Le Brexit : mythe ou réalité
? Pour un regard systémique
Jacques de Gerlache 03/07/2016
L'auteur
de cet article est Co-fondateur de Greenfacts et citoyen
d'une "Autre Europe"
www.greenfacts.org
Une analyse plus "systémique"
(mode d'analyse fondamental de la dynamique des interactions
entre éléments d'un système dont l'enseignement
des rudiments-même manque toujours cruellement à
toutes les formations, de l'enseignement primaire au post-universitaire)
que banalement analytique de la situation que produit le
résultat du référendum britannique
concernant leur appartenance à l'Union européenne,
incite à penser qu'au-delà de cet événement
ponctuel, rien n'est joué et qu'il n'est pas si sûr
que le Royaume (dés)Uni quittera vraiment l'Union
européenne.
Il suffit de voir, au-delà des analyses
improvisées, des gesticulations politiques, des baudruches
médiatiques qui se dégonflent déjà
avec le déni de leurs promesses, rien que la montagne
de procédures administratives et juridiques, qui
prendraient des années à devoir être
assumées par cette « majorité »
de britanniques qui, pour beaucoup, ont déjà
passé leur moment d'humeur et se réveillent
avec la gueule de bois. Avec, en plus, le poids tellement
symbolique de la défaite de l'équipe d'Angleterre
devant la petite Islande dans ce sport anesthésiant
qui contribue tellement à priver nos sociétés
de leur minimum de lucidité ...
Ce que les britanniques n'ont fait que matérialiser
un peu plus concrètement par leur vote, c'est le
fait, largement partagé au-delà de leurs frontières,
que peu de gens se retrouvent dans le « système
» actuel de cette Europe technocratique et «
particratique » et dans ceux qui sont censés
les y représenter.
Qui, en effet, aujourd'hui se sent vraiment
représenté par, pour ne citer que ceux-là,
un Jean-Claude Juncker, ex-manipulateur fiscal, un Mario
Draghi, ex-banquier nord-américain ou un Donald Tusk,
ultralibéral affirmé dont l'ambition se limite,
de son propre aveu, à « assurer de l'eau chaude
dans le robinets » ???
Sans parler de leurs « conventions » opaques
à 2 milliards d'EUR avec l'industrie du tabac ou,
pire, des accords improbables sur des Traités «
transatlantiques » avec le Canada (déjà
bouclé !) ou les Etats-Unis, mais fondamentaux dans
leurs contenus et leurs conséquences, et sûrement
pas démocratiques puisque les Parlement européens
ou nationaux n'ont AUCUN droit au chapitre de leur opaque
négociation !!!
Brexit ou Eurexit ??
Ce n'est donc pas David Cameron qui devrait
démissionner, mais la Commission européenne,
responsable de la poursuite de cette accélération
d'une Europe dans une voie sans issue !!!
Et, au-delà, qui se sent encore vraiment
représenté par les partis nationaux dont les
listes électorales sont bouclées au travers
des décennies et des générations, comme
au temps, passé ou présent, de ces régimes
absolus que certains en Europe ne rêvent que de faire
(re)naître de leurs cendres, au sens propre comme
au sens figuré ...
Tout le monde parle de construire une "autre Europe"
sur de nouvelles bases, mais, comme le disait le psychologue
(systémicien !) Paul Watzlawick, face à l'échec,
l'attitude est de "demander toujours plus d'argent
(de pouvoir ??) pour faire toujours plus de la même
chose". Car, comme le disait aussi le physicien Max
Planck, « une idée nouvelle ne triomphe jamais,
ce sont ses adversaires qui finissent par mourir. »
Sans un mode de représentation plus
direct et dégagé des partis confiscateurs
de démocratie, les "idées nouvelles"
n'auront aucune chance de fleurir ... Comme le disait encore
un ancien premier ministre belge à propos de ces
structures qui ne représentent plus qu'elles-mêmes,
"quand tous les dégoûtés les auront
quittées, il ne restera plus que les dégoutants."
Il n'est pas trop tard mais il est temps
de confier à d'autres intelligences que celles de
"fonctionnaires politiques" myopes le soin d'ouvrir
d'autres chemins avant d'être retombés dans
les prisons d'idéologies autoritaires et bornées
telles celles qui ont mutilé les générations
qui nous ont précédées. Risque croissant
que les votes émotionnels de ce référendum
britannique n'ont fait que matérialiser : «
« Donnons-leur une chance, on verra ce que cela donne
» entend-t-on souvent dire dans les « interviews
micro-trottoirs ». Le tragique, c'est qu'avec une
vision systémique, nous savons très bien ce
quecela donnera ...
L'Europe de demain n'aura de sens que si
elle intègre dans une réelle dynamique globale
les relations intrinsèques entre l'économique,
le social, l'environnemental mais aussi leur clé
de voûte que constituent culture et philosophie, cela
tout en se dégageant d'une finance de casinos, prédatrice
autant qu'apatride et, à présent, aux mains
de robots aveugles. Et il n'est vraiment pas sûr que
les britanniques ne seront pas de la partie quand, tous,
nous aurons pris la (dé)mesure de la situation actuelle
...
Transfigurer le projet européen
Pourquoi en effet ne pas prendre comme base
solide et intuitivement partagée par tous les citoyens,
quelle que soit leur origine et leur statut, cette culture
vraiment européenne qui nous unit depuis des siècles
: de Picasso à Grieg, de Chopin à Turner,
de Michel-Ange à Magritte, des Beatles à Franz
Kafka pour ne citer que ces quelques « artistes »
...
Cela permettrait peut-être de (re)découvrir,
parmi d'autres, la pensée de Spinoza qui, en privilégiant
la notion d'une « Nature » par essence solidaire
et unique par rapport à l'individualisme cartésien,
dépassait sa pensée purement philosophique
pour proposer déjà des pistes de gestion politique
qui ne sont pas dénuées de sens ...
Ce qui est dommage par ailleurs, c'est que
certains acquis réellement fondamentaux de la connai-science
de ces dernières décennies ne soient pas mieux
perçus et intégrés dans toutes les
disciplines concernées ; ceux de la dimension systémique,
bien sûr, (rien de moins que celle de la moitié
de notre cerveau !) mais aussi tout ce que l'on sait aujourd'hui
des processus déterminant l'émergence et l'existence
même de l'organisation de tout système dit
« complexe », que ce soit au niveau moléculaire
(tel un cyclone) ou cellulaire, au niveau des organismes
(en particulier leur organisation neuronale), des espèces,
des écosystèmes, des sociétés
animales et humanoïdes, ...
On y découvrirait et intègrerait
enfin les processus reconnus comme « universels »
(catalyse, symbiose, coordination, coopération, ago-antagonisme,...)
à partir desquels il est possible de tellement mieux
comprendre aujourd'hui « pour-quoi il y a des arbres
», pour-quoi il y a des hommes, pour-quoi il y a des
civilisations ; processus à partir desquels notre
« conscience », dont nous sommes tellement fiers,
pourrait mieux penser et éclairer un avenir pour
nos civilisations « au-delà » du présent.
Cette dimension, en ce qu'elle est intrinsèquement
systémique, permet de comprendre comment un comportement
d'ensemble "intelligent" peut émerger du
fait, justement, de ces processus universels de catalyse
et de symbiose déterminés par leur "finalité"
(1) thermodynamique dissipative sous-jacente, ...
Alors, explorons ces nouvelles voies que
sont les associations délibératives de citoyens
qui ont déjà fait leurs preuves et ouvrent
le chemin à une représentation citoyenne directe
complémentaire à la représentation
élective et en harmonie avec ce que permet la nouvelle
révolution technologique de transmission des savoirs.
Dans ce contexte, les mouvements de type Podemos ou "Nuit
debout" n'ont-ils pas instinctivement pour objet de
faire émerger cette nouvelle forme d'intelligence
et de gouvernance collective, encore imprévisible
dans ses tenants et aboutissants, mais que nous appelons
de nos vux ?
Pourquoi pas mettre en uvre la dynamique
d'une Association instituante telle (2) que celle proposée
par Pierre Calame, d'abord au niveau « local »
au travers l'Europe entière, avant de la faire progressivement
« émerger » dans une dynamique globale
réellement partagée et ayant intégré
ce que nous connaissons à présent des processus
gouvernant leur dynamique ...
Mais une telle initiative devra absolument
éviter de précipiter les choses car (re)nouer
les liens émotionnels et culturels entre citoyens
prendra le temps : le temps de multiples rencontres, échanges,
concerts, qui pourraient se construire à partir notamment
de ces échanges « Erasmus » si bénéfiques,
de l'Alliance (3 et 4) pour un Monde responsable ou encore
le Manifeste du G 1000 . Y privilégier d'abord le
partage et la croissance de ces valeurs intangibles, bien
plus pérennes et partageables que les valeurs tangibles
cotées en bourse et soumises à une prédation
sans nom(s) ; Y privilégier cette vision, encore
une fois systémique, d'une Europe qui ne peut s'inscrire
qu'au sein d'un monde dont les entités sont de plus
en plus interdépendantes sur tous les plans : environnemental,
social, culturel et, bien sûr, économique et
donc politique.
Restera alors à résoudre l'enjeu des convictions
philosophiques, mais cela est une autre histoire qu'il nous
restera à écrire ... » ##
1 Le Principe d'émergence : https://www.youtube.com/watch?v=3wDLbwaOpck
François Roddier La thermodynamique de l'évolution:
http://www.editions-parole.net/?product=thermodynamique-de-levolution-un-essai-de-thermo-bio-sociologie
2
http://blog.pierre-calame.fr/public/FR_Assemblee__instituante_cahier_des_charges.pdf
3 http://www.alliance21.org/2003/index_fr.html
4 http://www.davidvanreybrouck.be/fr/content/le-manifeste-du-g1000