Article.
Gertrude,
un projet inédit en intelligence
artificielle
Jean-Pierre Forestier
05/07/2015
Nous
recevons cette lettre de Jean-Pierre
Forestier, biophysicien honoraire de
lUniversité Paul-Sabatier
à Toulouse. N'étant pas
à même de juger de la pertinence
de ce projet, nous avons pensé
intéressant de le soumettre à
nos lecteurs. Ceux qui le souhairaient
pourraient s'adresser à lui à
l'adresse jjeanperforg arobase gmail.com
Automates Intelligents
Lettre ouverte
à XXX
Unité mixte de physique CNRS/Thales,
Palaiseau
Comme biophysicien (relation structure/fonction
des protéines) cest avec
le plus grand intérêt que
jai larticle paru dans le
Pour la Science de juin 2015,
et notamment quand jai vu apparaître
le mot « ferroélectrique ».
La non coïncidence des barycentres
des charges positives et négatives
des protéines forment un champ
électrique permanent. Quelques
études systématiques sur
les propriétés ferroélectriques
des protéines ont été
publiées dans les années
1940, et semblent avoir été
abandonnées depuis ! Sauf,
peut-être, par un chercheur isolé
au fond du Texas.
Selon lhypothèse selon
laquelle toutes les fonctions du cerveau,
y compris la mémoire dune
structure protéique (que je retiens),
ce champ électrique modulerait
le signal et la réception les
protéines, celles qui portent
le même champ « réagiraient ».
Or on peut constater que les protéines
sont plastiques. Ceci est en accord
avec la plasticité synaptique
de Ramon y Cajal. Le champ électrique
des protéines est donc plastique.
Si on prend comme référence
1,00 ; le vecteur champ pourrait
être 0,97 pour un passage du signal,
1,04 au suivant. Ceci pour son module,
sachant que la direction dans lespace
varie également.
Comment le cerveau gère-t-il
ce flou ? En triant et par des
comparaisons statistiques.
Bien avant de savoir compter, un enfant
repère facilement, par comparaison,
une modification du nombre dobjets
qui lui sont présentés.
Le tri sopère à
chaque étape de la transmission
de linformation. Par exemple,
pour 100 informations envoyées
par lil, un premier tri
en retient 10 et le cerveau nen
traite que 1, celles qui lintéressent.
Toujours pour lil, le signal
passe par quelques neurones « centraux »
mais aussi par des neurones périphériques,
et le signal suivant par dautres
faisceaux ; centraux et périphériques.
La motivation est la même que
celle qui a présidé à
la naissance de lInternet par
les militaires, ce flou apporte de la
sécurité dans la transmission
des informations.
La gestion
du cerveau est donc plastique et probabiliste.
Des matériaux qui reproduisent
les mêmes champs flous existent.
Pour la Science les a signalés
il y a quelques années.Quand
à la gestion probabiliste, elle
fera le bonheur de nos collègues
mathématiciens. Le théorème
de Nyquist-Shannon pourrait en être
une des bases.
Ce sont plus des obstacles philosophiques
que mathématiques que je craindrais,
présenter le cerveau comme un
système probabiliste fera bondir
tous les tenants du tout déterminisme.
En son temps, Ramon y Cajal a été
confronté à une opposition
semblable. Considérer lorganisation
du système nerveux central comme
flou et probabiliste est aussi outrageant
pour les conceptions déterministes
que le fut en son temps Werner Heisenberg
quand il proposa son principe dindétermination.
Peu de travaux font référence
au « Plastic and Probabilistic
Jai quand même noté ceux
de Catherine Havasi et Jesse Snedeker
(qui sont vraisemblablement plus ou
moins lié(e)s au MIT, Cambridge,
USA) : The Adaptability of Language
Specific Verb Lexicalization Biases
Le
cerveau ne fonctionne évidemment
pas avec un seul type de composant,
pas avec une seule protéine,
ni même dun seul système
protéique, car cest un
système complexe quil faut
considérer, avec ses nuds
et ses super-nuds, autre domaine
que les mathématiciens savent
gérer.
Ce comparateur à champ plastique
et probabiliste (Plastic and Probabilistic
Fields Comparator) je l"ai
nommé "Gertrude". Gertrude
pourrait utilement sassocier à
des ordinateurs à memristors
(voir article de Pour la Science),
et des ordinateurs 01.
Gertrude permettra une reconnaissance
de forme des milliers de fois plus rapides
que les computers 01. Et aussi, briller
dans le cas suivant :
1° Repérage dans une foule
dune personne qui passe rapidement.
Par la vision latérale, le cerveau
est interpellé, mais linformation
reste floue.
2° Impression davoir vu, de
connaître cette personne. Toujours
floue
3° Vérification, notamment
par les yeux, car cest ce qui
change le moins avec lâge,
cest là que les ordinateurs
à memristors et 01 entrent en
scène.
Floue, Gertrude pourrait facilement
repérer ses propres blocs corrompus,
et ceux des « autres »
ordinateurs.
La mémoire
à structure protéique
Je
me dois dajouter quelques détails
supplémentaires sur la mémoire
à structure protéique.
Le flou ne donne pas dinformation
sur la formation de la mémoire,
mais seulement sur la façon de
sen servir.
Plusieurs types des protéines
sont synthétisées, disons
A et B. Le code génétique
de A est suffisamment imprécis
(flou) pour que son expression donne
environ 2 000 protéines
différentes, celles de B sont
sensiblement moins variées. La
synthèse de ces protéines
est épigénétique,
comme celle impliquées dans les
fonctions immunologiques.
Pour être fonctionnelles, ces
protéines sassocient en
oligomères. Par analogie, lorganisation
de cet oligomère serait le tore,
comme les HSP (Heat shock protein)
qui, entre autre, réparent les
protéines dont la structure spatiale
a été endommagée,
par exemple par la chaleur, doù
leur nom. Le « tore de la
mémoire » serait un
hexamère (ou octamère ?
), formé de trois A et trois
B ( ? ). Le nombre de combinaisons
permettant de former des hexamères
différents devient pratiquement
infini.
Comment un signal peut-il être
enregistré, mis en mémoire ?
Le tore dont le champ saccorderait
le mieux avec le signal est conservé,
ainsi quun certain nombre de tores
dont le champ serait proche de la valeur
accordée, et qui pourraient participer
à une réponse encore plus
« floue ».
Les protéines non accordées
seraient recyclés sous forme
dacides aminés (ou peut-être
de peptides) pendant la période
de sommeil, celle pendant laquelle le
cerveau effectue la maintenance, période
aussi pendant laquelle le cerveau est
le plus actif. Noublions pas que
plus de 80% du « travail »
du cerveau consiste à des « échanges »
internes entre les différents
neurones et différentes parties
du cerveau, cest un aspect à
considérer pour créer
Gertrude.
Pour en revenir au tore, cest
en son centre que le champ est le plus
« intense », c'est-à-dire
dans la partie « vide ».
Cest aussi un domaine accessible
à dautres protéines
(comme dans lexemple des HSP),
micromolécules ou, pour Gertrude,
accessible à un courant électrique.
Gertrude comparera et prendra des décisions.
Le qualificatif de comparateur est plus
approprié quordinateur.
Gertrude ne comptera pas, pas comme
ses cousins 01, elle na pas les
mêmes objectifs.
Depuis que dans lévolution,
la sélection sexuelle est apparue,
ce qui est donc très ancien,
avant même le cerveau, la décision
la plus importante pour lespèce
est le choix dun partenaire (« un »,
car à de rares exceptions, cest
la femelle qui choisit). Un comparateur
à champ plastique et probabiliste
est parfaitement adapté à
ce type de décision. (Que ce
soit la femelle qui choisisse, laisserait-il
penser que son cerveau est plus puissant ?
Différent, cest certain !)
Le cerveau compare une nouvelle information
avec lensemble : somme de
linné que lui a légué
ses parents à laquelle est ajouté
lacquit de son expérience
et les informations données de
son environnement. « Somme »
et « ajouté »
ne rendent compte quimparfaitement
du rassemblement de ces données,
elles sont réparties dans une
espace complexe (de type free scale
?) et accessibles simultanément
en 0,3 s, ou seulement retardées
par le passage par quelques nuds
et super nuds (neurones ou plutôt,
système de neurones).
Massimiliano Di Ventura et Yuriy Pershin
(dans l'article principal de Pour
la Science) remarquent à
juste titre que plusieurs entités
doivent participer en même temps
au traitement dune information.
Pour compter, Gertrude prendra sa calculette
01. Comme le cerveau, elle ne saura
que comparer.
Pour additionner 2 + 1, le cerceau compare.
Il compare avec ce quil a sous
la main, par exemple ses doigts !
On ne compte pas sur ses doigts, on
compare avec ses doigts.
Un orchestre
symphonique biologique
Mais
comparer, même simultanément,
nest pas suffisant. Il faut que
la comparaison soit floue. Le cerveau
utilise la « biologie symphonique ».
Quand un orchestre joue une symphonie,
ou un simple air de musique, même
si un musicien fait une "fausse
note" ou se permet quelques fantaisies
par rapport à l'uvre original,
il suffit davoir un peu doreille
pour reconnaître le morceau après
quelques mesures.
En biologie moléculaire (ADN)
la molécule est présente
ou pas, avec un ordinateur 01 le courant
passe ou ne passe pas, en biologie symphonique,
l'absence d'un instrument ou d'une note,
provoque néanmoins une réponse,
nuancée, imparfaite, floue mais
existante. Il en est de même pour
un parfum, ou pour un visage qui ressemble
à quelquun de connu, etc.
Dans un orchestre symphonique, plusieurs
instruments différents jouent
en même temps, la coopération
entre les instruments est nécessaire
pour que la musique soit harmonieuse.
De même une coopération
entre les neurones est indispensable.
Lharmonie est le jugement ultime.
Lharmonie, par essence globale
et complexe, est comparée à
lharmonie de larchitecture
globale et complexe du cerveau.
Gertrude sera un comparateur « flou »
à champ plastique et probabiliste,
mais qui pourra également être
qualifiée de « comparateur
symphonique ».
Plus proche de lhumain que les
ordinateurs 01, Gertrude restreindra
pourtant sa prétention à
ressembler à tout ce qui a un
cerveau, et qui sen sert. Pour
lhumain, il faudra ajouter encore
plus de plasticité et surtout
beaucoup plus de variété.
Cest lextraordinaire diversité
de lhomme et de la femme, vraisemblable
conséquence de leur néoténie,
qui a permis à lespèce
humaine de conquérir la planète.
La variété sappliquera
à toutes les Gertrude. Chaque
Gertrude sera différente de sa
sur, même jumelle, à
laquelle elle pourra sassocier
utilement, comme à dautres
membres de sa famille, à sa tribu,
à toutes les Gertrude du monde.
Gertrude serait une rupture technologique
pour toute lintelligence artificielle,
comparateur intelligent, elle pourrait
dialoguer avec le cerveau et
le pénétrer
encore
mieux que lont imaginé
les auteurs de science fiction.
Il me resteraità trouver un laboratoire
suffisamment intéressé
par l'idée résumé
ici commencer à la tester expérimentalement.
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