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Biblionet
Southern
Insurgency The Coming of the Global Working Class
Immanuel
Ness
Présentation
par l'éditeur
Commentaires
par Jean-Paul Baquiast
19/01/2016
L'auteur est professeur de sciences politiques à l'Université
de New York
Les partis
et mouvements de gauche occidentaux considéraient généralement
dans la première moitié du 20e siècle,
que la « classe ouvrière » célébrée
par les théoriciens marxistes, pourrait devenir l'agent
actif des évolutions ou révolutions permettant
de remplacer les régimes capitalistes par des régimes
socialistes. Dans les régimes communistes staliniens,
cet espoir a tourné court. Si la dictature du parti,
imposée dès les origines par Joseph Staline
a pu se mettre en place avec l'appui de la classe ouvrière
russe de l'époque, si elle a pu apporter à celle-ci
de substantiels avantages, elle n'a en rien permis le développement
d'une classe ouvrière organisée, susceptible
de définir ses propres objectifs et de faire le cas
échéant contrepoids aux institutions soumises
au pouvoir du parti.
Les classes
ouvrières nationales ont par ailleurs été
incapables d'imposer aux Etats ce dont avait initialement
rêvé Trotsky, une Internationale ouvrière
rassemblant des travailleurs de tous les pays et susceptible
de jouer le rôle d'une force organisée dans les
institutions internationales telles que l'ONU ou le BIT, sans
même mentionner un passage mondial du capitalisme au
socialisme. Les intransigeances nationalistes internes, dès
le début de la première guerre mondiale, ont
ruiné cet espoir.
Plus récemment,
dans le système néolibéral s'étant
imposé dans les pays développés du Nord,
le concept de classe ouvrière, agent moteur de changements
politiques profonds, a perdu toute consistance. Différentes
raisons ont expliqué ce phénomène et
continuent aujourd'hui à empêcher qu'il ne renaisse.
Il y a eu d'abord la diminution des effectifs ce que l'on
nommait jadis une classe ouvrière proprement dite,
aux compétences professionnelles affirmées,
du fait de l'automatisation et du recrutement de travailleurs
immigrés dépourvus de droits sociaux et du travail.
Les travailleurs en col blanc qui sont devenus de plus en
plus nombreux auraient pu se rapprocher de la classe ouvrière,
mais pour de multiples raisons, ils se sont efforcés
de s'en distinguer et de refuser, sauf exception, de mêler
leurs intérêts à ceux des ouvriers. Les
entreprises et les Etats ont bien évidemment favorisé
cette dispersion, en évitant l'apparition de revendications
communes soutenues par des syndicats forts.
Il en
résulte aujourd'hui, dans les pays dits occidentaux,
que la classe ouvrière n'est pratiquement plus un facteur
de lutte sociale et de changements structurels. Ceci non seulement
au niveau d'une éventuelle Internationale des travailleurs,
mais dans chaque pays pris individuellement ou, en Europe,
au niveau des institutions de l'Union. Le recrutement des
syndicats ouvriers s'en est fortement ressenti. Pourquoi cotiser
à des organisations dont le pouvoir protecteur est
devenu quasiment nul?
Une
émergence en Asie
Dans
le même temps, aujourd'hui, dans les pays asiatiques,
les ouvriers massivement employés dans les industries
faisant un large appel à des mains-d'uvre salariées
tendent à se regrouper pour mieux défendre leurs
intérêts. Dans certains cas, ils vont jusqu'à
organiser des actions collectives et tenter de mettre en place
des syndicats. Le processus est différent selon les
pays concernés et leurs cultures politiques et sociétales,
mais le mouvement paraît devenir général.
.
Sur ce
point très important, Immanuel Ness professeur de sciences
politiques à l'Université de New York vient
de publier un ouvrage très documenté: Southern
Insurgency. The Coming of the Global Working Class. Il examine
le cas de trois pays importants, la Chine, l'Inde et l'Afrique
du Sud, où des travailleurs cherchent à s'organiser
collectivement pour combattre la domination d'un capitalisme
global, fut-il en partie public comme en Chine, pour les priver
de droits du travail.
Un article
de Counterpunch résume l'ouvrage avec beaucoup
de détails, ce que nous ne pouvons faire ici. Nous
y renvoyons le lecteur. Il faut par contre se demander si
ces nouvelles formes de défense de travailleurs souvent
soumis à des conditions effroyables de travail pourront
aboutir à leur faire reconnaître des droits effectifs,
tant par les multinationales qui les emploient que par les
gouvernements.
Une réponse
négative parait dans un premier temps s'imposer. Comment
dans des pays jusqu'ici dépourvus de législation
du travail, et disposant de populations sans emploi toujours
prêtes à accepter ce que leur offrent les employeurs,
les travailleurs en résistance contre ceux-ci pourront-ils
jamais obtenir la satisfaction de leurs exigences légitimes?
D'une part en effet les gouvernements ne souhaitent pas voir
remises en causes leurs politiques de production ou d'exportation.
En Chine notamment, ces gouvernements, au niveau national
ou à celui des collectivités, sont restés
très autoritaires, sous la pression d'un parti communiste
ayant conservé beaucoup des comportements dictatoriaux
datant de Mao Tse Toung. En Inde, malgré les apparences,
le poids conservateur de la puissance publique continue à
se faire sentir pleinement, dès qu'il s'agit des relations
du travail. D'autre part dans tous ces pays, l'essentiel de
la main d'uvre est constitué de femmes, souvent
d'adolescentes, ce qui ne facilite pas leur reconnaissance.
Enfin,
il faut signaler que les entreprises les plus intransigeantes
sont celles qui exportent, arguant de la concurrence sans
pitié régnant sur les marchés internationaux.
Les plus dures à cet égard sont les filiales
asiatiques des grands groupes occidentaux. Elles prétendent
que la moindre concession, en termes de sécurité
au travail ou de salaires, faite à leur personnel,
se traduirait par des hausses de prix des produits finaux
dont souffriraient leurs clients occidentaux.
On doit
évoquer un autre point: le fait que les mouvements
revendicatifs de travailleurs restent confinés à
certaines entreprises, voire à certains ateliers. Une
culture syndicale collective, avec des droits reconnus sur
un plan national, est encore loin de voir le jour. A plus
forte raison le serait l'idée d'une internationale
ouvrière intéressant plusieurs pays.
L'Internet
Tout ceci
pourrait être évoqué pour contredire la
thèse de Immanuel Ness, selon laquelle surgirait en
Asie une classe ouvrière globale susceptible de se
donner des positions équivalentes à celles perdues
par la classe ouvrière occidentale. Cependant, rien
n'est encore joué à ce jour.
Malgré
les censures qui s'exercent, notamment en Chine, à
l'encontre des médias locaux rapportant l'existence
de conflits du travail, notamment lorsque ceux-ci ont rapporté
des avantages à leurs auteurs, les informations circulent
de mieux en mieux. C'est le cas d'abord au sein de chaque
pays particulier, mais c'est aussi le cas d'un pays à
l'autre. Les échos des luttes sociales continuant à
se produire dans les pays occidentaux, comme par exemple les
combats syndicaux qui perdurent dans l'industrie automobile
américaine, abondamment rapportés par le World
Socialist Web Site, finissent par alerter en profondeur les
opinions des travailleurs asiatiques.
Le mérite
en revient à la pénétration de l'Internet
et dans un premier temps du téléphone portable.
Malgré les censures de toutes sortes s'exerçant
sur les reportages et les commentaires, un nombre croissant
d'information, concernant les luttes sociales finissent par
se répandre en Asie. La contagion par mimétisme
joue un rôle très fort, encore que difficilement
mesurable.
Il est
trop tôt aujourd'hui pour prévoir avec exactitude
comment évolueront les classes ouvrières asiatiques,
et les pouvoirs qu'elles finiront pas se donner. Soyons certains
cependant que des choses intéressantes se produiront.
Elles pourront redonner des idées et du courage aux
classes ouvrières américano-européennes.