Avenir de
l'emploi du système CRISPR-Cas9 en génétique.
Jean-Paul Baquiast
12/03/2016
Introduction
Le système CRISPR-Cas9 (pour Clustered Regularly
Interspaced Short Palindromic Repeats) soit Courtes répétitions
en palindrome regroupées et régulièrement
espacées, est depuis les années 2010 devenu
un outil de génie génétique présenté
comme révolutionnaire et permettant de modifier plus
facilement et plus précisément les séquences
dADN. Ceci par suppression et insertion de gènes.
Cependant si l'outil peut à terme permettre d'éliminer
certaines maladies, notamment génétiques,
des inquiétudes se sont faites jour quant à
son utilisation en génétique humaine. La technique
peut en effet également s'appliquer sur des cellules
héréditaires, susceptibles de modifier ainsi
les descendances.
Sur la découverte
Dérivée
d'un mécanisme de défense bactérien,
CRISPR-Cas9 se répand dans les laboratoires. Son
objectif est de traiter de nombreuses maladies génétiques,
par modification de gènes défectueux à
l'origine de diverses maladies. Un grand enthousiasme s'est
développé à l'annonce de ces perspectives.
Le jury du prix Breakthrough a récompensé
en novembre 2014 deux scientifiques qui avaient été
les auteures de la découverte., dont la française
Emmanuelle Charpentier (image ci contre)
La technique CRISPR-Cas9 permet de modifier le génome
de divers types de cellules, tant chez les bactéries
que chez les plantes ou chez les animaux, ceci avec une
grande facilité. En 2014, elle a franchi deux nouvelles
étapes importantes. D'abord, elle s'est révélée
utilisable sur des primates. Ensuite, elle a permis de corriger
des maladies génétiques in vivo sur des souris.
CRISPR-Cas9 tire son origine d'études fondamentales
du génome bactérien. En 1987, Atsuo Nakata
et son équipe de l'université d'Osaka, au
Japon, découvrent des séquences d'ADN répétitives
dans le génome de bactéries Escherichia
coli. Dans certaines parties de ces séquences,
les quatre « lettres » constitutives de l'ADN
forment des suites identiques dans un sens de lecture ou
dans l'autre, comme des palindromes.
La découverte n' a guère suscité d'intérêts
avant 2005, quand des bio-informaticiens découvrent
que les morceaux d'ADN intercalés entre ces palindromes
sont souvent des séquences d'ADN de virus. En 2007,
l'industrie fromagère danoise a constaté que
lorsque les bactéries servant à fabriquer
des yaourts et des fromages ont des séquences CRISPR,
elles survivent mieux aux infections virales. Il s'agit
d'une sorte de système immunitaire capable de garder
la mémoire d'une agression par un virus ou une séquence
d'ADN étrangère, afin de combattre ce même
agresseur lorsqu'il envahit à nouveau la bactérie
Comme pour n'importe quel gène, chaque séquence
CRISPR, qui contient donc de l'ADN viral, est transcrite
en plus petites molécules intermédiaires,
des ARN, qui contiennent la séquence complémentaire
de l'ADN viral. Mais plutôt que d'être ensuite
traduits en protéines, ces ARN vont se lier à
une enzyme découpeuse d'ADN nommée Cas9. Si
cette structure rencontre l'ADN correspondant d'un virus
dans la cellule, l'ARN s'y apparie et la Cas9 le coupe en
deux. Le système permet de détecter facilement
une séquence d'ADN donnée, puis la découper
avec précision.
Perspectives
Il
en découle que la Cas9 permettrait de supprimer un
gène et ainsi découvrir sa fonction, ou l'éliminer
s'il est néfaste ou déficient. Il suffirait
de fabriquer en laboratoire un correspondant au gène
que l'on souhaite cibler, puis de l'associer à une
enzyme Cas9. Cette dernière découperait alors
le gène. Le CRISPR-Cas9 possède plusieurs
avantages par rapport aux meilleures enzymes découpeuses
d'ADN (les nucléases) développées avant
lui. Il s'agit de la simplicité. Avec CRISPR-Cas9,
il suffit de fabriquer de petits ARN, une technique déjà
utilisée dans les laboratoires pour faire synthétiser
telle ou telle protéine dans une cellule, ou pour
perturber le fonctionnement de gènes. En utilisant
plusieurs ARN guides, diverses équipes ont très
facilement réussi à cibler plusieurs gènes
à la fois, y compris dans des cellules humaines.
Un second avantage est la rapidité, liée à
la simplicité du système. Enfin CRISPR-Cas9
est bien moins coûteux que ses concurrents, l'obtention
d'ARN sur mesure faisant appel à des techniques de
routine en biologie moléculaire. Il en résulte
que de très nombreues expériences et publication
à ce sujet sont désormais produites. Les chercheurs
français y ont leur part.
En 2014, comme indiqué ci-dessus, l'outil a franchi
deux caps importants :un premier succès sur des primates,
et sa capacité à corriger des maladies génétiques
sur des souris. En mars 2016 une équipe de l'Institut
de technologie du Massachussets a concrétisé
le potentiel médical de CRISPR-Cas9. Les chercheurs
l'ont utilisé sur la souris pour corriger une maladie
génétique incurable du foie. Le gène
injecté chez des cellules malades a permis à
certaines d'entre elles de redevenir saines et de proliférer.
En août 2016, c'est une autre maladie génétique
incurable la myopathie de Duchenne, qui a chez la souris
cédé devant l'emploi de CRISPR-Cas9, au niveau
de l'embryon.
Pour utiliser CRISPR-Cas9 sur l'homme , il faudra s'assurer
qu'il n'induit pas de lésions dans d'autres régions
du génome. Il faudra aussi augmenter la fréquence
à laquelle les cellules ciblées sont corrigées.
Tout ceci soulève déjà des inquiétudes.
Différents moralistes font valoir qu'il s'agira de
modifications de grande ampleur du génome humain,
pour la réalisation éventuelle de surhommes.
L'objectif sera lointain, mais tout laisse à penser
qu'il sera poursuivi.
Amélioration
de la technique
L'étude
citée ci-dessous décrit une technique permettant
d'améliorer l'efficacité de l'effet knock
out du CRISPR-Cas9 dans les processus permettant d'éliminer
certains gènes et de les remplacer par d'autres

Légende Clustered
regularly interspaced short palindromic repeats (CRISPRs)
technology employs a guide RNA to direct the Cas9 enzyme
(light blue) to a target DNA sequence. Once there, Cas9
will bind when it finds a protospacer-adjacent motif sequence
(red) in the DNA and cut both strands, priming the gene
sequence for editing. (credit: Adapted from OriGene Technologies)
Résumé de
Optimizing sgRNA structure to improve CRISPR-Cas9
knockout efficiency
Background: Single-guide RNA (sgRNA) is one of the
two key components of the clustered regularly interspaced
short palindromic repeats (CRISPR)-Cas9 genome-editing system.
The current commonly used sgRNA structure has a shortened
duplex compared with the native bacterial CRISPR RNA (crRNA)transactivating
crRNA (tracrRNA) duplex and contains a continuous sequence
of thymines, which is the pause signal for RNA polymerase
III and thus could potentially reduce transcription efficiency.
Results: Here, we systematically investigate the effect
of these two elements on knockout efficiency and showed
that modifying the sgRNA structure by extending the duplex
length and mutating the fourth thymine of the continuous
sequence of thymines to cytosine or guanine significantly,
and sometimes dramatically, improves knockout efficiency
in cells. In addition, the optimized sgRNA structure also
significantly increases the efficiency of more challenging
genome-editing procedures, such as gene deletion, which
is important for inducing a loss of function in non-coding
genes.
Conclusions: By a systematic investigation of sgRNA
structure we find that extending the duplex by approximately
5 bp combined with mutating the continuous sequence
of thymines at position 4 to cytosine or guanine significantly
increases gene knockout efficiency in CRISPR-Cas9-based
genome editing experiments.
Référence
Ying Dang, Gengxiang Jia, Jennie Choi, Hongming Ma, Edgar
Anaya, Chunting Ye, Premlata Shankar and Haoquan Wu. Optimizing
sgRNA structure to improve CRISPR-Cas9 knockout efficiency.
Genome Biology201516:280 DOI: 10.1186/s13059-015-0846-3
(open access)
Pour en savoir plus
Voir
Wikipedia