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Biblionet
Chemins
d'espérance - Ces combats gagnés, parfois
perdus mais que nous remporterons ensemble
Jean Ziegler
Seuil Automne 2016
Commentaire
Jean-Paul Baquiast 24/10/2016
.
Jean
Ziegler est un homme politique, altermondialiste
et sociologue suisse. Il a été rapporteur
spécial auprès de lONU sur la
question du droit à lalimentation dans
le monde. Voir Wikipédia
Jean Ziegler est l'auteur
de nombreux ouvrages, notamment, Sociologie et Contestation,
essai sur la société mythique (Gallimard,
1969), Une Suisse au-dessus de tout soupçon
(Seuil, 1976), Le Pouvoir africain (Seuil, 1979),
Main basse sur l'Afrique (Seuil, 1980), Retournez
les fusils ! Manuel de sociologie d'opposition (Seuil,
1981), Vive le pouvoir! Ou les délices de
la raison D'État (Seuil, 1985), La Victoire
des vaincus, oppression et résistance culturelle
(Seuil,1988), La Suisse lave plus blanc (Seuil,
1990), Le Bonheur d'être Suisse (Seuil, 1993),
Charles Baudelaire, avec Claude Pichois (Fayard,
1996/2005), L'Or du Maniema (Seuil, 1996), La Suisse,
l'or et les morts (Seuil, 1997/1998), Les Seigneurs
du crime : Les nouvelles mafias contre la démocratie
(Seuil, 1998), La Faim dans le monde expliquée
à mon fils (Seuil, 2000), Les Nouveaux maîtres
du monde et ceux qui leur résistent ( Fayard,
2002), Le Droit à l'alimentation (Mille
et une nuits, 2003) et L'Empire de la honte
(Fayard, 2005 ; Le Livre de poche, nouvelle
édition augmentée, 2008).
|
Commentaire
Nous avons toujours considéré
Jean Ziegler comme une référence essentielle
pour le combat contre l'impérialisme financier international
et la défense des peuples opprimés par celui-ci.
La liste ci-dessous des livres qu'il a publié en
témoigne.
Ce dernier ouvrage, qu'il présente comme une sorte
de testament moral, comporte divers chapitres consacrés
à son expérience personnelle, notamment en
tant que diplomate au service de l'ONU. Ils sont très
vivants, bien informés. Les lecteurs connaissant
mal le milieu très spécial des organisations
internationales y apprendra beaucoup. L'ONU et les dizaines
de structures en dépendant sont évidemment
le siège d'innombrables intrigues, pressions et conflits
qui en diminuent l'efficacité. Les Etats-Unis y jouent
un rôle excessif, au regard de leur population.
Mais en lisant Jean Ziegler, on ne peut s'empêcher
d'une certaine façon de partager sa conviction. Dans
un monde globalement ingouvernable, les instutions onusiennes
représentent à ce jour les seules tribunes
où peuvent s'exprimer et se défendre les intérêts
généraux de l'humanité. On ne voit
pas pour le moment comment et par qui les remplacer. Ce
ne sera pas une société numérique mondiale
gouvernée par la Silicon Valley américaine
qui pourra le faire. Il faut donc les soutenir chaque fois
que possible.
Ceci dit, le véritable intérêt du livre
reprend et illustre en les actualisant la thèse amplement
démontrée déjà présentée
par l'auteur dans ses nombreux essais: le caractère
prédateur de la finance internationale. On met généralement
sous ce terme les innombrables entreprises spéculatives
transnationales, bancaires et boursières, grâce
auxquelles le 1% des super-dominants imposent leur pouvoir
sur le reste de l'humanité. L'auteur montre aussi
clairement que cet impérialisme financier est associé
pour l'essentiel à l'impérialisme politique
qu'exercent les Etats-Unis sur une grande partie du monde.
En ce sens Wall Street et Washington (sans mentionner le
Pentagone) collaborent étroitement pour soumettre
ce monde à leur domination.
Les hedge funds
Il en donne de nombreux exemples. Le plus significatif est
celui des hedge funds ou fonds vautours. Il y a quelques
années, ceux-ci ont directement provoqué par
leurs manuvres spéculatives la chute du gouvernement
argentin de Cristina Kirchner. Elle s'efforçait de
dégager son pays de l'emprise écrasante de
l'Amérique du Nord. Elle a été remplacée,
à la suite de vastes opérations de corruption
menées à l'instigation de la CIA, par un personnage
sulfureux, qui s'est révélé un allié
dévoué des Etats-Unis.
Ceux-ci ont toujours voulu remplacer en Amérique
Latine, y besoin par la force, les gouvernements s'efforçant
à un minimum d'indépendance à l'égard
de Washington par des fantoches aux ordres. L'exemple de
Salvador Allende au Chili, assassiné par des militaires
directement inspirés par Washington, devrait être
rester dans toutes les mémoires.
Le même coup a été mené récemment
au Brésil pour faire tomber la « socialiste »
Dilma Rousseff. . Faut-il rappeler que l'Argentine et le
Brésil, sous leurs anciens gouvernements, avaient
joue un rôle important au sein du Brics, bête
noire des Etats-Unis car la Chine et la Russie en sont des
membres essentiels? Depuis, même si le Brésil
ne s'est pas encore formellement retiré du Brics,
il n'y joue plus de rôle actif.
Or, concernant l'Argentine en particulier, il ne peut échapper
à une analyse sérieuse que le fonds vautour
Elliott a été un élément essentiel
de la chute de Christina Kirchner. Ce fonds américain
riche de 27 milliards de dollars a été créé
par Paul Singer, un ancien avocat devenu milliardaire. Son
modèle économique est fondé sur les
poursuites judiciaires. Comme les autres fonds vautours,
il se spécialise dans l'achat à bas prix auprès
de leurs détenteurs (marché secondaire) des
titres de dette devenus sans grande valeur émises
par des débiteurs en difficulté ou proches
du défaut de paiement, dettes d'entreprises ou dettes
d'Etat dites souveraines. L'objectif est de réaliser
une plus-value soit lors de la phase de restructuration
de la dette, soit en refusant la restructuration et en obtenant
par action en justice le remboursement de leurs créances
à une valeur proche de la valeur nominale plus les
intérêts et éventuels arriérés
de retard.
Ainsi le fonds Elliott, comme le montre Jean Ziegler, a
racheté à bas prix la dette argentine lors
de la crise ayant frappé l'Argentine dans les années
2000. Puis il a refusé de participer à la
renégociation de cette dette, celle-ci visant a en
alléger le montant. Les procédures judiciaires
entre le fonds et l'Argentine continuent encore en 2016,
car il demande un remboursement au plus proche de la valeur
nominale. Il a le droit financier international pour lui.
D'autant plus qu'il emploie des centaines d'avocats pour
plaider sa cause devant les tribunaux des différents
pays où il assigne l'Argentine. En effet, devenu
propriétaire de la dette qu'il a racheté,
il est en droit d'exiger son remboursement, quelle qu'ait
pu être la bonne volonté de certains pays créanciers
visant à aider l'Argentine en différant ou
diminuant le montant de sa dette.
Le 1% des super-dominants
D'une façon encore plus éclairante, Jean Ziegler
montre que les spéculateurs transnationaux associés
à un capitalisme financier trouvant ses bases à
Wall Street mèneront au sens propre du terme, si
rien ne les arrête, le monde à sa perte. Animés,
comme nous l'avons souvent rappelé ici, par la recherche
du profit financier le plus immédiat, ils détruisent
massivement les structures mises en place péniblement
par les Etats, au cours de l'histoire, pour défendre
un minimum d'intérêt général,
encourager l'investissement productif, organiser une certaine
redistribution sociale. Les Etats peuvent être autoritaires,
souvent prendre la forme de dictatures, notamment en Afrique,
mais leur rôle est finalement bénéfique
au regard de l'exploitation effrénée des ressources
mondiales par le capitalisme financier et le 1% de ceux
qui s'abritent derrière lui pour dominer le monde.
Jean Ziegler a toujours été très sensible,
de par ses responsabilités précédentes,
à la faim dans le monde, à la surmortalité
des enfants dans les pays pauvres, à la dilapidation
de ce qui reste de ressources naturelles. Il montre bien
dans ce livre, à ceux qui en doutaient encore, l'effet
global de plus en plus destructeur de la recherche du profit
financier au service des intérêts des dominants.
Ainsi la richesse de ceux-ci, la diversité des perspectives
de consommation dont ils disposent, la puissance de leurs
technologies, notamment sur le plan numérique, reposent
sur des centaines de millions d'humains travaillant à
la limite de la survie pour produire les ressources agricoles,
minières ou industrielles indispensables à
cette domination.
Qu'en font-ils finalement? Le 1% n'investit pas dans la
recherche scientifique, la production de biens culturels
ou la protection des ressources mondiales, mais en faveur
d'une consommation hyper-luxueuse dont ils sont les seuls
bénéficiaires, résidences et yachts
de luxe, voyages internationaux improductifs et souvent
destructeurs, produisant un gaspillage généralisé.
On ne doit pas oublier le poids considérables des
dépenses militaires et de police par lesquelles le
1% assure sa domination en écrasant les opposants.
A supposer même que
le progrès scientifique et technique qui se fait
en dehors d'eux ou malgré eux finisse par produire
les éléments d'une humanité ou post-humanité
échappant aux servitudes d'un déterminisme
millénaire, ce seront ces 1% qui en bénéficieront
exclusivement. Ce seront eux les post-humains.
Le reste de l'humanité se verra condamné à
une mort progressive, par épidémies, famines
et guerres internes. Le 1% s'en réjouira. Comme le
rappelle Jean Ziegler, ainsi se réalisera le vieux
rêve de Malthus, lutter contre la croissance démographique
excessive des populations.
Chemins d'espérance?
On ne voit pas dans ces conditions, en réfléchissant
aux constations amères que fait Jean Ziegler et que
nous avons brièvement évoquées ici,
où pourraient se trouver les chemins d'espérance
qu'il continue à espérer. Manifestement il
les voit dans le renforcement des institutions internationales
auxquelles il consacre la seconde partie de son livre. Mais
ne s'illusionne-t-il pas? Si le 1% prend de plus en plus
de poids, comme il le montre explicitement, ce 1% ne détruira-t-il
pas ces institutions, ou tout au moins ne les rendra-t-ils
pas inopérantes? C'est d'ailleurs ce qu'il constate
lui-même par ailleurs en montrant l'influence destructrice
de Washington, représentant l'essentiel des 1%, sur
l'ONU, le FMI, la Banque Mondiale censés réguler
le monde.
Le livre n'évoque pas l'alternative à la domination
américaine que pourrait représenter le Brics,
ou plus exactement la Russie et la Chine. Mais sans doute
pense-t-il, non sans de bonnes raisons, que ces pays sont
en train de voir à leur tour émerger en leur
sein un 1% de dominants autochtones, qui finiront par s'allier
aux autres pour exploiter les 99% restants de l'humanité.
Nous l'avons parfois écrit ici pour notre compte.
L'optimisme n'a plus lieu d'être dans le monde qui
vient, si du moins on veut le justifier par des considérations
rationnelles. Ce ne peut plus être qu'une croyance
nourrie par les jeunes humains qui, pour des motifs quasiment
génétiques, veulent continuer à croire
en l'avenir pour ne pas sombrer dans l'alcool, les stupéfiants,
les guerres et parfois le suicide.
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