Que
se passera-t-il après le Brexit? Pour un axe Paris-Berlin-Moscou?
Jean -Paul Baquiast, Christophe Jacquemin 29/06/2016
Une tempête de commentaires
et propositions sévit actuellement, tant en Europe
qu'aux Etats-Unis, directement impliqués par l'incartade
de leur allié spécial britannique (special
relationship). Pour les commentateurs que nous souhaitons
être ici, des journées de 24h ne suffiraient
pas pour en prendre un minimum de connaissance afin d'envisager
les suites possibles de l'évènement, et moins
encore pour en tirer une opinion sur ce que nous souhaiterions
voir la France décider. Il convient donc de simplifier
beaucoup, quitte à être rapidement démenti
par la suite des évènements.
Trois perspectives
concernant l'avenir.
Elles sont profondément différentes.
- Selon la première, il ne se passera
rien. Tous les intérêts financiers et politiques
anglo-saxons, pris de court par un vote inattendu, réagiront
de la même façon. Ils feront tout pour ralentir
le processus de sortie et le rendre anodin. Rien ne changera
en profondeur dans le rôle britannique au sein de
l'UE, rôle au service de leurs intérêts.
- Une seconde perspective, renforçant
la première et bien plus crédible, prévoit
que Washington et Wall Street, qui depuis les années
1950 avaient décidé de mettre l'UE aux services
de leurs stratégies géostratégiques
et économiques, notamment contre la Russie, mobiliseront
tous les moyens dont ils disposent et ces moyens
sont de plus en plus importants- pour que rien ne change.
Ils noyauteront les gouvernements et les centres de décision
européens afin que ceux-ci, même après
le Brexit, restent sous leur contrôle.
- Une troisième perspective est à
nos yeux, sinon la plus crédible, du moins la plus
sympathique. Le Brexit entrainera une fin accélérée
de la puissance américaine. L'UE dominée par
les intérêts américains s'effondrera
rapidement face aux désirs d'indépendance
des peuple. De plus en plus de pays, petits ou même
grands, décideront à l'exemple britannique
de quitter l'UE et de décider seuls de leurs politiques
et de leurs alliances. Ils découvriront qu'ils en
sont parfaitement capables. Ce sera aussi en conséquence
la fin d'une Otan dominée par les Etats-Unis. Par
ailleurs, pour ces derniers, au plan interne, les électorats
isolationnistes voire anti-capitalistes finiront par de
faire entendre.
Trois choix pour
la France
Par ce terme, nous désignons des
choix qui, certes négociés par les gouvernements,
recueilleraient l'assentiment et le soutien de la majorité
de l'électorat.
- Participer à une refonte radicale
de l'Union. Il s'agirait d'une fédération
européenne véritable, associant les 6 ou 7
pays fondateurs. Par fédération, il s'agirait
comme le terme l'indique d'adopter un parlement, un président
et un gouvernement fédéral, des législations
et administrations pour l'essentiel communes, des politiques
communes au plan international, de la défense et
du développement. Les Etats-membres conserveraient
leurs propres institutions et politiques, sans que celles-ci
puissent s'opposer à celle de la fédération.
On objectera en France qu'une telle fédération
serait dominée par l'Allemagne. Mais ce serait sous-estimer
les ressources propres de notre pays. Jointes éventuellement
à celles des pays latins, elles combleraient les
lacunes considérables de l'Allemagne, s'il s'agissait
de ne pas se borner à l'économie, mais de
se donner touts les atouts de la puissance.
- Sortir de l'UE et de l'euro, sur le modèle
britannique. Ce que le Royaume-Uni pourra faire, la France,
avec des ressources différentes mais très
importantes, pourra le faire sans difficulté. L'enjeu
consistant à survivre seul mobilisera nécessairement
les moyens actuellement inemployés du pays, comme
les populations.
- Participer à un axe Paris-Berlin-Moscou.
Il est très possible que les gouvernements allemands
et russes s'entendent pour signer un nouveau Traité
de Rapallo, selon le terme en train de redevenir à
l'honneur. Le Traité de Rappalo fut signé
le 16 avril 1922 par l'Allemagne de Weimar et l'URSS en
marge des accords de Gênes. Il n'eut pas de suite.
Beaucoup d'intérêts puissants, en Allemagne
et le Russie, envisagent dorénavant cette perspective.
Ils pourraient conjuguer leurs forces, hors de l'emprise
américaine, pour mettre en valeur les territoires
boréales ou polaires, dans la perspective notamment
du changement climatique. Par ailleurs, ils pourraient négocier
avec la Chine, sur un pied d'égalité, des
coopérations multiples au sein du Brics.
Il serait évidemment désastreux
pour la France d'être exclue d'une telle alliance.
Elle redeviendrait une très petite puissance, malgré
ses ressources. Au contraire, dans ce que l'on pourrait
appeler un axe Paris-Berlin-Moscou, elle pourrait développer
et valoriser dans l'intérêt de tous les ressources
potentielles dont elle dispose. Se constituerait ainsi,
notamment compte-tenu d'un possible déclin américain,
une seconde (derrière la Chine?) voire une première
puissance mondiale. Un certain nombre de responsables politiques
commencent à s'en rendre compte en France, mais ils
se heurtent à un antisoviétisme hérité
de la Guerre Froide et soigneusement entretenu par Washington.
Un gros effort de communication sera nécessaire pour
que ceux favorisant cette solution se fassent entendre.