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Déni d'accès: nouvelle armes russe
Jean-Paul Baquiast 22/10/2015
Nous
avons
signalé le 10/10 l'effet de surprise provoqué
par l'emploi avec succès de missiles russes à
longue portée 3M.14 Combat Crabbe par de petits navires
russes basés (et enfermés) dans la Caspienne,
contre les bases djihadistes en Syrie
Il n'est
pas certain que ces missiles puissent être employés
avec succès contre des porte-avions américains
et leur escorte (carrier group) déployées
en Méditerranée. Certains le disent. Pour
en juger, il faudrait connaître les moyens de défense
dont disposent la 6e flotte. Mais d'ores et déjà,
comme nous l'avions noté, il semble que les Crabbs
puissent pénétrer en Europe de l'Est malgré
les défenses anti-balistiques développées
à grand frais (frais en grande partie couverts par
les Européens) sous le nom de BMDE (Ballistic Missile
Defense in Europe). D'une part les missiles du BMDE seraient
sans doute incapables d'intercepter les Crabbs, aux performances
proches de celles des missiles portant les armes nucléaires
intercontinentales stratégiques, d'autre part les
bases dont partiraient les missiles du BMDE, qu'elles soient
terrestres ou embarquées sur des navires de la classe
dite AEGIS, pourraient être détruites par un
ou plusieurs Crabbs.
Il apparaît
que le monde de la défense, au sein de l'Otan, n'avaient
pas perçu les performances des Crabbs. Ceci a remis
en mémoire chez les stratèges de l'Otan un
incident auquel ils auraient du prêter la plus grande
attention, le fait qu'un avion russe Su-24 aurait par un
ensemble de mesures et contre-mesures électroniques
« aveuglé » la frégate AEGIS USS
David Cook en Mer Noire, en avril 2014. Selon les informations
alors diffusées, certains marins américains
embarqués sur le David Cook auraient demandé
à changer d'affectation. A notre niveau, nous n'avons
pas eu connaissance soit de démentis provenant des
Etats-Unis, soit de la mise en oeuvre de moyens efficaces
permettant de se protéger des moyens d'aveuglement
embarqués tant sur des avions que sur des navires
russes.
Déni
d'accès
Mais
aujourd'hui, il faut noter que les Russes ont annoncé,
et même démontré dans certains cas,
l'existence de moyens bien plus sophistiquées concernant
la guerre électronique tant pour l'offensive
éventuelle que pour l'interdiction d'accès
à des zones considérées comme stratégiques,
dite-A2/AD (Anti-Access/Area Denial). Ce déni d'accès
serait assuré par le déploiement de batteries
de missiles à longue portée du type S300 et
S400, eux-mêmes guidés par des systèmes
électroniques. Ces missiles, de type dit surface-air,
sont connus des Occidentaux depuis au moins la fin des années
1990, pour ce qui concerne les S300. D'ailleurs la Russie
a entrepris d'en fournir à l'Iran.
Le S-300
PMU-2 est un système mobile multicanal de missiles
sol-air. Dit aussi Favorit il est connu par l'Otan sous
le nom de SA-10 Grumble. Il est destiné à
protéger les sites stratégiques les plus importants
d'un État et de ses forces armées contre des
bombardements massifs provenant d'avions, de missiles de
croisière, de missiles balistiques tactiques d'une
portée de moins de 1.100 kilomètres. Il n'a
jamais évidemment été testé
dans le cas d'une guerre électronique intense, sauf
dans le cadre d'essais conduits par les Russes. Il semble
cependant que de telles batteries aient été
déployées récemment, soit à
terre, soit sur descroiseurs lance-missiles tels que le
Moskva. Il s'agit de créer des bulles de défense
autour de leurs bases de Tartous et Lattaqié en Syrie,
concédées par Bashar al Assad, à partir
desquelles ils mènent avec succès des offensives
contre Daesh.
Les
généraux de l'Otan Ben Hodges et son supérieur
Breedlove considèrent désormais que de
telles zones ou bulles interdites auraient été
mise en place par ailleurs en Crimée et autour de
la Baltique et de la mer Noire. Elles pourraient interdire
l'accès à une partie de la Méditerranée
orientale, jusqu'ici zone quasi exclusive de déploiement
de la 6e flotte. D'autres pourraient être envisagées
en Arctique.
Cependant,
les mesures et contre-mesures électroniques russes
ne se limitent pas à cela. Le site Sputnik.News n'est
pas
avare de précisions concernant de nouvelles armes
russes. S'agit-il d'intoxication ou d'informations crédibles?
Les experts en décideront.
Pour
ce qui nous concerne, notons simplement l'existence d'un
nouveau système russe de contre-mesures électroniques
le Richag-AV
system, monté sur l'hélicopter Mi-8MTPR1,
autre formule du Mi-8MTB5-1. Il est dit n'avoir pas d'équivalent
pour brouiller les radars et sonars de l'adversaire. Sa
portée serait de plusieurs centaines de km. Il peut
équiper toutes les unités russes, aériennes,
navales ou terrestres. Il pourrait désarmer le fameux
système anti-missile américain dit US MIM-104
Patriot, généreusement vendus aux alliées,
notamment à Israël.
S'affoler
ou négocier
Aux
Etats-Unis, l'apparente découverte récente
de tous ces moyens russes (Mais à quoi donc sert
la NSA ? ) provoque un double mouvement. Le premier, comme
semble le dire le Gal Breedlove, serait de bon sens. Il
vaut mieux ne pas se mettre en situation d'affronter directement
la Russie. Il serait préférable de négocier
à tous les niveaux, y compris entre Washington et
Vladimir Poutine. La seconde, classique de la part du lobby
militaro-industriel, consiste à demander d'importants
budgets nouveaux.
Mais
dans les deux cas, il y a tout lieu de penser que la Russie
n'arrêtera pas la mise au point de nouvelles armes
offensives et défensives, à partir des investissements
réalisés depuis quelques années. Ceci
quel qu'en soit le prix à payer en ce qui concerne
le niveau de vie des populations. Elle semble dans certains
domaines devoir le faire en coopération avec la Chine.
Nous
pouvons en ce qui nous concerne, faire une observation plutôt
optimiste. En France, sans doute aussi en Allemagne et dans
les pays méditerranéens, la réalisation
du fait que les « chars russes » selon l'expression
de la guerre froide, pourraient être en trois jours
sur les rives de l'Atlantique, ne provoque aucune inquiétude.
Au contraire. Certains de ceux qui militent pour la mise
en place d'un bloc euro-Brics s'en réjouiront. Il
ne s'agirait pas d'une lâche capitulation semblable
à celle de la France en juin 40 face aux blindés
allemands, mais d'une constatation de bon sens: l'avenir
de l'Europe sera de moins en moins euro-atlantique, mais
de plus en plus euro-asiatique.
Il semble
que les industriels français de l'armement, fort
performants, seraient heureux de coopérer avec leurs
homologues russes pour la mise au point de nouvelles armes.
Celles-ci sont aujourd'hui le meilleur argument pour maintenir
la paix.