Géopolitique.
Marche à la guerre au Japon ?
Jean-Paul Baquiast 02/11/2015

A la suite de la crise mondiale, bancaire et économique,
ayant touché les économies libérales
en 2008, Wall Street avait décidé d'assurer
une relance de la consommation et de l'investissement en
mettant en circulation des milliards de dollars, sous le
nom de « quantitative easing » (QE).
Renouvelées
plusieurs fois depuis, ces mesures n'ont pas réussi
à encourager les investissements industriels et sociaux,
non plus que la consommation des classes les plus pauvres.
Seules en ont bénéficié les spéculations
en bourse et les profits des groupes financiers. Aujourd'hui,
si l'économie américaine n'est pas retombée
dans la sous-activité, elle le doit essentiellement
à la production interne de gaz et pétroles
de schistes, ainsi que, dans une large part, aux dépenses
militaires imposées par le lobby militaro-industriel
plus influent que jamais.
D'autres
pays ont été de tentés de suivre la
voie des QE. Ce fut notamment ceux de la zone euro. La Banque
centrale européenne, malgré d'ailleurs beaucoup
de réticence de l'Allemagne, avait décidé
diverses mesures destinées à créer
de la liquidité en rachetant notamment les bons du
trésor émis par certains Etats. Mais là
encore, les euros mis en circulation n'ont profité
qu'aux banques et aux spéculateurs. Il n'existe en
effet malheureusement pas en Europe de mécanisme
collectif permettant de réaliser des investissements
productifs. La banque européenne d'investissement,
qui pourrait le faire par l'intermédiaire du Fonds
du même nom, n'a pris encore aucune décision
importante en ce sens, sans doute là encore devant
les résistances des industriels allemands, qui veulent
se réserver le monopole de la croissance industrielle.
Les
Abenomics
Au
Japon, le gouvernement libéral et acquis à
l'influence américaine de Shinzo Abe avait entrepris
de relancer l'économie japonaise en pleine crise
déflationniste par des mesures monétaires
de même inspiration. Nous les avions plusieurs fois
présentées sur ce site. On avait parlé
d'Abenomics ou nouvelle politiques économiques proposées
par Shinzo Abe. Or, les mêmes causes entrainant en
économie libérale les mêmes effets,
les perspectives économiques du Japon mettent en
évidence l'échec total des politiques monétaires
« non conventionnelles » mises en place précédemment
par la FED et la BCE.
Non
seulement, selon les chiffres officiels, la croissance soutenue
attendue ne s'est pas produite, mais l'économie souffre
d'un retour de la chute des prix. Comme depuis le milieu
des années 1990, le Japon retrouve le manque d'investissement
et la déflation, alors que la dette publique ne cesse
d'augmenter. L'essor boursier qui devait dynamiser l'essentiel
de l'activité de production et encourager la création
massive d'emploi ne s'est pas produit. Seuls en ont profité
quelques spéculateurs proches du gouvernement.
Les
« Abenomics » étaient fondées
sur les « trois flèches » des réformes
structurelles, de la relance de mesures fiscales visant
simultanément à diminuer les impôts
sur les sociétés tout en augmentant la TVA
et en troisième lieu sur un programme d'assouplissement
quantitatif ayant accru la circulation monétaire
d'un montant annuel équivalent à 16 % du produit
intérieur brut : 80 mille milliards de yens.
Dans
le même temps, le marché du travail a été
libéralisé pour éliminer les protections
prétendument nuisibles à l'investissement
capitaliste. L'immigration de travailleurs pauvres venant
des pays voisins a été encouragée.
Pour être intégré à l'Accord
de partenariat transpacifique (TPP) décidé
par les États-Unis, Shinzo Abe a du enfin accepter
l'ouverture des secteurs tels que l'énergie, l'agriculture
et la santé, ce à quoi que d'ailleurs s'oppose
une forte résistance interne.
Les
résultats ne sont pas au rendez-vous
Malgré
ces mesures, certains indicateurs permettent de dire que
la récession ne se sera pas terminée lors
des deux derniers trimestres de l'année. Malgré
l'agressivité des politiques de la Banque du Japon,
le taux inter-annuel des niveaux de prix (en excluant la
nourriture et l'énergie) continue de stagner. En
août, il a même diminué de 0,1 % C'est
la première fois qu'il enregistre des chiffres négatifs
depuis avril 2013. La dépréciation de plus
de 30 % du yen face au dollar n'arrive pas encore à
dynamiser suffisamment le commerce extérieur.
La
production industrielle (machines, automobiles et appareils
électroniques) s'écroule et le niveau de consommation
des familles ne suffit pas à élever la demande
interne. La dette publique dépasse presque 250 %
du produit intérieur brut ; la dégradation
de la solvabilité est telle qu'à la mi-septembre,
l'agence Standard & Poors n'a pas eu d'autre d'autre
choix que d'abaisser la note de la dette souveraine du pays
asiatique, de A+ à AA-.
Il
s'ensuit que les industriels susceptibles de produire des
matériels militaires militent aujourd'hui très
activement pour que la politique de désarmement relatif
imposée au Japon depuis la dernière mondiale
soit levée. Shinzo Abe lui-même déclare
de plus en plus souvent sur diverses tribunes qu'une menace
chinoise prétendue sur la mer du Japon exige un renforcement
massif des moyens de défense du pays. Les forces
politiques liées aux anciens milieux militaristes
donnent un fort écho à ces discours. Ceci
fait évidement l'affaire des Etats-Unis. Dans leur
politique de plus en plus manifeste de provocation voir
de préparation à la guerre qu'ils entretiennent
à l'égard de la Chine, ils peuvent désormais
compter sur un engagement renouvelé et sans faille
de l' « allié » japonais.
Jean Paul Baquiast