Géopolitique.
Cuba. Un marché de dupes
Jean-Paul Baquiast 23/10/2016
La
visite officielle de Barack Obama à Cuba en mars
2016 avait laissé croire que les relations entre
Cuba et les Etats-Unis étaient redevenues normales.
Les héritiers politiques de Fidel Castro s'en étaient
inquiétés. Mais beaucoup de Cubains, souffrant
des sanctions américaines censées punir l'ile
de ses tentations « communistes », s'en étaient
réjouis. Aujourd'hui, ils réalisent que ces
sanctions sont toujours en place.
Certes quelques procédures découlant de ces
sanctions ont été adoucies. Les restrictions
aux relations touristiques ont été en partie
allégées. Cuba ne figure plus dans la liste
américaine des Etats dits « soutenant le terrorisme
international ». Mais les sanctions antérieures
continuent à empêcher l'exportation de produits
et services vers les Etats-Unis. Cuba n'a toujours pas de
relations avec les banques américaines. Les entreprises
américaines ne sont pas autorisées à
investir à Cuba, sauf dans le domaine des télécommunications.
Les transferts de fonds sont toujours bloqués, aucun
paiement autre qu'en dollars n'étant par ailleurs
accepté.
Cette situation continue donc à coûter
des milliards de dollars aux Cubains. Les services de santé
cubains, réputés dans toute l'Amérique
latine comme en Afrique pour leur excellence, ne peuvent
toujours pas importer des Etats-Unis les médicaments
et équipements indispensables. Cuba doit se les procurer
à des coûts bien supérieurs dans d'autres
pays. De même, l'agroalimentaire, les biotechnologies,
l'éducation, le sport et la culture restent toujours
interdits de relations normales avec les Etats-Unis. Ce
n'est pas la Maison Blanche, il est vrai, qui est responsable
de cet état de fait. C'est le Congrès dans
son ensemble. Les divers lobbies désireux de «
punir Cuba » y sont toujours très puissants.
Il est difficile d'ailleurs de comprendre ce qu'ils cherchent,
sinon à se venger du temps où Cuba coopérait
stratégiquement avec l'URSS.
Les héritiers politiques de Fidel
Castro ne s'en étonnent pas. La situation disent-ils
démontre qu'il n'y a toujours rien à attendre
de bon des Etats-Unis. Malheureusement pour eux le temps
n'est plus où Cuba pouvait bénéficier
d'une aide importante de Russie, en échange de facilités
géopolitiques. La Russie et plus encore la Chine
veulent certes maintenir de bonnes relations avec Cuba,
mais celles-ci ne se traduisent pas pour le moment par des
investissements prometteurs, tant du moins qu'ils respecteraient
l'indépendance politique et économique de
l'ile.
Quant aux relations économiques avec
les Etats-Unis, si elles reprennent, elles se traduiront
par la prise en mains complète de secteurs économiques
essentiels. Le lobby des Cubains ayant définitivement
coupé leurs liens avec la mère-patrie, très
présents en Floride, pourrait y trouver certains
avantages, mais les retombées positives pour le régime
seraient nulles. Raul Castro lui-même ne semblent
pas près à se vendre aux vautours américains.
Cuba, bon gré mal gré, devra
donc dans les prochains mois ou prochaines années,
continuer à ne devoir compter que sur lui-même
pour survivre. Il est très malheureux que les pays
européens, à commencer par l'Espagne, semblent
se désintéresser complètement des Cubains,
sauf à y organiser quelques voyages touristiques.
La France pour sa part, forte de la puissance régionale
que lui donne la Martinique et la Guadeloupe, devrait envisager
de mettre en place avec Cuba une aire économique
et d'influence commune, basée sur l'intérêt
stratégique croissant de la zone Caraïbe. Mais
personne ne semble y songer, ni à Paris, ni aux Antilles.
Cuba y est vu plus comme un rival éventuel que comme
un allié.