Editorial 1.
Les migrations vers l'Europe seront-elles un jour contrôlables?
Jean-Paul Baquiast, Christophe Jacquemin 01/03/2016

Image. Sur la frontière gréco-macédonienne
le 30/02/2016
Il n'est
pas possible de considérer l'augmentation croissante
des migrations de populations moyen-orientales et africaines
vers l'Europe comme un événement de circonstance,
pouvant être attribuées à des causes
occasionnelles, et qui disparaitra avec le disparition de
ces causes.
Il faudrait
au contraire considérer ces migrations comme révélatrices
de phénomènes plus profonds, appelant des
approches scientifiques, c'est-à-dire si possible
à l'abri de considérations partisanes. Il
en serait de même des migrations actuelles vers le
nord de nombreuses espèces vivantes si les biologistes
les attribuaient à des causes propres à chaque
espèce, sans faire l'effort de les relier à
un phénomène plus général, le
changement climatique, pour lequel d'ailleurs l'analyse
scientifique ne fait que commencer.
Malheureusement,
dès que l'on essaye d'aborder la question des migrations
vers l'Europe, l'on se heurte à toute une série
de critiques. Certaines sont bien intentionnées,
même si mal fondées. D'autres au contraire
relèvent d'une guerre délibérée
faite à l'Europe. Ce qu'elle a conservé de
spécificités sociales et culturelles est considéré
comme insupportable par ses rivaux et adversaires. Pour
ceux-ci, l'entrée massive en Europe de populations
dotées de spécificités sociales et
culturelles toutes différentes permettra de ramener
l'Europe au niveau du reste du monde.
Pour
ces critiques, prétendre que les Européens
doivent étudier de façon aussi scientifique
que possible les phénomènes de migration menaçant
leurs spécificités est considéré
comme attentatoire aux droits de l'homme ou relevant d'autres
motivations tout aussi condamnables. Une raison de ce refus
tient évidemment au fait qu'étudier aussi
scientifiquement que possible ces phénomènes
pourra suggérer des remèdes eux-mêmes
aussi scientifiques que possible, c'est-à-dire échappant
aux critiques de stigmatisation, racisme et autres rejets
de la différence. Beaucoup se refusent à les
entendre.
Des
pistes d'analyse
Nous
n'entreprendrons pas dans le cadre de cet éditorial
d'envisager sérieusement des pistes pouvant permettre
de mieux comprendre la nature profonde des entrées
migratoires affectant l'Europe, et moins encore envisager
la façon dont l'Europe pourrait échapper à
la dissolution qui la menace. Ces pistes ont d'ailleurs
été évoquées par d'autres plus
compétents que nous. Mentionnons seulement quelques
thèmes. Les principales pistes relèvent de
phénomènes évolutifs, sur lesquels
à court terme, c'est-à-dire en temps utile,
il ne parait guère possible d'agir. Citons la croissance
démographique hors normes affectant l'Afrique et
certains pays du Moyen-orient. Elle coexiste avec le changement
climatique qui réduira considérablement les
productions vivrières. Sur le plan religieux, tant
chez les musulmans que chez les chrétiens, la persistances
de normes interdisant la contraception ne fera qu'aggraver
la situation.
Dans
le domaine géopolitique, il n'est pas possible par
contre de passer sous silence la guerre de moins en moins
froide menée par les Etats-Unis contre la Russie
et ses alliées du Brics. Dans cette guerre, l'Europe,
via l'Union européenne et l'Otan, a toujours été
considérée comme un avant-poste devant rester
sous contrôle. Or comme des désirs d'émancipation
commencent à se faire jour en Europe, accabler celle-ci
de migrations massives artificiellement suscitées
ne pourra que la désorganiser et la rendre à
nouveau docile. On peut craindre que les élections
en préparation à la Maison Blanche ne changent
rien à cette manifestation de la superpuissance américaine
dont l'Europe est pour le moment incapable de s'émanciper.
Il faut
aussi évoquer un phénomène universellement
répandu dans la nature: le fait qu'au sein de la
concurrence pour survivre que se livrent les espèces,
celles qui pour des raisons tenant au passé ont pu
acquérir des avantages compétitifs font l'objet
d'attaques incessantes des autres espèces, voulant
s'emparer de leurs acquis. La plupart des premières
n'y résistent pas. Celles qui le font ont pu acquérir
des défenses suffisantes toujours dans le cadre de
la compétition darwinienne, pour se maintenir en
vie. Or, dans le domaine des luttes entre pays et groupes
de pays pour maintenir ou acquérir des positions
favorisées, en terme de niveau de vie comme plus
généralement socio-économiques, l'Europe
continue à faire envie.
Certes,
on fait valoir que tout au long du 19e et début du
20e siècle, elle a acquis ces avantages par la guerre
et la colonisation. Mais serait-ce un argument recevable
par les Européens d'aujourd'hui, si les pays ayant
souffert de ces guerres et colonisations exigeaient d'eux
qu'ils abandonnent volontairement tous leurs avantages acquis,
pour retrouver le niveau des plus pauvres. Évidemment
pas. Ils ne le feront que sous la contrainte, et les entrées
migratoires massives seront à l'avenir la forme la
plus efficace de cette contrainte.
On peut
comprendre que face à cette situation, les Européens
fassent appel aux fermetures de frontières, protections
réglementaires et le cas échéant, mobilisation
de leurs forces armées, pour défendre leurs
avantages relatifs. Ceci d'autant plus que des mesures plus
acceptables en termes humanitaires, visant à une
redistribution partielle des « richesses » européennes,
n'auraient qu'un effet marginal face aux besoins
qui seront ceux, par exemple, des 4 milliards d'Africains
prévus pour la fin du siècle.
Une
défense impossible?
Ceci
dit, même défendre par la force les frontières
européennes n'aura qu'un effet limité et non
durable. Les expériences actuelles entre la Grèce
et la Macédoine, comme la défense, il est
vrai, encore pacifique, de la Méditerranée,
montrent que les forces européennes ne résisteraient
pas face à des millions de migrants déterminés.
Si les premiers migrants tombaient victimes d'éventuelles
défenses européennes à la mitrailleuse
ou par blindés - à supposer que les Européens
veuillent y recourir - les autres exerceront des pressions
en masse, fussent-elles suicidaires, pour forcer les lignes.
La défense européenne, en son état
actuel, ne tiendrait pas longtemps face à ce qui
deviendrait une véritable guerre aux frontières.
Ce d
'autant plus qu'au sein même des pays européens,
des groupes terroristes prendraient un relais déterminé,
initialement soutenus par des « organisations humanitaires
» se comportant, involontairement ou consciemment,
en « ennemis de l'intérieur ».
Le lecteur
conclura de ce qui précède que la prétention
que nous affichions d'étudier les flux migratoires
avec des méthodes un tant soit peu scientifiques,
n'aurait guère d'effets pratiques. De même
que dans un autre domaine, les changements climatiques sont
en route et que rien ne les arrêtera, les offensives
migratoires contre l'Europe n'apparaissent pas maîtrisables.
Les Européens devront, à brève ou longue
échéance, rejoindre le niveau de vie des pays
les plus pauvres. Ils n'en mourront pas pour autant, dira-t-on.
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