renforcement des barrières douanières
comme aux dévaluations des unités monétaires.
Mais s'inscrire dans cette course sera préférable
que supporter unilatéralement les mesures protectionnistes
qu'adoptera de toutes façons l'Amérique.
Concernant les Etats, résister aux
effets du programme de Trump voudra dire en revenir à
un Etat capable, directement ou par fonds d'investissement
interposé, de recréer une industrie et des
services dévastés par le refus d'investissement
des conseils d'administrations privés. Il faudra
aussi renoncer définitivement à honorer les
dettes publiques, le poids de la dette empêchant tout
effort d'investissement public. Rappelons que cette répudiation
des dettes a toujours fait la force de l'Etat américain,
s'appuyant sur la banque fédérale et la suprématie
du dollar pour en faire payer le prix aux préteurs
étrangers.
Les Européens enfin devront, quels
qu'en soient les coûts, relancer les diverses politiques
sociales ayant fait la force des Etats dits Providence qui
avaient jusqu'ici évité la création
d'inégalités excessives entre possédants
et non-possédants. Or sous la pression des intérêts
financiers internationaux, la plupart de ces politiques
sont actuellement dégradées, y compris en
Scandinavie.
Se posera alors pour les Européens
la question de savoir si l'UE sous sa forme actuelle, pourra
être suffisamment réformée pour se débarrasser
du poids des intérêts américains et
adopter les différentes politiques de protection
aux frontières, d'investissements et de transferts
sociaux résumées ci-dessus. Ce ne pourra évidemment
pas être possible dans le cadre des institutions européennes
actuelles. Il faudra que les gouvernements européens
s'accordent pour faire de l'UE, à tous les niveaux,
la grande puissance diplomatique, politique et économique
qu'elle pourrait être dans le cadre d'institutions
réformées de type fédéral.
Mais si ceci se révèle impossible,
du fait de l'opposition d'Etats comme l'Allemagne ou de
ceux de l'Europe de l'Est, qui risqueront longtemps d'être
soumis à l'impérialisme américain,
il faudra que les forces politiques européennes,
principalement celles qui se situent actuellement dans l'opposition,
et les gouvernements qu'elles se donneront, acceptent de
sortir de l'UE et d'appliquer seules les réformes
que nous évoquons dans cet article.
Ceci bien évidemment ne voudra pas
dire refuser les coopérations sur mesure avec d'autres
gouvernements, tant européens qu'appartenant à
la zone Brics, dans les nombreux secteurs, tels que le transport,
l'espace, la santé ou la recherche scientifique dans
lesquels la coopération internationale est préférable
à l'isolationnisme.
Note
Sur le sujet des rapports futurs USA-Europe,
lire un excellent article du politologue Alexandre del Valle
"Les
conséquences géopolitiques de lélection
de Donald Trump : du souhaitable au plus probable"
Voir
son site