Article
Les
économistes en France, bons petits
soldats de la pensée unique.
Jean-Paul
Baquiast 03/07/2015
De
quelle pensée unique s'agit-il?
De celle qui considère que toutes
les activités, personnes, biens
et services de nos sociétés
complexes n'ont de valeur qu'au regard
du prix que les marchés financiers
leur attribuent en Bourse.
Mais le pire est que cette pensée
se prétend une science, la «
science économique », supposée
de facto devoir éliminer toutes
les autres sciences pour aider à
comprendre ces mêmes sociétés
complexes.
Le
phénomène n'est pas propre
à la France. Il est omniprésent
aux Etats-Unis. Mais on aurait pu penser
que l'université française,
ouverte en principe à de sciences
plus sérieuses, ou tout au moins
plus diversifiées, ne se serait
pas laisser imposer de tels diktats.
Un
article de Laura Raim dans le Monde
Diplomatique de Juillet «Police
de la pensée économique
à l'Université »,
montre que les économistes dits
orthodoxes, se disant appartenir à
une « école néo-classiques
» ont progressivement éliminé
toutes les autres approches concurrentes.
Récemment, la ministre Vallaud
Belkacem, qui s'était engagée
à créer au sein du Conseil
National des Université une nouvelle
section qui aurait pu accueillir des
économistes non-orthodoxes, s'est
vu obligée de retirer ce projet.
Il
s'en suit que, non seulement à
l'Université, mais dans les média
et les entreprises, seuls les économistes
orthodoxes ont le droit à la
parole. Le prix Nobel d'économie
français Jean Tirole, particulièrement
orthodoxe, représente pour le
grand public ce que la science économique
peut produire de mieux, même si
son discours est pratiquement incompréhensible.
Une
pensée économique plus
critique et plus diversifiée,
telle que celle des « Economistes
atterrées » est parfois
évoquée par certains chroniqueurs.
Mais sans plus. Ce qu'ils disent est
sans doute trop explicite au regard
des représentants du Système
qui veulent continuer à oeuvrer
dans l'opacité. Il est quelques
autres économistes, tout aussi
attérrés mais plus méchants,
que l'on ignore complètement.
Nous
avons plusieurs fois indiqué
sur ce site qu'une véritable
science, telles celles que l'on rencontre
en sociologie, en biologie, en psychologie
et partout ailleurs, ne résulte
pas de la constructions de modèles
mathématiques artificiels, coupés
de toute expérimentation pratique,
à qui l'on fait dire ce que l'on
veut en les manipulant de façon
obscure.
Bornons
nous à donner un exemple qui
vaut ce qu'il vaut. Les économistes
orthodoxes ressemblent à de prétendus
spécialistes des transports routiers
(spécialistes fort utiles dans
la critique politique de nos sociétés)
qui se borneraient à établir
des statistiques et modèles mathématiques
portant sur la fréquentation
des péages par des voitures de
plus de 5 CV. Aucune des raisons qui
rendent la question du transport routier
particulièrement difficile à
résoudre par des aménageurs
et les gouvernements ne seraient évoquées.
Ce
serait pourtant ces raisons, relevant
de sciences très diverses, non
exemptes de critique politique, qui
seraient nécessaires pour commencer
à comprendre le phénomène
et s'efforcer de remédier à
ses nuisances. Des spécialistes
des systèmes complexes disposant
pour leur part d'outils interdisciplinaires
pourraient gérer les approches
mieux que des scientifiques trop enfermée
dans leurs disciplines Les uns et les
autres enfin devraient pour espérer
avoir une quelconque efficacité
utiliser un langage leur permettant
d'être compris du grand public.
Mais
pourquoi cet enfermement des économistes
dans l'orthodoxie? Le titre de l'article
du Diplo le dit très bien. Les
oligarques qui mènent le monde
veulent tuer dans l'oeuf toutes les
pensées économiques originales
et critiques qui les obligeraient à
accepter la contestation, qui permettraient
aux peuples de remettre en cause, ne
fut-ce que marginalement, leurs pouvoirs.
Les autres sciences ne sont pas exemptes
de ce mal, mais les conflits, grâce
à la déontologie scientifique
qui, face aux dogmes, privilégie
les hypothèses susceptibles de
démonstrations expérimentales,
évitent le mal qui paralyse l'économie
politique.
Dans
ces autres sciences, malgré le
conformisme qui nécessairement
y règne, des esprits aventureux
peuvent de temps en temps ébranler
les certitudes et obliger le Système
à tenir compte des idées
neuves. Ce sont parfois eux qui reçoivent
des prix Nobel
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