Editorial
2. Un nouveau défi pour la COP21
Jean-Paul Baquiast, Christophe Jacquemin 09/10/2015
William
Engdhal est consultant en stratégie du risque. Il
a publié plusieurs ouvrages bien informés
sur les guerres du pétrole. Depuis plusieurs années
il s'est fait connaître par l'hypothèse dite
du pétrole abiotique, selon laquelle le pétrole
et le gaz ne seraient ici pas d'origine biologique. Ils
se formeraient sans arrêt dans les profondeurs de
la Terre, à la suite de processus physiques (voir
notre article La
science russe).
Dans
un article récent "Oh
Oil where is thy peak?", publié par le New
Eastern Outlook, William Engdhal défend deux
théories. La première est que le changement
climatique est un mythe développé par de grands
intérêts multinationaux pour s'assurer un contrôle
de l'économie mondiale. La seconde est que les ressources
de pétrole et gaz sont tellement abondantes qu'aux
rythmes actuels de consommation, elles dureraient plusieurs
siècles. Il n'y a donc pas de « Peak oil »
à prévoir. Si ces ressources sont quasi inépuisables,
c'est parce qu'elles sont pour l'essentiel d'origine abiotique.
On peut
considérer que sur les questions d'énergie
fossile, William Engdhal a toujours proposé des points
de vue très intéressants. Les informations
qu'il donne dans son dernier article concernant la localisation
et l'importance des ressources exploitables sont vraisemblablement
exactes. Savoir si elles proviennent de sources abiotiques
n'est pas encore reconnu par le monde du pétrole,
mais nous pensons pour notre part que l'hypothèse
est pertinente.
Si la science ne l'explore toujours pas, ce serait parce
que des intérêts considérables, ceux
des Etats et des multinationales vivant du pétrole,
seraient alors mis en péril. Il est d'ailleurs possible
de penser que le maintien du prix du baril autour de 50$,
qui semble devoir durer, s'expliquerait par le fait que
les pétroliers et les spéculateurs ont adopté
implicitement les thèses de William Engdhal sur le
pétrole abiotique et son abondance.
En revanche,
aucune personne sérieuse, au fait des travaux scientifiques
concernant l'origine humaine du réchauffement climatique,
ne pourrait rejoindre William Engdhal quand il reprend sans
nuances les affirmations des climato-sceptiques. Ces derniers
affirment que le réchauffement est un mythe, là
encore propagé par de grands intérêts,
étatiques ou économiques, visant à
restreindre la croissance mondiale afin de tirer profit
des mesures qui seront prises en ce sens.
COP21
A la
veille de la Conférence mondiale dite COP21 qui se
tiendra à Paris en décembre, il serait important
que l'hypothèse du pétrole abiotique soit
clairement mise sur la table et discutée. Si elle
se révélait fondée, cela ne devrait
pas servir d'arguments à ceux qui défendent
malgré les conséquences sur le climat une
consommation toujours aussi étendue des combustibles
fossiles, charbon, pétrole et gaz. Au contraire.
Ce n'est pas parce qu'un produit est abondant qu'il faut
continuer à l'utiliser si les risques en découlant
sont avérés. Faut-il abuser des spiritueux
de mauvaise qualité même si ceux ci sont bon
marché à la production et à l'achat
?
La COP21
se grandirait en affirmant que le danger menaçant
l'humanité n'est pas le manque de pétrole
mais son abondance. Développer des énergies
vertes et des économies d'énergie sera moins
rentable avec un baril à 50$ qu'avec un baril à
100$, surtout si les réserves de pétrole s'avéraient
inépuisables. Mais il faudra le faire cependant,
en acceptant d'en payer le prix - ceci en dépit des
pressions renforcées des lobbies pétroliers.
Quel gouvernement aura le courage de le dire clairement
?