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Finances.
Le TTIP bientôt au service des usuriers
vautours américains.
Jean-Paul Baquiast 31/08/2015
Ceux
qui contestent mollement l'adhésion
prochaine quasi certaine de la France au TTIP
(traité transatlantique de libre-échange)comme
à son homologue le Traité sur
les services , et à plus forte raison
ceux qui sont indifférents au problème,
feraient bien de réfléchir concrètement
à ce que cela signifiera au regard
des protections encore apportées par
les législations européennes
à l'égard des usuriers vautours.
Il
s'agit d'un exemple parmi d'autres, mais tout
à fait significatif. Un article du
Monde diplomatique de Juillet (journal dont
nous ne cesserons jamais de conseiller la
lecture) décrit la situation qui est
faite aux classes moyennes et pauvres en Amérique
par le pouvoir absolu des établissements
de crédits sur l'économie de
service et de consommation, au détriment
des emprunteurs.
Le
journal rappelle qu'aux Etats-Unis, il est
pratiquement impossible de se passer de crédits,
pour quelque type d'acquisition ou de service
que ce soit. Ceci parce que n'y existent pas,
comme en Europe, de prestations quasi gratuites
en matière de santé et d'éducation.
Egalement parce que n'y existent pas d'organismes
mutualistes et coopératifs permettant
d'accéder à des prix abordables
à d'innombrables services, y compris
dans le domaine du crédit. Parce que
enfin n'y existent pas de réglementations
imposant aux banques de faciliter l'accès
au crédit pour les plus faibles économiquement,
et leur interdisant les pratiques usuraires.
On
appelle pratiques usuraires celles consistant
à prêter à des taux élevés,
sans exiger de l'emprunteur les garanties
ordinairement demandées par le secteur
bancaire. Dans l'histoire l'usure avait toujours
été condamnée au plan
moral, mais cela n'empêchait pas les
usuriers de proliférer, profitant de
la misère des pauvres. Le débiteur,
généralement incapable de rembourser,
se voit obligé de contracter de nouveaux
prêts relais à des taux plus
élevés encore. Finalement, se
trouvant le plus souvent en défaut
de paiement, ses biens sont saisis en proportion
de la dette. Aux Etats-Unis, les banques sont
libres de pratiquer tous les taux qu'elles
veulent, y compris à des niveaux usuraires.
Quand les banques ne prêtent pas, des
milliers de préteurs « sauvages
» prennent leur relai. Ils sont nommés
des « prédatory lenders ».
Leurs profits auraient en 2014 atteint la
somme à peine croyable de 48 milliards
de dollars.
Les
classes moyennes supérieures peuvent
supporter des prestations payantes à
des prix élevés, car elles font
sans trop de difficulté appel à
des crédits, d'ailleurs moins coûteux
pour elles que pour les pauvres, notamment
parce qu'étendus parfois plusieurs
décennies. Mais il leur faut souvent
des années pour s'acquitter de leurs
dettes, que ce soit dans l'éducation
supérieure et la santé, sans
mentionner l'immobilier. Ce n'est pas le cas
dans les classes pauvres. D'une part les consommateurs
pauvres payent souvent leurs acquisitions
plus cher que ne le font les riches, mais
ils empruntent à des tarifs plus élevés,
les établissements de crédit
voulant ainsi se garantir contre d'éventuelles
défaillances.
Le TTIP.
Mais
en quoi ceci peut-il concerner la nécessité
pour les européens de lutter contre
le TTIP puisqu'ils disposent de services et
de crédits bien plus favorables qu'aux
Etats-Unis? Pour une raison très simple.
La libéralisation imposée par
ce dernier, renforcée par l'appel à
des tribunaux d'arbitrages indépendants
des Etats, aura deux conséquences immédiates.
D'une part les services, comme en matière
de santé et d'éducation, hérités
de l'Etat providence, se trouveront obligés
de cesser leurs activités, au prétexte
qu'ils imposeront des détournements
de concurrence aux dépens des prestataires
privés mondialisés dominant
aux Etats-Unis. Dans le domaine de l'enseignement
supérieur par exemple, les étudiants
ne trouveront plus d'universités travaillant
à des tarifs réduits. Ils seront
obligés de s'adresser à des
filiales des universités américaines
dont on connait les prix exorbitants. Même
les services d'éducation en ligne,
les MOOCS, ne pas pourront être gratuits,
car ils concurrenceraient ceux « offerts
» par les universités américaines.
Les
européens, qu'ils appartiennent à
des classes favorisées ou non, devront
donc tout acheter à crédit,
comme le font les américains. Mais
à leur tour, toutes les structures
mutualistes ou coopératives existant
encore en Europe dans le domaine bancaire
se verront interdites d'exercer. Les européens
devront s'adresser aux grandes banques américaines.
Celles-ci, disposant de réseaux mondiaux,
pourront par ailleurs facilement éliminer
ce qui resterait de banques européennes
indépendants.
Sans
dramatiser excessivement, on peut conjecturer
que se multiplieront les suicides de débiteurs
incapables de rembourser les emprunts usuraires
qu'ils auront été obligés
de faire, comme c'est le cas aux Etats-Unis,
paradis du consommateur comme nul n'en ignore.
PS.
Christophe Jacquemin écrit:
A titre d'exemple,
voici ce que vous devrez accepter pour
transférer des MOOCS. Payer, payer
encore, ou emprunter