Editorial 1.
La classe des milliardaires et les peuples
Jean-Paul
Baquiast, Christophe Jacquemin, 01/06/2016

Il semble qu'un phénomène très important
se prépare au plan mondial: une prise de conscience
par les peuples de l'exploitation qu'exerce sur eux la classe
des milliardaires.
Appelons milliardaires les 3% de population qui, selon des
études désormais indiscutables, détiennent
entre 50 à 70% des ressources du monde. Il faut parler
de classe, selon le terme marxiste, car ces milliardaires
se sont malgré quelques rivalités internes,
associés en tous pays pour prendre le pouvoir et
le conserver. La plupart sont des actionnaires et patrons
de grandes entreprises, mais beaucoup sont de simples spéculateurs
formant ce que l'on nomme la finance, sans mentionner divers
super-riches et « people » qui vivent de richesses
accumulées par leurs prédécesseurs.
.
Appelons
peuples les 97% de population qui subissent l'exploitation
imposée par les milliardaires. Il s'agit de catégories
très diverses, salariés, petites et moyennes
entreprises industrielles, agricoles ou coopératives,
retraités, chômeurs. On y ajoutera dans les
pays pauvres, les centaines de millions de personnes qui
n'ont aucun droit sauf celui de survivre au moindre cout.
Appelons
exploitation le fait que les milliardaires, ayant pris en
mains tous les instruments du pouvoir politique, sont désormais
capables de récupérer à leurs profit
l'ensemble des valeurs ajoutées produites par le
travail des peuples, en maintenant ceux-ci dans des situations
aussi proches que possible du minimum vital. Ce minimum
vital est calculé différemment selon les pays
et les niveaux d'exploitation subis par les différentes
couches de travailleurs, mais en aucun cas il ne laisse
aux plus favorisés de ceux-ci les moyens d'entrer
en compétition avec les milliardaires.
Que
font les milliardaires des produits de leur exploitation?
Le temps n'est plus où ils investissaient dans de
grands chantiers productifs. Le premier emploi consiste
à financer des moyens militaires pour maintenir sous
leur domination ceux des peuples qui voudraient s'en affranchir.
Pour le reste il s'agit de dépenses somptuaires dont
ils sont les seuls à profiter. Ils utilisent par
ailleurs différents moyens médiatiques pour
empêcher les peuples de prendre conscience des inégalités
qui leur sont imposées. Qui s'indigne des vastes
propriétés ou yachts de luxe que certains
milliardaires n'hésitent pas à exhiber face
à des millions de chômeurs?
Début
de prise de conscience
Ce début
de prise de conscience par les peuples de l'exploitation
imposée par les milliardaires se traduit par des
résistances commençant à s'exercer
au niveau des institutions politiques. C'est le cas aux
Etats-Unis où de nouvelles couches électorales
se dégagent dans la perspectives des élections
présidentielles. Des millions d'électeurs
nouveaux ont rejoint Donald Trump et Bernie Sanders, espérant
trouver en eux des défenseurs de leurs intérêts,
complètement sacrifiés par les hiérarques
tant du parti républicain que du parti démocrate.
Si Trump ou Sanders les trahissent finalement, ils ne rentreront
sans doute pas facilement dans le rang
C'est
le cas en France où une résistance populaire
inattendue contre une loi Travail marquant un recul considérable
des droits des salariés s'exprime actuellement, avec
remise au premier rang de syndicats comme la CGT qui depuis
des années avaient paru oublier de jouer leur rôle
historique de défense des travailleurs. Des mouvements
analogues pourront sans doute apparaître ou s'étendre
dans les autres pays européens. Ils échoueront
probablement face aux résistances gouvernementales
instrumentées par les milliardaires, mais ils laisseront
cependant des traces.
C'est
aussi le cas en Russie, où des intérêts
nationaux dénoncés comme traditionalistes
commencent à faire pression sur Vladimir Poutine
pour que celui-ce combatte enfin l'influence prise par des
oligarques complices de Wall Street depuis la chute de Boris
Eltsine et conservée depuis. C'est aussi le cas en
Chine. Autant que l'on puisse juger malgré l'opacité
du régime, des opposants issus de couches sacrifiées
par les ambitions spéculatives des nouveaux milliardaires
chinois commencent à s'exprimer.
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Bien
évidemment, partout dans le monde, les divers médias
financés par la classe des milliardaires font silence
sur ces résistances ou tentent de les diffamer. Mais
l'écho donné aux luttes par la mondialisation
des réseaux numériques commence à se
faire sentir, malgré la résistance des porte-voix
officiels. C'est ainsi que le seul fait de parler d'une
classe des milliardaires, comme les premiers marxistes en
leur temps avaient parlé d'une classe des prolétaires
opposée à celle des possédants, est
gros de conséquences politiques. Les super-riches
et super-dominants, qui jusqu'ici se rendaient invisibles
grâce aux différents visages qu'ils affichaient,
apparaitront comme ce qu'ils sont: une pieuvre organisée
pour dominer le monde.
Ce qu'ils
ne disent pas est que vraisemblablement leurs abus de toutes
sortes pourraient entrainer en 50 ans la disparition de
l'humanité toute entière.
Notes
1) Aux
Etats-Unis, la peur qu'inspire aux dominants la CGT française
commence à se traduire dans les médias. Ainsi
le site Zerohedge, qui se présente comme anti-système,
vient de publier un article véritablement ignoble
sur les mouvements de grève en France. Notons cependant
que pour Philippe Grasset, excellent connaisseur des médias
anti-système américains, cet article peut
s'expliquer compte-tenu de considérations propres
aux diverses variétés d'anti-systèmes
aux USA
http://www.zerohedge.com/news/2016-05-30/only-francethe-right-disconnect?page=1
2) Sur
les Etats-Unis mais surtout la Russie, voir Philippe Grasset:
http://www.dedefensa.org/article/le-grand-retournement
3) Sur
la Chine, voir un article émanant certes d'un organe
de Hong Kong mais qui semble bien informé:
http://www.scmp.com/comment/insight-opinion/article/1919092/dont-listen-ruling-elite-world-economy-real-trouble
4) Nous lisons, peu après avoir publié le
texte ci-dessus, un article du World Socialist Web Site
qui dit à peu près la même chose: "Le
retour d'un grand récit" (celui de la lutte
des classes).
http://www.wsws.org/en/articles/2016/06/01/pers-j01.html