Géopolitique
. Reconduire les migrants « économiques »
à la frontière ???
Jean-Paul Baquiast 09/10/2015
Le
7 octobre au Parlement européen, Angela Merkel et
François Hollande ont expliqué que, dans le
cadre d'une nouvelle politique de l'Union face aux flux
migratoires, il fallait s'organiser pour faire le tri entre
réfugiés politiques et migrants économiques.
Les premiers seraient autorisés à bénéficier
du droit d'asile, les seconds seront « reconduits
à la frontière ». Sur le 7/9 de France
Inter le 8 octobre, le ministre français de l'Intérieur
s'est engagé à ce que la France, en ce qui
la concerne, fasse de même.
Ces hauts responsables prennent-ils les citoyens européens
pour des ânes? Qui ignore, sauf à n'avoir jamais
rien vu hors de son jardin potager, que de telles mesures
seront inapplicables. D'après le dernier rapport
du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés
(HCR), 700 000 migrants auront traversé la Méditerranée
en 2015 pour trouver refuge en Europe. Combien d'autres
sont-ils passés par les frontières terrestres.
L'Allemagne à elle seule s'attend à enregistrer
800 000 à un million de demandes d'asile sur l'ensemble
de l'année. Angela Merkel avait précédemment
affirmé que l'Allemagne pourrait accueillir un million
de migrants par an pendant plusieurs années.
Or pour
héberger tous ces gens avant d'avoir instruit leur
demande d'asile, et en dehors de centres de rétention
situés hors d'Europe dont personne ne voudra, chaque
pays devra mettre en place des infrastructures considérables.
Un WC pour 1.000 ne suffira pas. Il faudra aussi prévoir
de faire face aux maladies souvent graves qui se multiplieront
avec l'arrivée de l'hiver, frappant des populations,
femmes et enfants notamment, déjà éprouvées
par le voyage. Les structures médicales actuelles,
déjà saturées, n'y parviendront pas.
Par
ailleurs, pour examiner les titres de ces centaines de milliers
de demandeurs, généralement dépourvus
de papiers officiels et ne parlant pas la langue, il faudra
mobiliser des dizaines de milliers de nouveaux fonctionnaires
d'état-civil et de police. Qui en attendant fera
régner un minimum d'ordre dans les files d'attentes
kolossales qui se formeront? Les bénévoles?
La télévision allemande a présenté
des images de demandeurs d'asiles se battant entre eux qui
contribuent fortement à la baisse de popularité
d'Angela Merkel.
Hébergement
de longue durée
Revenons
sur le cas de ceux qui obtiendront le droit d'asile. Où
se logeront-ils, de quoi vivront-ils en attendant de trouver
un hypothétique emploi ? Combien d'enseignants faudra--t-il
recruter pour donner un minimum d'enseignement à
chacun, et notamment aux enfants? La question sera déjà
très difficile à résoudre pour un pays
comme la France qui prétend limiter les entrées
à quelques milliers de personnes? L'Allemagne, aussi
« riche » soit-elle, fait d'ores et déjà
valoir, par la voix d'associations il est vrai qualifiées
de néo-nazis par Mutti Merkel, que la chose sera
longtemps hors de portée s'agissant de centaines
de milliers de demandeurs par an.
Certains
hommes politiques proposent il est vrai d'héberger
ces demandeurs dans des zones rurales peu peuplées
. Si elles sont peu peuplées, dépourvues de
services publics locaux et d'entreprises, c'est parce qu'elles
manquent depuis longtemps de ressources. On imagine sans
peine l'accueil que donneront les populations rurales restantes,
se considérant ainsi comme chassées de chez
elles.
Les
bénévoles répondront à ces besoins,
dit-on parfois. L'émission généralement
très pertinente de la 2e chaine française,
dite « l'Oeil du 20 heures », a montré
que 3 personnalités disposant de moyens considérables
et ayant devant les médias pris l'engagement d'accueillir
à leur domicile un ou deux réfugiés,
n'en avaient rien fait, pour des prétextes divers,
trois mois après. Les bénévoles, on
peut le penser, se lasseront vite quant à eux du
bénévolat, pour des raisons très légitimes,
si le besoin de bénévolat se prolongeait.
Reconduire
à la frontière
Mais
là où les autorités prennent vraiment
les citoyens pour des ânes, c'est quand elles parlent
de reconduites à la frontières. Vers la frontière
de quels Etats d'abord, aucun n'acceptant de les considérer
comme des ressortissants. Et comment « reconduire
» les migrants économiques,? gentiment par
la main? en leur versant, comme aux Roms, des sommes permettant
un hypothétique voyage de retour? Et que fera-t-on
de ceux qui refuseront de se laisser reconduire, mettant
en avant femmes et enfants pour en appeler à l'opinion?
La police
aux frontières et les personnels des compagnies aériennes
savent déjà le mal qu'ils ont à expulser
un unique réfractaire, qui se roule au sol, menace
d'attenter à ses jours, voire s'en prend directement
aux agents. Qu'en sera-t-il face à des millions de
récalcitrants. Va-t-on recruter et former pour faire
face à ce besoin nouveau des millions de fonctionnaires
et agents de sécurité.
Réfugiés
climatiques
N'aggravons
pas les difficultés du présent en mentionnant
le cas des millions de réfugiés climatiques
qui, pour des raisons très légitimes, montée
du niveau de la mer,sécheresses, inondations, dégradation
des terres arables, fuiront dans les prochaines années
vers des régions plus clémentes. Comment les
responsables et les populations de ces régions plus
clémentes les accueilleront-ils, alors que leurs
propres ressources seront elle-aussi affectées par
le réchauffement climatique?Il ne s'agira pas aolors
de millions, mais de dizaines, sinon de centaines de millions
d'ici la fin du siècle...ou bien avant
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Terminons
ce court article en répondant à la question
de certains lecteurs « que proposez-vous de faire,
vous qui prétendez tout savoir ? » . Nous ne
faisons pas ici de propositions solides, parce qu'elles
demanderaient hélas d'autres réflexions que
les nôtres, et d'autres débats. Disons seulement
que, pour progresser dans la voie des propositions utiles,
il faut commencer par ne pas nier les problèmes à
résoudre, en se berçant de mots dépourvus
de sens concret.