Article.
Une
croissance démographique inexorable
Jean-Paul Baquiast 01/08/2015
Le
nouveau rapport des Nations unies, « Perspectives
de la population mondiale : révision
2015 », publié
29 juillet,
http://esa.un.org/unpd/wpp/
présente des prévisions
qui, aussi nataliste que l'on soit,
ne peuvent qu'inquiéter.
Le terme de « bombe démographique »
vigoureusement critiqué par de
nombreux démographes, au vue
d'observations antérieures interprétées
avec optimisme, est loin d'être
une illusion. Seul le Pape, pourtant
engagé dans une lutte pour la
protection de la nature, n'y fait pas
allusion. Jamais ses recommandations
ne contiennent la moindre allusion à
l'intérêt vital des moyens
anticonceptionnels.
Ainsi la Chine et lInde, qui sont
respectivement les pays les plus peuplés,
avec respectivement 1,38 milliard
et 1,31 milliard dhabitants
(soit 19 % et 18 % de la population
mondiale) devraient lune et lautre
compter avant 2022 1,4 milliard
dindividus. Plus inquiétant
encore, au delà de cette date,
la population indienne continuera de
croître, passant à 1,5 milliard
en 2030 à 1,7 milliard
en 2050. La population chinoise
devrait par contre se stabiliser jusquen 2030
avant de se mettre à décliner,
pour retomber à 1 milliard
à la fin du siècle.
On peut penser que la « transition
démographique » qui
se manifestera en Chine pendant le siècle
résultera en partie de ce qui
restera de la politique de l'enfant
unique, très critiquée
aujourd'hui parce qu'elle se traduit
par un vieillissement relatif de la
population, mais pourtant condition
indispensable pour l'équilibre
entre les besoins et les ressources.
En Inde au contraire, où rien
n'est fait sérieusement pour
limiter les naissances, et où
les perspectives d'accès à
une croissance économique en
profondeur resteront très fragiles,
le phénomène des villes
bidonvilles surpeuplées, dont
Calcutta offre une image, se poursuivra
inexorablement. Il serait étonnant
que le chroniqueur indien très
averti qu'est MK Bhadrakumar, sur son
site Indian Punchline, n'y fasse pas
prochainement allusion, et ne présente
pas ses réactions à cet
égard.
La Chine et l'Inde ne sont évidemment
pas les seules concernées par
cette croissance démographique.
A la fin du siècle, la population
planétaire devrait atteindre
11,2 milliards dindividus,
soit 300 millions de plus que ne
le projetaient en 2012 les démographes
de lONU, qui ont une nouvelle
fois été contraints de
revoir à la hausse leurs prévisions.
Beaucoup s'en réjouissent. La
réévaluation sexplique
notamment par les progrès enregistrés
sur lespérance de vie au
cours des dernières années,
et ce dans toutes les régions
du monde.
Les gains les plus importants ont été
enregistrés en Afrique, où
lespérance de vie sest
accrue de six ans au cours de la dernière
décennie. C'est principalement
les progrès réalisés
en matière de réduction
de la mortalité infantile qui
expliquent ce phénomène.
Mais la diminution des maladies infectieuses
touchant principalement les enfants
se traduira à terme par un développement
des maladies non infectieuses (cancer,
maladies cardio-vasculaires, diabète)
intéressant les adultes et les
personnes âgées. Autrement
dit la diminution de la mortalité
infantile, que vraisemblablement n'accompagnera
pas une diminution de la fécondité,
du fait notamment des principes imposés
par les religions, tant l'islam que
l'Eglise catholique, ne représentera
en aucun cas un gain en matière
de santé publique. Au contraire,
les besoins en matière d'infrastructures
de santé se multiplieront, sauf
à laisser les adultes mourir
sans soins.
Si la croissance de la population mondiale
se poursuit, son rythme se ralentit.
Cependant, de 7,3 milliards en 2015,
elle devrait encore gagner au cours
des quinze prochaines années
plus dun milliard dindividus,
pour atteindre 8,5 milliards en 2030,
puis sélever à 9,7 milliards
en 2050 et à 11,2 milliards
en 2100.
L'Afrique
Par contre, plus inquiétant est
le fait que la moitié de la croissance
de la population mondiale dici
à 2050 devrait concerner lAfrique.
Au milieu du siècle, la population
du Nigeria devrait dépasser celle
des Etats-Unis (388,8 millions),
avec 398,5 millions dhabitants,
faisant de ce pays la troisième
nation la plus peuplée de la
planète. Les recrutements de
Boko Aram pourront donc continuer sans
difficultés.
LAngola,
le Burundi, la République du
Congo, le Malawi, le Mali, le Niger,
la Somalie, lOuganda, la Tanzanie
et la Zambie pourraient, eux, dici
à 2100, voir leur population
quintupler. Comme ces pays ne verront
certainement pas augmenter leurs ressources
en proportion, notamment du fait du
réchauffement climatique, il
sera inévitable qu'ils encouragent
des migrations massives, fussent-elles
initialement présentées
comme pacifiques.
Où se dirigeront ces migrations?
Ni vers l'Asie-Pacifique ni vers les
Amériques, mais vers l'Europe.
Celle ci sera la seule région
de la planète qui connaîtra
un recul continu de sa population. Aujourdhui
le taux de fécondité européen
devrait se redresser, en passant de
1,6 enfant par femme en moyenne
en 2015 à 1,8 enfant
par femme en 2050, mais cela nempêchera
pas la baisse de sa population. Les
pays de l'Europe du Nord seront les
premiers victimes de ce phénomène,
contrairement (en principe) à
ceux de l'Europe du Sud et notamment
à la France.
Mais les pessimistes feront valoir que
la croissance démographique de
l'Europe du Sud, si elle se confirmait,
serait due au poids particulier, et
déjà ancien, de migrations
d'origine africaine dans ces pays. Il
s'agirait en d'autres termes de phénomènes
avant-coureurs des migrations massives
qui se produiront en Europe dès
avant 2050.
Et alors, que faire? demanderont ceux
qui n'ont pas encore compris que les
mouvements démographiques sont,
à d'autres échelles, très
comparables à ceux découlant
de la dérive des continents.
Autrement dit, inexorables.
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