Série
Trump. Raqa: Trump contre Obama ?
Jean-Paul Baquiast 15/11/2016
Dans un article daté du 8/11, c'est-à-dire
avant l'annonce du succès de Donald Trump face au
duo Clinton-Obama, nous indiquions que les Etats-Unis voulaient
participer directement à la prise de Raqa afin de
contrer l'alliance entre Damas et la Russie en évitant
qu'elle intervienne à Raqa comme elle l'a fait avec
succès dans la reconquête d'Alep. 1)
Nous écrivions "Dans le cas très probable
d'une victoire à Raqa, ... une partie du territoire
syrien tomberait sous le contrôle de forces rebelles
soutenues par les Etats-Unis. Sans doute aussi s'y joindraient
des troupes au sol américaines, comme en Irak mais
sur une plus grande échelle. Les Etats-Unis auraient
donc repris pied en Syrie où ils contesteraient aux
Russes le monopole militaire. Le silence du gouvernement
russe devant cette éventualité s'explique
sans doute par le fait que Moscou la considère inévitable,
sauf à s'engager dans des opérations pouvant
déboucher sur un affrontement militaire direct avec
les Etats-Unis".
Or manifestement, bien des choses sont en train de changer
avec la victoire de Trump. D'après la source israélite
DEBKA file, généralement bien informée,
Trump n'aurait pas attendu d'être officiellement intronisé
à la Maison Blanche pour envoyer en Syrie des émissaires
issus de l'Armée américaine et favorables
à sa cause. 2)
L'objectif en serait double: obtenir des Turcs qu'ils ne
laissent pas l'armée irakienne et les milices kurdes
ralliées aux Etats-Unis prendre Raqa sans intervenir
eux-mêmes avec leurs forces - concrétiser la
volonté affichée de Trump de se rapprocher
de la Russie dans la lutte contre l'Etat islamique. La perspective
du futur accord américano-russe sur ce terrain pousserait
aujourd'hui les Russes à sortir de leur réserve
prudente à Raqa. Le trio Donald Trump, Vladimir Putin
et Recep Tayyip Erdogan serait ainsi décidé
à ne plus laisser les Américains d'Obama prendre
sans eux sinon contre eux la ville de Raqa.
L'engagement des Russes iraient jusqu'à bombarder
les convois d'armes qu'Obama fait envoyer actuellement de
Bagdad au profit des milices kurdes syriennes du Parti de
l'union démocratique PYD dont d'ailleurs d'autres
leaders kurdes indiquent qu'il ne représente pas
la totalité du « peuple kurde ».
Dans ces conditions, Raqa serait repris à l'Etat
islamique par les forces turques soutenues par l'aviation
russe, ceci dans le cadre de la nouvelle alliance américano-russe
contre le terrorisme au Moyen-Orient. Par ailleurs, Alep
serait aussi complètement conquis par les Syriens,
avec l'appui là encore des Russes. Ceci d'ailleurs
alors que la prise de Mossoul par les Irakiens soutenus
par Obama semble s'éterniser, face aux résistances
islamistes.
Conclusions provisoires
Plusieurs conclusions, avec la prudence qui s'impose, pourraient
être tirées de ces évènements:
- Au moins dans la question du Moyen-Orient, Trump bénéficierait
de l'appui de l'armée américaine, ou d'une
partie de celle-ci, dans son projet de négocier des
accords avec Poutine. Comme nous l'avions indiqué
dans un autre article 3) ce ne sera sans doute pas le cas
dans des perspectives plus globales. Mais qui sait, si Trump
décide de s'engager à fond dans ce sens? Son
intervention actuelle dans la question de Raqa serait de
bonne augure.
-L'accord stratégique entre la Turquie
de Erdogan et la Russie, qui ne semblait pas jusqu'à
ce jour complètement acquis, serait ainsi confirmé
- avec le consentement la encore de Trump du côté
américain.
- Indirectement, la nouvelle politique diplomatique
américaine, initialisée par Donald Trump,
se traduirait par un revirement américian vis-à-vis
de la Turquie. L'Amérique cesserait notamment de
soutenir le prêcheur islamiste Fethullah Gülen,
proche des plus radicaux des Frères musulmans, qu'elle
abrite encore sur son territoire.
- Le ton relativement favorable des Israéliens
à l'égard de Donald Trump, qui transparait
dans l'article cité ici de DEKFAfile, laisser penser
que Tel Aviv craint moins qu'auparavant le rôle de
Moscou en Syrie, lequel avait été suspecté
de vouloir renforcer l'influence des Iraniens et du Hezbollah
au Moyen-Orient. Ceci dans la mesure où Trump pourrait
jouer dans cette partie du monde un rôle de médiateur
entre les Israéliens, les Russes et les autres acteurs.
- Obama va rencontrer prochainement, dans
sa tournée d'adieu en Europe, les dirigeants allemands
et français. Ceux-ci devraient, en bonne logique,
lui demander de cesser d'intervenir pendant les deux prochains
mois pour contrer la volonté de Trump de se rapprocher
de la Russie.
- Restera à voir enfin si la volonté de Trump
de se rapprocher des Russes dans la lutte contre le terrorisme
ne sera pas rapidement bloquée par le complexe militaro-industriel
américain, dont la préparation d'une guerre
contre la Russie est depuis 50 ans la raison d'être.
Notes
1)
Les Américains à Raqa
2)
Obama hits Trump tie with Putin, Erdogan on