Géopolitique.
La France grande puissance?
Jean-Paul Baquiast 22/09/2016

Aujourd'hui existent, selon
les évaluations, 2 ou 3 superpuissances: les Etats-Unis,
la Russie et la Chine. Mais ceci laisse une place pour un
petit nombre d'autres pays méritant d'être
qualifiés de grandes puissances. On peut entendre
par là des pays dotés de certains atouts leur
permettant de se distinguer du grand nombre des autres.
Parmi ces atouts, il faut mettre en premier
lieu et quoique il en déplaise une force militaire,
elle-même équipée de systèmes
d'armes développés pour l'essentiel sur le
territoire national, autrement dit non importés.
Il faut mentionner également l'étendue du
territoire sur lesquels cette puissance peut s'exercer.
On ajoutera évidemment aussi la possibilité
de faire appel à des moyens en recherche scientifique,
en industries avancées et en compétences générales
s'appuyant, là encore, majoritairement, sur des ressources
nationales.
Que peut faire une grande puissance, ainsi
caractérisée, pour peser sur l'évolution
du monde, face notamment aux super-puissances? Elle doit
d'abord s'imposer comme une autorité à la
fois autonome et indiscutable, que ce soit dans les organisations
internationales et notamment au conseil de sécurité
ou dans les nombreuses instances d'arbitrage et de propositions
qui se mettent en place pour faire face aux affrontements
inévitables opposant ces puissances. Elle doit également
se faire reconnaître comme une source d'invention
et de solution dans les grandes questions auxquelles le
monde sera confronté au long de ce siècle:
changement climatique, disparition des ressources naturelles,
surpopulation, conflits entre cultures et religions.
Elle doit enfin, et nous arrêterons
là car le thème est inépuisable, vouloir
jouer un rôle moteur, et non d'accompagnement , dans
les grandes révolutions en cours, robotisation, intelligence
artificielle, « conquête » spatiale. Ceci
quel qu'en soit le coût immédiat.
La France dispose de la plupart de ces atouts.
Quelques évènements récents le montrent.
Citons les discussions au sein de l'Union européenne
sur une politique de défense et de sécurité
dont la conclusion est que seule la France est en mesure
de soutenir une telle politique. Citons le contrat Rafale
signé avec une autre grande puissance, en voie de
devenir une superpuissance, l'Inde. Citons même la
livraison à l'Egypte du dernier des porte-hélicoptère
Mistral, initialement destinés à la Russie
et dont la France s'est vu interdire de livrer à
cette dernière.
Au plan diplomatique, bien que le tableau
soit moins glorieux, on peut évoquer le rôle
de modérateur, sinon de frein, joué par la
France au sein de l'Otan, qu'il s'agisse de la question
ukrainienne ou du renforcement des moyens militaires de
cette même Otan mis en place contre la Russie. On
peut mentionner aussi le rôle certain de la France
dans la préparation et le suivi des accords concernant
l'environnement dans le cadre de la COP21.
La démission
actuelle
Manque cependant la volonté de s'affranchir
vraiment des stratégies américaines. Ceci
confine la France dans le rôle de puissance suiveuse,
voir dans beaucoup de domaines celui de territoire soumis
à une exploitation de type colonial. Les exemples
récents ne manquent pas, vente probable du chantier
naval STX, démantèlement continu de Alstom
au profit de l'industrie américaine, abandon faute
prétendument de rentabilité du secteur prometteur
des éoliennes, renoncement à la lutte contre
la soi-disant domination des algorithmes qui n'est en fait
que la domination par les grands de l'internet américains
et le Pentagone. Sur ce dernier point, la France aurait
les ressources permettant de récupérer un
minimum de potentiel informatique et logiciel, encore lui
faudrait-il la volonté de le faire.
Qui est responsable de cette démission?
En premier lieu, il faut incriminer les gouvernements successifs
issus de la droite comme de la gauche. Aucun n'a jamais
vraiment voulu résister autrement qu'en paroles aux
politiques imposées dans notre pays par le Pentagone
et Wall Street. Il aurait fallu pour ce faire s'opposer
à la « finance » internationale, dont
les appuis au CAC40 sont innombrables. Il aurait aussi fallu
s'opposer aux véritables entreprises de démantèlement
de la puissance française par une Union européenne
faite essentiellement d'Etats ou d'intérêts
entièrement soumis, y compris en Allemagne, aux objectifs
de libéralisation, de lutte contre les puissances
publiques et leurs investissements, sans mentionner les
véritables politique de dissimulation et de corruption
organisées provenant de la Commission, dont l'affaire
Barosso et hier l'affaire Neelie Kroes sont des preuves
visibles.
Que devrait faire la France pour échapper
à son assujettissement actuel et devenir, ou redevenir,
une véritable grande puissance? Sortir de l'Otan,
sortir de l'Union européenne, se rapprocher de la
Russie? En interne privilégier enfin les investissements
productifs aux dépenses de consommation et au service
de la dette? Très certainement, mais rien de cela
ne sera possible dans un pays centralisé comme la
France sans un changement radical de gouvernement. Celui-ci
devrait se traduire dans un premier temps par l'élection
d'un prochain président (ou présidente) décidé(e)
à mener une véritable politique de puissance
reposant sur les atouts incontestables dont dispose la France