Politiques
industrielles. L'erreur de Vladimir Poutine
Jean-Paul
Baquiast 03/10/2016
William Engdahl a récemment expliqué que Washington
a contribué au renversement de la présidente
Dilma Roussef en manipulant les notations attribuées
au Brésil par les Agences de notation sous son contrôle.
Ceci s'était traduit par des baisses considérables
affectant le real, la monnaie brésilienne et affaiblissant
les avoirs des petits et moyens épargnants brésiliens
ne s'étant pas convertis au dollar.
Si le Brésil avait accepté, comme certains
éléments du parti des travailleur et du parti
populaire brésilien l'avaient recommandé,
de refuser le libre-échange, il aurait pu résister
à ces attaques. Il avait suffisamment de richesses
pour se développer seul ou, mieux encore, au sein
du Brics.
Vladimir
Poutine semble ne pas avoir suffisamment médité
cet exemple. Il continue, malgré les difficultés
actuelles suscitées notamment par la baisse des prix
du pétrole, à recommander pour la Russie l'
« Ouverture économique au reste du monde ».
Pratiquement ce terme signifie une ouverture à Wall
Street et aux investisseurs-spéculateurs étrangers.
La
rumeur dit que, sans doute par incompétence, il continue
à faire confiance à la directrice de la Banque
de Russie, la libérale Elvira Nabiulina. Il ne devrait
pas ignorer que celle-ci a été nommée
à la suite des pressions de Washington et sans doute
aussi des manuvres de la CIA pour corrompre les élites
financières russes qui continuent à miser
sur Wall Street et sur les industries américaines
travaillant en dollar dans le monde entier.
Elvira
Nabiulina persiste à prétendre que les attaques
sur le rouble sont dues à des forces du marché
international et non à des attaques directes diligentées
par Wall Street. Elle ne veut évidemment pas reconnaître
que la Banque centrale russe pourrait créer autant
de roubles que nécessaire pour financer les immenses
possibilités de développement du pays. C'est
pourtant de cette façon, comme personne ne devrait
l'ignorer, et Poutine pas le premier, que la Réserve
fédérale américaine a financé
le petit trilliard de dépenses militaires ou économiques
ayant permis aux Etats-Unis de prendre le contrôle
des trois quarts du monde.
Le
mécanisme désormais bien connu dit du «
Quantitative easing » (QE) lui a permis de le faire,
en créant autant de dollars que nécessaire.
Une grande partie de ces dollars a servi aux forces financières
et économique américaine pour se livrer à
des spéculations ayant quasiment mené le monde
entier à la faillite en 2008. Mais comme par hasard,
avec le soutien politique de Washington, les banques d'affaire
américaines s'en sont fort bien tiré, accroissant
leur pouvoir sur leurs concurrentes étrangères.
Deux grandes banques françaises, comme par ailleurs
en Allemagne la Deutsche Bank, en font aujourd'hui encore
les frais
Les
Etats-Unis savaient parfaitement qu'il valait mieux faire
appel à ces dollars « artificiels » qu'à
des crédits sollicités auprès des investisseurs
étrangers. Ceux-ci se traduisent par des dettes qu'il
faut un jour ou l'autre rembourser et qui permettent aux
créanciers d'obliger les Etats bénéficiaires
à mettre en oeuvre des politiques qui leur sont favorables.
Les gouvernements européens, qui sont paralysés
par le coût du remboursement des dettes publiques,
l'ont appris à leurs dépens. On objectera
que la Banque centrale européenne a depuis quelques
mois créé des milliards d'euros par le biais
du QE, mais c'est le secteur bancaire et boursier spéculatif
qui en a profité, t non des investisseurs publics
ou privés dans des domaines potentiellement productifs.
Le
Brexit permettra-t-il à la Grande Bretagne d'échapper
à ce cercle vicieux? C'est peu probable, car ce sera
la City de Londres, très proche de Wall Street, qui
prendra les commandes dans les domaines économiques
et financiers.
Que
fera Moscou?
Poutine
pourrait-il échapper à l'emprise des forces
financières internationales, relayées par
leurs soutiens parmi la classe dirigeante russe encore très
soumise à la finance américaine, qui lui interdisent
de sortir du dollar, adopter le rouble comme monnaie internationale
et instaurer en contrepartie un contrôle des changes
protecteur?
Il
ne semble pas. On lui fait sans doute valoir que créer
artificiellement des roubles qui seront nécessairement
initialement très sous-évalués par
rapport au dollar et à l'euro, lui interdira d'importer
les biens de consommation et de production libellés
dans ces monnaies. Une rigueur encore plus grande que l'actuelle
en résulterait momentanément. Mais ce serait
précisément l'objectif que viserait la création
de roubles par la Banque de Moscou. Ces roubles ne seraient
pas longtemps inflationnistes s'ils incitaient des citoyens
et entreprises russes à investir en profondeur dans
les industries productives. Ils seraient rapidement remboursés
par les retours sur investissement en résultant.
Encore
faudrait-il que le Kremlin définisse au plus vite
des politiques économiques intelligentes permettant
de tels investissement. Pour un pays, dont pendant des décennies
les compétences nationales en ces domaines ont été
abandonnées au profit des spéculations ne
bénéficiant qu'aux apparatchiks et à
ce qu'il en reste, dont notamment le vice-président
Dmitri Medvedev, la tâche reste très difficile,
presque impossible. Les seules investissements efficaces
sont actuellement faits dans le domaine militaire et spatial.
Ils sont indispensables mais ils ne permettent pas un développement
global rapide de la société russe, lui permettant
d'échapper à l'emprise de la zone dollar.
Si
Poutine ne le comprend pas, non plus que ses conseillers
au sein de la classe politique russe, tel l'influent économiste
et stratège Sergey Yurievich Glazyev, la Russie évitera
difficilement le sort du Brésil.
Note
Notre
ami l'économiste financier français Joseph
Leddet a depuis longtemps proposé la mise en place
d'Obligations à Durée Indéterminée.
Celles-ci permettraient, concernant la Russie, de faire
appel aux ressources des épargnants nationaux sans
les obliger de s'investir en dollars. Voir
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2015/159/odi.htm