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Technologies
et politiques.
Crime climatique. Appel contre les énergies fossiles
Jean-paul
Baquiast, Christophe Jacquemin 26/08/2015

Occupation
d'une mine de lignite en Allemagne par des activistes pendant
l'action "Ende Gelände", le 14 août 2015
(©350). Source Mediapart
Nous reproduisons
ici in extenso un appel pour le climat qui a été
signé par 100 personnalités de diverses nationalité
et origines. Il vient d'être publié sur Médiapart.
Pourquoi cet appel aujourd'hui, alors que s'ouvre en décembre
à Paris la Conférence dite COP21 censée
entériner des décisions présentées
comme susceptibles de limiter la hausse des températures
à 2°? Parce que les auteurs de l'appel craignent
implicitement que les mesures décisives ne soient pas
prises ou ne soient pas appliquées. Ils appellent donc
les citoyens conscients du problème, dans quelque pays
où ils se trouvent, à intervenir directement
pour que ne soit pas le cas. Ils proposent aussi que ces interventions
directes ne ciblent pas seulement les gouvernements, mais
les industries de l'énergie fossile (charbon, pétrole
et gaz) dont nul n'ignore qu'elles constituent des groupes
d'intérêts très puissants, agissant directement
sur ces mêmes gouvernements. Ces intérêts
agissent aussi directement, via les médias qu'ils subventionnent,
sur les opinions publiques.
Que peuvent
être ces interventions citoyennes?. Elles devraient
être multiples. Elles devraient d'abord manifester directement
sur les lieux industriels produisant ou utilisant ces énergies
fossiles (cf image) Elles devraient ensuite mobiliser les
opinions en soutien aux industries vertes. Celles-ci ne reçoivent
des pouvoirs publics que des appuis dérisoires au regard
de ceux donnés aux énergies fossiles. Elles
devraient enfin relayer par tous moyens de communication les
scientifiques, hommes politiques, associations et mouvements
activistes qui se battent contre l'emprise actuel et futur
des industriels des énergies fossiles dans nos vies.
Il est
à craindre que compter sur des mouvements citoyens
pour aider à la lutte contre ce qu'il faut bien appeler
le crime climatique n'aura que peu d'effets. Mais nous sommes
dans des sociétés où les voix des citoyens
peuvent avoir une certaine importance. Ce serait un crime,
pour reprendre le mot, de ne pas tenter d'y faire appel.
Mais pourquoi
préjuger que la conférence COP 21 sera, à
peu de choses près, un nouvel échec dans la
lutte contre le réchauffement? D'abord par ce que les
objectifs de réduction des gaz à effet de serre
présentés à ce jour par les Etats (Etats-Unis,
Chine, Europe, Japon, etc.) sont insuffisants. Le réchauffement
sera supérieur à 2°. Par ailleurs, ces contributions
nationales, pour ne pas « stigmatiser »
certains Etats, ne seront doute pas publiées dans le
texte de laccord de Paris. Enfin , aucune contrainte
ne sexercera sur les Etats pour les obliger à
les respecter.
Il y a
plus, la lutte contre le réchauffement ne devrait pas
se limiter à tenter de prévenir la hausse des
émissions de gaz à effets de serre. Elle devrait
agir par de multiples moyens sur les causes de ces émissions :
transport, chauffage, industries d'extraction et industries
utilisant les énergies fossiles. déforestation,
agriculture industrielle.... Mais faut-il espérer qu'une
conférence s'inscrivant dans le cadre de l'ONU puisse
arrêter et mettre en oeuvre, aujourd'hui et demain,
les politiques économiques et les soutiens financiers
nécessaires? Certainement pas. C'est là que
le relais des associations citoyennes serait indispensable.
Celles-ci sont déjà nombreuses. Mais vu l'ampleur
de la tâche, elles devraient l'être infiniment
plus.
1) A titre
anecdotique, nos lecteurs auront peine à imaginer les
réactions hostiles, à la limite de l'insulte,
que nous avons reçues à la suite de notre éditorial
mettant en valeur les travaux de James Hansen. Celui-ci a
le tort d'expliquer que très probablement, limiter
à seulement 2° la hausse des températures
n'empêchera pas les évènements les plus
désastreux de se produire. Il faudrait faire beaucoup
plus.
Appel
Nous
sommes à la croisée des chemins. Nous ne voulons
pas nous retrouver contraint.e.s à survivre dans un
monde devenu à peine vivable. Des îles du Pacifique
Sud à la Louisiane, des Maldives au Sahel, du Groenland
aux Alpes, la vie quotidienne de millions dentre nous
est déjà perturbée par les conséquences
du changement climatique. Par l'acidification des océans,
par la submersion des îles du Pacifique Sud, par le
déracinement de réfugiés climatiques
en Afrique et dans le sous-continent indien, par la recrudescence
des tempêtes et ouragans, lécocide en cours
violente lensemble des êtres vivants, des écosystèmes
et des sociétés, menaçant les droits
des générations futures. Ces violences climatiques
nous frappent inégalement : les communautés
paysannes et indigènes, les pauvres du Sud comme du
Nord sont les plus affectés par les conséquences
du dérèglement climatique.
Nous
ne nous faisons pas dillusions. Depuis plus de vingt
ans, les gouvernements négocient mais les émissions
de gaz à effet de serre nont pas baissé
et le climat poursuit sa dérive. Alors que les constats
de la communauté scientifique se font plus alarmants,
les forces de blocage et de paralysie lemportent.
Ce
nest pas une surprise. Des décennies de libéralisation
commerciale et financière ont affaibli la capacité
des Etats à faire face à la crise climatique.
Partout, des forces puissantes entreprises du secteur
fossile, multinationales de lagro-business, institutions
financières, économistes dogmatiques, climatosceptiques
et climatonégationnistes, décideurs politiques
prisonniers de ces lobbies font barrage et promeuvent
de fausses solutions. 90 entreprises sont à lorigine
des deux tiers des émissions mondiales de gaz à
effet de serre. De véritables réponses au changement
climatique nuiraient à leurs intérêts
et à leur pouvoir, remettraient en cause lidéologie
du libre-échange, et menaceraient les structures et
les subventions qui les soutiennent.
Nous
savons que les multinationales et les gouvernements nabandonneront
pas aisément les profits quils tirent de lextraction
des réserves de charbon, de gaz et de pétrole
ou de lagriculture industrielle globalisée gourmande
en énergie fossile. Pour continuer à agir, penser,
aimer, prendre soin, créer, produire, contempler, lutter,
nous devons donc les y contraindre. Pour nous épanouir
en tant que sociétés, individus et citoyen.ne.s
nous devons tout.e.s agir pour tout changer. Notre humanité
commune et la Terre le demandent.
Nous
gardons confiance en notre capacité à stopper
les crimes climatiques. Par le passé, des femmes et
des hommes déterminé.e.s ont mis fin aux crimes
de lesclavage, du totalitarisme, du colonialisme ou
de lapartheid. Elles et ils ont fait le choix de combattre
pour la justice et légalité et savaient
que personne ne se battrait à leur place. Le changement
climatique est un enjeu comparable et nous préparons
une insurrection similaire.
Nous
travaillons à tout changer. Nous pouvons ouvrir les
chemins vers un futur vivable. Notre pouvoir dagir est
souvent plus important que nous ne limaginons. A travers
le monde, nous luttons contre les véritables moteurs
de la crise climatique, défendons les territoires,
réduisons les émissions, organisons la résilience,
développons lautonomie alimentaire par lagro-écologie
paysanne, etc.
A
lapproche de la conférence de lONU sur
le climat à Paris-Le Bourget, nous affirmons notre
détermination à laisser les énergies
fossiles dans le sol. Cest la seule issue.
Concrètement,
les gouvernements doivent mettre un terme aux subventions
quils versent à lindustrie fossile, et
geler leur extraction en renonçant à exploiter
80% de toutes les réserves de carburant fossile.
Nous
savons que cela implique un changement historique majeur.
Nous nattendrons pas que les Etats agissent. Lesclavage
et lapartheid nont pas disparu parce que des Etats
ont décidé de les abolir, mais par des mobilisations
massives qui ne leur ont pas laissé le choix.
Lissue
est incertaine. Nous avons toutefois une occasion unique de
renouveler la démocratie, de démanteler le pouvoir
hégémonique des multinationales et de transformer
radicalement nos modes de production et de consommation. Tourner
la page des fossiles est une étape décisive
vers la société juste et soutenable dont nous
avons besoin.
Nous
ne gâcherons pas cette chance, à Paris comme
ailleurs, aujourdhui comme demain.
Cent
premièr(e).s signataires :
Desmond
Tutu, archevêque émérite; Bill McKibben,
fondateur de 350.org; Naomi Klein, journaliste et essayiste;
Vandana Shiva, physicienne et écologiste; Agnès
Sinaï, Institut Momentum; Alberto Acosta, économiste;
Alex Randall, Climate Outreach; Amy Dahan, historienne des
Sciences; Bernard Guri, Centre for Indigenous Knowledge &
Organisational Development; Boaventura de Sousa Santos, sociologue;
Catherine Larrère, philosophe; Christophe Bonneuil,
historien; Cindy Wiesner, Coordinator of Grassroots, Global
Justice Alliance, USA; Claire Nouvian, Bloom; Claude Lorius,
glaciologue; Clive Hamilton, philosophe; David Graeber, anthropologue;
Dominique Bourg, philosophe; Dominique Méda, sociologue;
Edgardo Lander, sociologue; Eduardo Viveiros de Castro, anthropologue;
Emilie Hache, philosophe; Erri de Luca, écrivain; Esperanza
Martinez, ancienne ministre de la Santé publique du
Paraguay; Esther Vivas, chercheure et militante altermondialiste;
François Gemenne, politiste; Frank Murazumi, Amis de
la Terre Ouganda; Gaël Giraud, économiste; Geneviève
Azam, économiste; George Monbiot, journaliste; Gerry
Arrances, militant anti-charbon; Gilles Boeuf, président
du MNHN; Gilles Clément, paysagiste; Godwin Ojo, Amis
de la Terre, Nigeria; Gus Massiah, Cedetim; Guy Aurenche,
président du CCFD; Isabelle Frémeaux, Laboratoire
des Imaginaires Insurrectionnels; Isabelle Stengers, philosophe;
Jean-Baptiste Fressoz, historien; Jean-Pierre Dupuy, philosophe;
Jean Gadrey, économiste; Jeanne Planche, Attac France;
John Holloway, sociologue et philosophe; Joan Martinez Alier,
économiste; John Jordan, Laboratoire des Imaginaires
Insurrectionnels; Jon Palais, Bizi !; Kaddour Hadadi, musicien
et chanteur, HK et les Saltimbanks; Kevin Smith, Liberate
Tate; Kumi Naidoo, Greenpeace International; Larry Lohmann,
The Corner House; Lech Kowalski, réalisateur; Leonardo
Boff, théologien; Lidy Nacpil, Jubilee South; Mamadou
Goïta, Institut de recherche et de promotion des alternatives
au développement, Mali; Marc Dufumier, agronome; Marc
Luyckx Ghisi, écrivain; Marie-Monique Robin, journaliste;
Maude Barlow, Food & Water Watch; Maxime Combes, économiste,
membre d'Attac; Michael Hardt, philosophe; Michael Löwy,
sociologue; Mike Davis, historien et sociologue; Noam Chosmky,
linguiste et philosophe; Nick Hildyard, The Corner House;
Nicolas Haeringer, 350.org; Nnimmo Bassey, Oil Watch International;
Noble Wadzah, Oil Watch Afrique; Olivier Bétourné,
éditeur; Olivier de Schutter, juriste; Pablo Servigne,
collapsologue; Pablo Solon, ancien ambassadeur de la Bolivie;
Pat Mooney, ETC Group; Patrick Chamoiseau, écrivain;
Patrick Viveret, philosophe; Paul Lannoye, ancien député
européen; Philippe Bihouix, ingénieur; Philippe
Desbrosses, Intelligence Verte; Philippe Descola, anthropologue;
Pierre Rabhi, agronome et penseur de lécologie;
Pierre-Henri Gouyon, écologue; Priscilla Achakpa, Water
Supply and Sanitation Collaborative Council, Nigéria;
Razmig Keucheyan, sociologue; Rebecca Foon, musicienne; Roger
Cox, avocat; Saskia Sassen, sociologue; Serge Latouche, économiste;
Soumya Dutta, Alliance nationale des mouvements anti-nucléaires,
Inde; Stefan C. Aykut, politiste; Susan George, économiste;
Swoon, artiste; Thomas Coutrot, économiste, porte-parole
dAttac; Tom Kucharz, Ecologistas en Accion, Espagne;
Tony Clarke, International Forum on Globalization; Txetx Etcheverry,
Alternatiba; Valérie Cabannes, End Ecocide; Valérie
Masson-Delmotte, climatologue; Vincent Devictor, écologiste;
Vivienne Westwood, styliste; Yeb Saño, ancien ambassadeur
des Philippines pour le climat; Yvonne Yanez (Oil Watch)