Editorial1.
Un Corbyn français ?
Jean-Paul Baquiast , Christophe Jacquemin 03/09/2015
Pourquoi
les partis politiques français actuels, faute de
savoir proposer à la nation les grands programmes
scientiques capables de lutter contre le chômage et
le sous-emploi des intelligences, ne cherchent-ils pas à
ressusciter l'enthousiasme populaire pour le programme du
Conseil National de la Résistance (1944-45)
Nous reviendrons sur ce sujet pour l'approfondir ultérieurement.
Bornons nous à quelques réflexions à
propos de la montée apparemment irrésistible
de Jeremy Corbyn au sein des électeurs du parti travailliste
(voir notre article publié sur un autre site: "
Les
Britanniques peuvent-ils être socialistes ?"
)
Il semble
que Jeremy Corbyn trouve une grande popularité en
Grande Bretagne en redonnant vie à tout ce qui avec
le néolibéralisme triomphant de la City était
apparu comme de vieux chevaux de retour incapables de tracter
le pays vers un avenir salvateur. Il évoque sans
trembler la remise à l'honneur du Welfare State (Etat-providence),
la nationalisation des principales entreprises du pays,
la mise en place d'une économie administrée
recherchant non les plus grands profits spéculatifs
pour les financiers, mais le bien du pays profond confronté
aux multiples crises qui s'annoncent.
Il n'hésite
pas non plus à recommander le rapprochement avec
la Russie et la sortie de l'Union européenne si celle-ci
reste ce qu'elle est, une machine de guerre au service des
Américains pour asservir l'Europe. Par ailleurs il
condamne énergiquement la présence britannique
dans l'Otan. Il est si convaincant sur ces sujets que certains
de ses amis s'interrogent sur les risques qu'il prend à
titre personnel. Un accident est vite arrivé!
Or curieusement,
malgré les pronostics annonçant que ces idées
n'auraient aucun succès, c'est le contraire qui se
produit. Le Welfare State n'est plus perçu par les
futurs électeurs comme une machine à dépenser
l'argent public au profit des paresseux et des fraudeurs.
Les nationalisations ne sont plus considérées
comme archaïques dans un monde dominé par les
intérêts financiers transnationaux. Elles apparaissent
au contraire comme capables de ressusciter la vieille puissance
industrielle et scientifique qui avait fait la force de
l'Empire britannique et lui avaient permis de gagner deux
guerres mondiales. Le dirigisme enfin mis en oeuvre par
une nouvelle classe de fonctionnaires publics capables de
faire prévaloir l'intérêt général
parait un recours devant la multiplication des intérêts
prédateurs qui ont vendu le Royaume au plus offrant.
La
"corbynomania"
Nul
ne sait encore ce qu'il adviendra de la « corbynomania
» qui semble se développer outre-Manche. Peut
être en ce qui nous concerne seront-nous fortement
déçus? Remarquons seulement que cette corbynomania
résulte de la rencontre quasi miraculeuse entre un
homme au caractère exceptionnel et des millions de
citoyens désespérés par le manque d'ambition
de la classe politique actuelle, son incapacité à
offrir au pays la perspective de sortir de sa décadence
annoncée.
Il
fallait à cet homme la clairvoyance lui permettant
de penser que le peuple n'était pas aussi égoïste,
jouisseur et politiquement démobilisé que
le prétendaient tous les observateurs. Mais il fallait
aussi que dans ce peuple se trouvent suffisamment d'hommes
et de femmes courageux pour oser affirmer que les vieilles
recettes du Labour Party à ses origines pouvaient
aujourd'hui encore sauver l'Angleterre.
Répétons-le,
nul ne sait si les espoirs naissant aujourd'hui de la rencontre
entre cet homme et ce peuple aboutiront. Cependant une immense
leçon devrait sans attendre être tirée
de l'exemple britannique par ceux qui réfléchissent
un tant soit peu à l'avenir au sein de la classe
politique. Ce ne sera pas en envisageant de timides réformes
qu'une future majorité pourra se faire entendre du
corps électoral. Ce sera en proposant un retour à
l'Etat-providence, aux nationalisations de la banque et
de l'industrie, à une économie administrée
du centre par l'équivalent de l'ancien Commissariat
général au Plan, au recrutement enfin de fonctionnaires
publics dévoués à l'intérêt
général.
Que
l'on ne dise pas qu'un pays comme la France, plongé
dans une mondialisation démobilisante, ne pourrait
pas supporter un tel traitement de choc traitement
dont pourtant les premiers succès industriels et
scientifiques des débuts de la 4e République
avaient amplement démontré l'efficacité.
La France dispose encore d'immenses ressources, industrielles,
technologiques, scientifiques. Très vite, mises en
valeur par un dirigisme intelligent, celles-ci pourraient
rapporter des bénéfices permettant de récupérer
les investissements et les sacrifices initiaux. Encore faudrait-il
que l'actuel vide politique suscite l'apparition d'hommes
du gabarit de Jeremy Corbin, grâce auxquels l'ancien
programme du Conseil National de la Résistance pourrait
retrouver une nouvelle jeunesse, une nouvelle pertinence
salvatrice.
PS.
Précisons bien sûr que le programme du CNR
tel qu'élaboré dans la Résistance à
la fin de la guerre serait aujourd'hui inapplicable en l'état
car dépassé. Il faudrait le moderniser pour
l'adapter à notre temps. Mais l'esprit devrait rester.