Géopolitique
.Poignée de mains « historique » entre
la Chine et Taïwan
Jean-Paul Baquiast 07/11/2015
La
poignée de mains échangée le samedi
7 Novembre à Singapour entre Xi Jinping président
de la République populaire de Chine, et Ma Ying-jeou,
président de la République de Chine (Taïwan),
a été considérée par les très
nombreux observateurs comme un événement historique.
C'est la raison pour laquelle nous l'évoquons ici.
C'était
la première fois en effet qu'une rencontre au sommet
avait lieu entre la Chine communiste et la Chine nationaliste.
Cette dernière, après que son armée
ait été battue par les troupes de Mao Tsé-toung
en 1949, s'était retrouvée cantonnée
dans l'ile de Formose, devenue Taïwan, en tant qu'Etat
souverain mais non reconnu par la communauté internationale.
A cette
date, les Taïwanais ont joué, non sans succès,
la carte occidentale, et plus précisément
ont encouragé un rapprochement permanent avec les
Etats-Unis. Ceux-ci, dès l'origine, y ont vu un instrument
pour contenir les ambitions géostratégiques
de la Chine. En contre-partie Pékin n'a cessé
de réclamer la réunification entre les deux
Chines, malgré l'opposition résolue de la
population de l'ile.
Depuis,
il semble que la Chine ait renoncé à ce projet
de réunification. Par contre, elle a souhaité
des rapprochements économiques plus poussés
avec les entreprises taïwanaises, très efficaces
et dont les produits sont appréciés du monde
entier. Par ailleurs aujourd'hui, dans le cadre de l'offensive
diplomatique et militaire menée contre elle, la Chine
souhaite s'assurer, au nom de la solidarité entre
les deux parties d'« un même peuple »,
que Taïwan ne rejoindra pas la coalition que tente
de monter contre elle Obama dans le Pacifique.
Par
ailleurs, il n'est pas impossible que Xi Jinping, comme
il le fait avec l'Allemagne et la France, souhaite établir
des relations économiques avec un pays qui est aujourd'hui
la 19e puissance mondiale en termes de PNB/hab. (source
FMI 2014 ), juste derrière l'Allemagne (18e) et devant
la France (26e) et le Royaume-Uni (27e). De plus, contrairement
aux Etats européens et à l'Amérique,
Taïwan est demeuré un pays dirigiste très
à la mode chinoise: contrôle strict de l'immigration,
préférence nationale aux emplois publics,
protectionnisme sélectif, maîtrise de la monnaie,
promotion des valeurs traditionnelles de la famille, de
la libre entreprise et du respect de l'autorité.
Ceci ne risquera pas de donner de mauvaises idées
aux Chinois.
Un
nouveau recul de l'Amérique ?
La grande
question est de savoir comment les Etats-Unis réagiront
à cet amorce de dégel entre les deux pays,
eux qui ont toujours considéré Taïwan
comme faisant partie de leur sphère d'influence.
Il se trouve qu'il y aura des élections présidentielles
à Taïwan en 2016 et que le Kuo-Min-Tang, parti
du président sortant Ma Ying-jeou, est donné
battu. Ceci face à la chef du Parti démocrate
progressiste, Mme Tsai Ing-wen . Cette dernière avait
fait un voyage aux États-Unis en mars 2015 et avait
été reçue chaleureusement à
la Maison Blanche et au Département d'Etat.
On peut
penser que la poignée de mains de Singapour, dans
l'esprit de Xi Jinping, pourrait permettre à l'actuel
président Ma Ying-jeou de regagner de la popularité.
Elle montrerait par ailleurs, au cas où Mme Tsai
Ing-wen serait élue, qu'elle aurait plus intérêt
pour son avenir politique à favoriser le rapprochement
avec la Chine, ceci malgré les manifestations certaines
de mauvaises humeur de Washington.
Si en
effet la République Populaire de Chine pouvait échapper
à la guerre nucléaire que semblent préparer
contre elle certains milieux américains irresponsables,
en d'autres termes si les Etats-Unis continuaient à
voir leur prestige se dégrader en Asie du Sud Est,
Pékin serait pour la République de Chine (Taïwan)
un partenaire à tous égards plus proche que
ne le serait une Amérique en pleine dérive
stratégique. Taïwan pourrait peut-être
alors envisager de rejoindre les Brics, où elle serait
certainement très bien accueillie et trouverait des
débouchés considérables pour ses exportations..