Géopolitique.
Chine. Ralentir ou changer de modèle?
Jean-Paul Baquiast 14/08/2015

Tianjin
Plusieurs
évènements simultanés peuvent conduire
à s'interroger sur le rythme forcené avec
lequel les autorités chinoises ont décidé
de mener le développement du pays. Ces évènements,
nous les avons relatés précédemment.
Résumons.
* Des procès en corruption, intéressant autant
les organes de l'Etat que les collectivités régionales,
qui révèlent moins une volonté sérieuse
de lutter contre la corruption que l'étendue du mal.
* Une chute brutale et profonde des cours à la Bourse
de Shanghai, pouvant conduire à mettre en doute l'opportunité
de créer artificiellement un système financier
trop copié sur Wall Street et Londres, ceci sans
investisseurs assez solides, y compris en ce qui concerne
la classe moyenne.
* Des données statistiques exagérément
optimistes, pratiquement invérifiables.
.
* Des dévaluations successives du yuan qui peuvent
être comprises comme des réactions tardives
et superficielles à une perte de compétitivité
de l'économie, notamment au regard du reste de l'Asie.
* L'explosion géante au port de Tianjin enfin, dont
on n'a pas fini d'analyser ce qu'elle révèle:
éléments portuaires et industriels non sécurisés,
incompétence des responsables locaux, non seulement
dans la prévention mais dans la mise en oeuvre des
secours, coupure excessive entre la population affectée
et le pouvoir...
Les
adversaires de la Chine, notamment aux Etats-Unis, pavoisent
déjà, comme le montrent les articles dans
les médias. Pour eux, l'apparent colosse chinois
se réveille incapable d'entrer en compétition
avec la puissance suprématiste. Ils escomptent une
déroute de la Chine au prochain G20.
Nous n'iront pas jusque là. Il ne faut pas confondre
des phénomènes finalement limités avec
ce qui serait une vraie crise de régime. La Chine
dispose encore de beaucoup d'atouts pour entrer en compétition
avec l'Amérique, sur les plans industriels, universitaires,
militaires. Sans mentionner le poids que représente
une population de plus d'1 milliard de personnes.
Néanmoins,
on ne peut pas se demander, tant au sein du Brics que dans
le reste du monde, si ces derniers temps la Chine n'avait
pas affiché des objectifs au delà de ses forces.
Nous avions pour notre part émis quelques doutes
sur le réalisme de projets tels que la Nouvelle Route
de la Soie ou plus récemment la Plateforme dite de
Connectivité, qui conduiraient la Chine, faute de
contreparties suffisantes apportées par les pays
traversés, à mettre en place par elle-même
sur des milliers de kilomètres des moyens de transport
et des équipements urbains dans lesquels on retrouvera
nécessairement la fragilité caractérisant
les villes chinoises géantes.
Ne va-t-elle pas non plus, en Afrique et en Amérique
latine, se lancer dans des opérations ne pouvant
faire face aux difficultés que rencontre tout investisseur
dans ces continents? A cet égard, on ne peut que
louer la prudence du Kremlin, qui conscient de ses propres
difficultés, ne se lance pas pour le moment dans
de grands projets qu'il ne pourrait pas mener à bien.
Un
changement en profondeur
Ceci
conduit ceux que l'on pourrait appeler les amis de la Chine
à se demander s'il ne serait pas temps pour ce régime,
non seulement de ralentir ses entreprises afin de les sécuriser,
mais d'amorcer un changement en profondeur. Nous ne voulons
pas dire par là qu'elle devrait plus encore qu'actuellement
s'ouvrir à un néolibéralisme d'inspiration
américaine, mais plutôt à ce que l'Europe,
et notamment la France, si décriée, avait
su faire pendant un demi-siècle.
Désignons
par là une économie industrielle dirigée
par des cadres et une administration efficace, une large
démocratisation de la vie politique, une assez grande
liberté d'expression et de critique, aujourd'hui
une grande liberté sur l'internet.... C'est grâce
à ces atouts que la France a pu se doter, sans catastrophe
majeure à ce jour (croisons les doigts) de technologies
industrielles et militaires de niveau international (voire
supérieur), d'équipements publics satisfaisants,
d'usines dite Sévéso relativement sécurisées,
de moyens de prévention des catastrophes convenablement
équipés (on ne l'est jamais assez) de personnels
d'un dévouement exemplaire, de capacités pour
lutter contre la corruption globalement satisfaisants.
Si la
Chine persistait dans son désir de se rapprocher
de l'Europe et plus particulièrement de la France,
les apports que ces pays pourraient apporter à son
développement seraient irremplaçables. Ceci
d'autant plus que les difficultés déjà
rencontrées par la Chine changeront probablement
d'échelle, dans un avenir proche, avec le réchauffement
climatique, la montée du niveau des mers et la désertification
d'une partie du territoire utile