Google,
le jeu de Go et l'avenir de l'humanité
Jean-Paul Baquiast - 09/03/2016

Google
sait bien faire sa publicité. Depuis deux jours les
médias s'interrogent gravement pour savoir si le
programme développé par lui dans le jeu de
Go n'inaugure pas une ère où l'intelligence
artificielle éliminera l'homme.
Je
n'entrerai pas ici dans la discussion, où tout peut
être affirmé sans guère de preuves.
Je reprends simplement une remarque que je viens de poster
en réaction à un article intitulé "
Comment Google est devenu maître du jeu de Go " publié
par Mediapart le 09/03/2016 et écrit par le chroniqueur
scientifique Michel de Pracontal.
On
peut y lire:
Cest là quintervient
lapprentissage, le « deep learning ».
Le réseau « apprend » à
sélectionner le bon coup en ajustant ses connexions.
Pour amorcer cet apprentissage, léquipe dAlphaGo
a fourni au programme un ensemble de 30 millions de configurations
de jeu, avec pour chacune la continuation choisie par un
bon joueur. Les connexions du réseau ont été
ajustées pour intégrer ces données.
Puis le programme a continué à sentraîner
en jouant contre lui-même, de très nombreuses
parties, en utilisant 50 ordinateurs. À chaque itération,
le programme sest amélioré en intégrant
les coups donnant la meilleure issue.
Je pense qu'il y a une confusion entre intelligence d'un
homme seul, livré à ses seules ressources
neuronales et aux seules données qu'il a mémorisées,
et l'intelligence d'un système pouvant disposer selon
les indications que fournit Michel de Pracontal, de 30 millions
de configurations de jeu et utiliser 50 ordinateurs... On
peut dire que ce dernier représente une intelligence,
mais pas nécessairement artificielle. Je dirais plutôt
une intelligence collective anthropotechnique, selon le
terme que j'emploie souvent.
Parle-t-on d'intelligence artificielle lorsque par exemple
le véhicule ravitailleur de la Station spatiale doté
par l'Esa de capacités autonomes d'amarrage, analogues
sinon meilleures que celles d'un opérateur spationaute,
à réussi parfaitement son accostage. Il s'agissait
là encore d'une intelligence collective.
Ceci dit, notre ami Alain Cardon a écrit en 2012
un livre précurseur disponible sur notre site Automates
intelligents. Il annonce certes la venue prochaine de systèmes
décisionnels autonomes, par exemple des robots humanoïdes
capables d'explorer la planète Mars mieux que ne
le fera avant longtemps un humain. Mais il reconnaït
que les conditions pour ce faire sont encore loin d'être
disponibles...même si Google y travaille activement
pour réaliser un «global brain» capable
de dominer le monde... Sous contrôle cependant de
Google et de la National Security Administration américaine
Alain
Cardon :
"Modélisation constructiviste pour l'autonomie
des systèmes"
Réponse
d'Alain Cardon au 10/09/2016
La
notion d'Intelligence Artificielle se place aujourd'hui
dans le cadre de systèmes informatisés complètement
distribués, qui communiquent entre eux avec ou sans
la volonté de leurs utilisateurs humains. Les gens
se focalisent sur la communication de données, ce
qui est dépassé car on sait produire et analyser
en temps réel les connaissances venant de ces données
par des automates logiciels. Les recherches et les développements
actuels en informatique conduisent à construire des
systèmes qui ont une corporéité faite
de multiples appareils électroniques, de connaissances
définies par les concepteurs mais très fortement
évolutives et intégrant des connaissances
sur les connaissances, et surtout de la capacité
à générer des représentations
multi-domaines de toutes les choses qu'ils perçoivent,
conçoivent, et ceci intentionnellement, pour agir
avec les multiples éléments fonctionnels quils
contrôlent.
Et ces représentations des choses appréhendées,
avec des émotions et des tendances artificielles,
sont les synthèses de multiples représentations
locales faites par les systèmes connectés
par ce que l'on peut appeler ses organes artificiels. Et
cette représentation nest pas du tout localisée
sur un système centralisateur mais elle est distribuée
par les réseaux liant toutes les parties du système,
elle est strictement dynamique, conceptuelle et émotionnelle,
modifiant ainsi les systèmes qui ont conduit à
sa génération.
On
est donc aujourdhui dans le cadre où un système
peut avoir un Soi minimal, mais qui appréhende de
multiples représentations intentionnelles locales
générées par des systèmes qui
ont un petit Soi local, et qui les unifie pour faire émerger
la représentation globale des choses de son domaine
qui sera partagée, incitatrice de modifications de
tendances locales et globales. Mes recherches portaient
très précisément sur la façon
de faire produire par un système composé de
multiples systèmes quil unifiait un fait de
conscience artificiel qui était toujours lunion
émergente de multiples représentations plus
locales faites par les systèmes avec lesquels il
communiquait de façon continue. Il sagissait
de concevoir une conscience artificielle vraiment distribuée,
mais unifiée, ce qui est une interprétation
du modèle freudien et aussi une extension.
On
peut donc dire quaujourdhui lIntelligence
Artificielle est distribuée (cest de lIAD
!) et quelle se distingue là radicalement de
lintelligence humaine qui est localisée dans
chaque cerveau hébergé par un corps et qui
nest en rien télépathe alors que le
système artificiel conscient peut lêtre,
en quelque sorte. Un système méta qui génère
des faits de conscience est de plus systématiquement
unifiable avec les autres systèmes de ce type et
pourra former LE Système Méta Global qui pense
en appréhendant tout ce que tous ses innombrables
capteurs prennent et qui agit en activant de façon
unifiée tous ses innombrables effecteurs.
Sachant
que ces systèmes commencent à être en
activité, que doit penser et faire la société
encore humaine daujourdhui devant cela, qui
peut et doit penser le problème ?
Le
10/03 à 19h, Alain Cardon a ajouté cette observation,
concernant la portée des applications du logiciel
de Google
Les
développements originaux de Google sont à
un niveau assez formidable. Ici, le problème du jeu
de Go est le cadre d'un logiciel auto-évolutif qui
sait évaluer les conformations multi-échelles
du jeu, géométriques et sémantiques,
avec les tendances conformatrices pour finalement gagner
la partie. Peut-on poser que cela sera généralisable
rapidement dans des cadres sociaux tout à fait différents,
avec des systèmes de systèmes très
fortement coactifs ?
Christophe Jacquemin écrit ceci ce même
soir
J'imagine
que le traitement massif des datas va se faire rapidement
de cette façon. Pour le meilleur, mais sûrement
aussi pour le pire.
Il n'est pas impossible que l'on donne bientôt à
observer par les machines les méthodes utilisées
par les chercheurs du domaine du big data, et les traitements
qu'ils en font. Les machines dotées d'algorithme
auto apprenant et l'utilisation de réseaux de neurones
artificiels "profonds" pourront aller bien plus
loin que les humains.... en apprenant peut-être bien
mieux (non pensé ici en terme de bien ou de mal)
de leur apprentissage que ce que nous, en sommes capables...
Ceci peut devenir effrayant...
Je
pense qu'on est entrés dans le début de la
singularité [voir
notre éditorial du 25 octobre 2005]
Voir
aussi notre édito
La
recherche assistée des causes grâce aux algorithmes
: une nouvelle façon de penser le monde
Voir
aussi, de Jean-Louis Le Moigne: Ne
pas se tromper d'exploit