Article.
Gouvernements de grande crise.
Jean-Paul Baquiast 06/09/2016
Beaucoup en Russie, comme ailleurs dans le monde, souhaiteraient
voir Vladimir Poutine réagir avec une égale
belliquosité aux agressions belliqueuses que multiplie
à son égard le lobby de la guerre américain.
Qu'en sera-t-il si Hillary Clinton, surnommée la
Reine du Chaos, succédait comme il est probable à
Barack Obama? Ils s'étonnent de voir la grande prudence
avec laquelle le Kremlin répond actuellement aux
menaces américaines. Apparemment, ils souhaiteraient
que Vladimir Poutine se montre prêt à une guerre
nucléaire si les Etats-Unis continuent comme actuellement
à tout faire pour la provoquer. Le terme de la « faiblesse
de Poutine » est donc de plus en plus évoqué
1).
De la même façon, les historiens ont condamné
la « faiblesse des démocraties »
face à la montée du militarisme hitlérien
après 1933. Il fallait au contraire, disent-ils non
sans raison, opposer la force à la force, ceci dès
l'invasion de la Sarre.
Bien évidemment, ceux qui gardent un reste de prudence,
en Russie comme ailleurs dans le monde, ne souhaitent pas
voir Poutine partir en guerre sans des menaces directes
contre le pays. Mais cependant se pose la question de savoir
quel type de gouvernement serait nécessaire à
la Russie, si l'on voulait qu'elle sache réagir de
façon belliqueuse mais néanmoins raisonnable,
à ceux qui manifestement, à Washington, voudraient
le voir disparaître pour rester les maîtres
incontestés du monde.
Identiquement, mais avec moins d'urgence, se pose la question
de savoir comment le pouvoir chinois actuel pourra, sans
faire appel lui aussi aux réponses nucléaires,
faire face aux agressions provenant des Etats-Unis et de
ses alliés en Mer de Chine méridionale et
orientale. Manifestement, ceux-ci voudraient que la Chine
renonce à toute présence militaire, voire
économique, dans ces zones, alors qu'avec le « pivot
vers l'Asie » initialisé sous Obama, des
forces navales et aériennes américaines et
bientôt japonaises s'y déploient d'une façon
jamais observée jusqu'ici. Si la Chine restait prudente,
pourrait-on parler d'une « faiblesse »
de Xi Jinping ?
La question du gouvernement qui serait souhaitable, en Russie
comme en Chine, en ces périodes de tension croissante,
n'est pas qu'anecdotique. On peut avancer au contraire qu'elle
devrait être centrale dans les travaux de science
politique. Elle n'intéresse pas seulement ces deux
pays mais tout autant les démocraties européennes.
Les opinions publiques, même appartenant aux tendances
majoritaires, autrement dit exerçant le pouvoir,
sont loin de considérer que les institutions politiques
dont elles disposent, héritées du début
du 20e siècle, seraient capable de faire face à
une aggravation des tensions, afin d'éviter d'être
engagées dans des guerres qui seraient destructrices
pour le monde entier. Aucune réponse crédible
n'a été à ce jour suggérée.
Sinon d'ailleurs elle serait reprise dans des programmes
politiques sérieux.
Tous ceux qui réfléchissent à cette
question finissent par s'en remettre à un certain
fatalisme. Il est impossible selon eux, en l'état
actuel de la science politique, d'y apporter de réponse
solide. Il faudrait donc s'en remettre au hasard, en espérant
que le moment venu surgiront et s'imposeront d'eux-mêmes
des types de gouvernement aussi adaptés que possible
aux nouvelles exigences du pilotage des sociétés
humaines.
La grande crise à venir
Ceci dit, ce type de prospective institutionnelle évite
de considérer les immenses problèmes que devra
affronter le vie du Terre dans les prochaines décennies,
si les prévisions pessimistes mais apparemment fondées
des scientifiques se réalisaient. Nous avons précédemment
ici tenté de résumer la plupart d'entre elles.
2) Au pire, ce serait une nouvelle grande extinction des
espèces vivantes qui se préparerait.
Il est évident que les populations dans quelque partie
du monde que ce soit, et à supposer qu'elles refusent
de s'en remettre à la main de Dieu, se tourneront
vers leurs institutions afin d'en obtenir des directives.
En l'absence de celles-ci, ce seront des crises politiques
majeurs qui s'ensuivront, avec vraisemblablement des émeutes
et mort d'hommes généralisées.
Il serait donc urgent que l'ensemble des sociétés
développées, qui prétendent se donner
une certaine maitrise sur leur avenir, réfléchissent
à la question du gouvernement dans la perspective
de la future crise majeure. Ceci devrait intéresser
chaque nation, en fonction de ses traditions et institutions
politiques. Mais les institutions européennes ou
relevant des Nations unies, seraient plus encore concernées,
vu la nécessité de solutions globales.
Or malheureusement, les recherches en science politique
n'apportent pas de réponse. Sinon, comme l'on dit,
cela se saurait. Quant aux chercheurs les plus avertis,
ils avouent que, eux aussi, ils ne voient pas quelles préconisations
formuler. Ils reconnaissent que pour le futur, plus encore
que pour le présent, ils sont obligés de faire
confiance au hasard, en espérant que le moment venu,
pour reprendre notre formule ci-dessus, surgiront et s'imposeront
d'eux-mêmes des types de gouvernement aussi adaptés
que possible aux nouvelles exigences du pilotage des sociétés
humaines.
Ceci ne devrait pas étonner les anthropologues. Pour
la plupart d'entre eux, l'humanité, aussi pénétrée
de science qu'elle puisse être, est génétiquement,
si l'on peut dire, incapable d'imaginer ce que sera le futur.
A plus forte raison est-elle incapable d'imaginer des solutions
qui lui permettraient d'y survivre.
Notes
1) voir à ce sujet De Defensa http://www.dedefensa.org/article/notes-sur-la-faiblesse-de-poutine
2) Voir notre essai Quelle
France pour 2045 ?
Essai de prospective et de préconisation, Chapitre
1. Scenario noir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2015/161/avenirfrance.htm