Politique
industrielle. Que restera-t-il d'Alstom dans le ferroviaire?
Jean-Paul Baquiast , Christophe Jacquemin 09/09/2016

Une locomotive
construite à Belfort en 1894 (carte postale ancienne).
Il n'est pas question ici de
nier les difficultés que rencontre le groupe ferroviaire
français Alstom pour maintenir son activité
et ses emplois. Cela tient au rétrécissement
du marché des TGV, en France comme à l'étranger.
Est-ce une raison pour fermer l'usine historique de Belfort,
au profit principal de celle de Reichshoffen en Alsace,
dont les capacités de production semblent actuellement
saturées?
Nous n'en discuterons pas
ici, faute d'avoir tous les éléments du dossier.
Le gouvernement français, qui détient 20%
du capital du groupe, ne semblait pas les avoir non plus,
compte tenu de la demande d'éclaircissement que le
ministre des Finances Michel Sapin vient de formuler auprès
de l'actuel PDG.
Rappelons cependant que depuis le rachat de lactivité
énergie dAlstom par laméricain
General Electric (GE) en 2015 et le recentrage
du groupe sur le rail, Alstom se ventait d'être
le «champion européen du ferroviaire»,
fort dun chiffre daffaires de près de 7 milliards
deuros et dun savoir-faire unique. En mai, le
groupe annonçait encore «une année commerciale
record» et «un bilan très solide»
pour ses résultats 2015-2016, avec un carnet
de commandes de plus de 30 milliards deuros,
dont 10,6 milliards durant cet exercice. En conséquence,
Alstom enregistrait un bénéfice de 3 milliards
et distribuait autant dargent à ses actionnaires.
Plus troublant, on venait d'apprendre quelques jours auparavant
que Alstom allait livrer 28 rames à la compagnie
américaine Amtrak pour un montant de 1,8 milliard
deuros. Il s'agira de lAvelia Liberty choisi
par les Américains pour sa technoogie de pointe :
rames articulées, système pendulaire intelligent,
dispositif anti-crash
Ces trains rouleront à 250 km/heure
entre Boston et Washington à lhorizon 2020.
Cependant les rames du TGV américain seront produites
sur le site dAlstom à Hornell, près
de New York, qui emploie principalement des salariés
américains. La maintenance sera,entièrement
réalisée dans les dépôts dAmtrak.
Les retombées directes en termes demploi seront
donc quasi nulles en France.
Il est difficile de reprocher à un groupe français
qui veut exporter aux Etats-Unis de prétendre continuer
à produire en France. La production locale s'impose.
Mais s'agit-il seulement de cela? N'est-ce pas un nouvel
abandon du savoir-faire d'Alstom aux Américains,
compte tenu de la difficulté qu'il y aura à
éviter que la production à Hornell ne leur
donne la possibilité de connaître en détail
et reprendre au compte d'une firme américaine le
savoir faire d'Alstom.
A ce moment, comme par hasard,
les exportations de futurs TGV américains se feront
facilement dans le monde entier, compte tenu des aides politiques
multiples que l'Etat américain apporte à ses
exportateurs.Nous avions à l'époque dénoncé
ce que beaucoup appelait un véritable scandale
d'Etat, c'est à dire la vente à General Electric
des activités de sa branche Energie , pourtant directment
impliquée dans la filière nucléaire
française.
L'Etat à l'époque s'était
défendu en affirmant que le nouvel Alstom ainsi amputé
allait s'imposer mondialement dans le ferroviaire. Mais
manifestement les intérêts américains
ne veulent pas laisser à Alstom un quelconque rôle
à l'exportation, ni dans ce domaine ni dans les autres.
Bientôt sans doute, comme le montre l'affaire d'Hornell,
Alstom devra se contenter de l'étroit marché
français.
Pour en savoir plus
Wikipédia.
Alstom