Editorial
2.
Affaire
des Panama Papers. Suite.
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin 11/04/2016

Dans
notre
premier éditorial sur cette affaire, nous n'avions
pas fait, faute d'informations à l'époque,
de suppositions sérieuses sur les auteurs de la fuite
et les intérêts grands ou petits auxquels elle
profitait. Nous avions surtout attiré l'attention
sur l'importance en nombre et en qualité des auteurs
d 'évasion et de fraudes fiscales empêchant
les Etats de conduire les politiques publiques auxquelles
ils s'étaient engagés auprès de leurs
citoyens. L'impôt est en effet pratiquement la seule
façon de conduire des investissements publics à
long terme, les politiques d'emprunt atteignant vite leurs
limites.
Nous
avions également souligné que l'affaire n'a
mis en évidence qu'un seul cabinet d'avocats d'affaires,
situé dans le seul Panama. Des centaines d'autres,
existent dans le monde, notamment depuis quelques mois aux
Etats-Unis. On peut imaginer l'ampleur mondiale du phénomène
de la fraude, estimé globalement à quelques
25 ou 30% des PNB. Ce phénomène mériterait
d'être étudié et approfondi en permanence
par tous, y compris les chercheurs en science politique.
Or pour des raisons que l'on appréciera, ceux-ci
n'en traitent pratiquement jamais.
Ceci
dit, nous sommes aujourd'hui en mesure de présenter
quelques hypothèses fortes concernant les auteurs
de la fuite dite des Panama Papers. Elles nous ont été
fournies par des correspondants bien informés, dont
le secret des sources nous interdit de mentionner ici les
références.
Une
opération principalement américaine
Selon
ces sources, confirmant en ceci des suppositions très
répandues mais dont les « médias
officiels », en France, ne parlent pas l'opération
s'inscrit dans une conjoncture internationale où
les Etats-Unis sont de plus en plus inquiets de l'expansion
et des succès de la Russie, de la Chine et plus généralement
du Brics. En dehors des pressions militaires qui ne cessent
de se renforcer, il leur est indispensable de compromettre
aux yeux des opinions mondiales n'ayant pas encore pris
parti, les dirigeants et les politiques menées par
ces pays.
D'où
l'insistance, remarquée par tous, à mettre
en cause Vladimir Poutine, le président chinois Xi
Jinping et quelques autres. Ceci sans fournir de preuves
sérieuses, comme les intéressés n'ont
pas manqué de le faire savoir. Vladimir Poutine et
la Russie demeurent une menace majeure vis-à-vis
de l'Amérique, du fait que la force nucléaire
russe peut faire jeu égal face à l'américaine.
Quant aux Chinois, les investissements économiques
qu'ils ont ces dernières années multipliés
en Amérique centrale, notamment au Panama, et en
Amérique Latine, pourraient rapidement priver Washington
de sa zone d'influence économique exclusive.
Au
Panama notamment, les Chinois ont pris une place considérable,
tant dans le monde de la finance que dans ceux du transport
maritime et du commerce, en tirant profit notamment de la
zone franche de Colon, la deuxième du monde en importance
après celle de Hong Kong. Cette zone franche constitue
un tremplin pour les exportations chinoises vers toute l'Amérique
latine. Discréditer tant la Chine que le Panama ne
peut faire de mal à la finance américaine,
d'autant comme nous l'avions indiqué, que les spéculateurs
et fraudeurs américains abandonnent désormais
ce pays pour s'abriter dans des paradis fiscaux domestiques.
Mais
pourquoi, dira-t-on, dans le même mouvement ,discréditer
l'allié britannique en la personne notamment de David
Cameron. On peut supposer qu'il a fait partie des victimes
collatérales, les fichiers de Mossack Fonseka ne
pouvant être facilement triés par ceux qui
en ont fait la divulgation afin d'en éliminer un
nom aussi important. Mais peut-être fallait-il aussi
rappeler aux Britanniques et plus particulièrement
aux travaillistes, qu'ils ne devaient pas espérer
s'évader du Special Relationship imposé par
l'Amérique depuis la 2e guerre mondiale.rre mondiale.
Les
sources de l'affaire
Il
n'a pas été assez expliqué, notamment
par les médias officiels occidentaux, que ces sources
sont occidentales, c'est-à-dire soumises directement
ou indirectement, à l'influence américaine.
Il ne s'agissait pas du tout d'héroïques lanceurs
d'alerte, risquant tels Julian Assange ou Edward Snowden
leur liberté et leur vie dans l'opération.
La
source, officiellement restée anonyme, a remis une
énorme base de données numérique au
journal allemand Süddeutsche Zeitunglui-même
très soumis à l'influence américaine.
Le journal a décidé de la partager, pour exploitation,
avec un consortium de journalistes d'investigation eux-mêmes
« occidentaux », l'« International
Consortium of Investigative Journalists ou ICIJ »
et son partenaire l'OCCRP (Organized Crime and Corruption
Reporting Project), organisme également anglosaxon
mais dont le journal Le Monde est partenaire. Ces deux organismes
sont sponsorisés notamment par le ministère
des affaires étrangères américain et
par le milliardaire furieusement anti-russe George Soros
Ceci
ne veut pas dire que tous les journalistes participant aux
deux consortiums cités soient directement aux ordres
des services américains. Mais autant que l'on en
connaisse, ils n'ont jamais pris le moindre risque, en tant
que lanceurs d'alerte, tels que ceux encourus régulièrement,
notamment par des organes comme Mediapart ou le Canard enchainé
en France. Voir en eux les représentants d'une presse
libre héroïque est sans doute leur faire beaucoup
d'honneurs.
D'autres
questions doivent être posées. La « source
» est-elle fiable ? Est-ce un individu seul ou un
service de renseignement bien introduit au Panama ? Les
documents sont-ils des documents d'origine ou des documents
d'origine trafiqués mélangeant du vrai et
du faux (comme les listings de l'affaire Clearstream, par
exemple, où certains noms avaient été
ajoutés sur les listes de « suspects »
dont pour les mettre en difficulté) Le fait que les
documents soient conservés et exploités par
un petit nombre de journalistes occidentaux est-il la meilleure
manière de pratiquer la vraie transparence sur cette
affaire au niveau international ? Wikileaks, lanceur d'alerte
bien connu dont l'impartialité et la fiabilité
ne sont en général contestées par personne,
a été curieusement tenu à l'écart
par « la source »......
L'exploitation
médiatique
A voir
les personnalités les plus attaquées, les
pays les plus visés, la manière dont les attaques
sont répétées à toute heure
par les médias occidentaux officiels sur des cibles
choisies, la guerre de l'information en devient caricaturale
et l'information perd de son équilibre et de sa crédibilité.
De plus,
les mises en causes ne reposent, comme nous l'avons rappelé
ci-dessus, sur aucun fait précis susceptible de compromettre
les personnalités visées. Il s'agit toujours
de relations ou relations de relations. C'est notamment
le cas de Vladimir Poutine, de Bachar al Assad, et de Marine
Le Pen...sans mentionner le président Zuma de l'Afrique
du Sud. Les personnalités concernées dédaignent
de répondre, mais selon l'expression bien connue
« calomniez, calomniez, il en reste toujours quelque
chose »
Posons-nous
une dernière question: Pourquoi avoir attendu presque
un an avant de divulguer ces « informations »
? Le moment serait-il opportun aujourd'hui ? De quoi donc
pourrait-on chercher à détourner notre attention
?
Note
Certaines
hypothèses suggèrent que l'affaire des Panama
Papers n'a pas été montée seulement
pour discréditer Poutine, Xi et autres. Elle relèverait
aussi d'une lutte interne entre mouvements politiques visant
à influencer le choix du prochain président
américain. Dans des luttes pour le pouvoir aussi
complexes, aucune hypothèse ne doit être considérée
comme excluant les autres.
* Voir par exemple Antimedia
http://theantimedia.org/panama-papers-end-hillary-clinton/