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Géopolitique.
Contre
UberPOP, contre le TTIP, même combat
Jean-Paul Baquiast 26/06/2915
Rappelons qu'UberPOP est une filiale de la
société américaine Uber,
spécialisée dans le service
de taxis 1). Elle exerce celui-ci en s'affranchissant
de toutes les réglementations publiques
qui, notamment en France, visent à
réguler la profession, tout autant
dans l'intérêt des personnes
transportées que dans celui des entreprises
et chauffeurs de taxi. Pratiquement n'importe
qui, dès lors qu'il est agréé
par UberPOP, peut être agréé
pour exercer la fonction de conducteur de
véhicule sans chauffeur (VTC). Les
conditions de recrutement sont très
souples 2)
UberPOP a rencontré un succès
certain, tant auprès des usagers de
taxis que pour ceux désirant de cette
façon tirer un profit de leur véhicule
personnel ou de leurs heures disponibles.
Ceci peut s'expliquer, compte tenu pour les
clients des tarifs légèrement
inférieurs à ceux pratiqués
par les taxis agréés, compte
tenu aussi, pour les chauffeurs de VTC, des
facilités permises pour exercer une
activité réputée trop
fermée.
Les
chauffeurs de taxis professionnels ont progressivement
et de plus en plus énergiquement réagi
contre la concurrence de UberPOP. Ils ont
été soutenus par le gouvernement.
Le ministre de l'Intérieur, le 26/06,
tout en appelant au calme, s'est dit résolu
à faire interdire UberPOP en France.
Les taxis comme les Pouvoirs Publics rappellent
en effet que la profession est soumise, comme
toute autre activité commerciale en
matière de transport, à la fiscalité,
à la réglementation sociale
et à diverses dispositions visant à
assurer aussi bien la sécurité
des clients que celle des chauffeurs et des
usagers de la route.
Or UberPOP, du fait de son statut d'entreprise
transnationale, peut échapper à
toutes ces réglementations. Il est
donc faux de dire que le gouvernement, pour
des raisons électorales, cède
au lobby des taxis. Il le fait pour des raisons
indiscutables d'intérêt général.
Il a d'ailleurs dans le passé imposé
aux taxis de plus en plus de contraintes,
notamment celle de renforcer leurs effectifs,
ce qui se fait progressivement.
Malheureusement,
pour les taxis comme pour leurs clients, le
gouvernement français est incapable
de faire appliquer l'interdiction d'UberPOP.
Ceci notamment parce que l'entreprise américaine
conteste ou va contester au nom de la concurrence,
en France comme devant les juridictions européennes,
les mesures gouvernementales, mais aussi parce
que la police ne dispose à l'évidence
d'aucun moyen pour identifier les VTC et réprimer
leur activité à l'échelle
qui serait suffisante.
Uber
et TTIP
Or
il est étonnant de constater aujourd'hui
que les médias et l'opinion se passionnent
actuellement sur les conflits entre UberPOP
et les taxis, sans que personne ne réfléchisse
au fait que cette situation de concurrence
inégale, au profit d'une entreprise
transnationale américaine, se généralisera
avec l'adoption prochaine du TTIP, Transatlantic
Trade and Investment Partnership .
Nous
avons, parmi de nombreux autres, montré
que ce Traité , sous des aspects séduisants,
généralisera l'installation
en Europe d'entreprises transnationales américaines
beaucoup plus puissantes et agressives qu'Uber.
Mais les conséquences en seront les
mêmes: interdiction faite aux gouvernements
européens d'imposer des réglementations
protectrices des usagers, fuite généralisé
devant l'impôt, obligation en cas de
contestation de plaider devant des juridictions
arbitrales internationales soumises au droit
et au pouvoir politique américains.
Tous les services publics, enseignement, santé
notamment, pourront être exercés
par des entreprises ou même des individus
s'affranchissant de toutes contraintes d'intérêt
général, notamment tel que cet
intérêt général
reste compris dans la civilisation européenne
3).
S'ajoutera
à cela le fait que la généralisation
des réseaux numériques, sur
lesquels jouera à plein, plus encore
qu'actuellement, l'espionnage politique et
économiques de la NSA, Google et autres
agents de la domination américaine,
défavorisera définitivement
les entreprises et administrations européennes.
On
a appris le 24 juin que le ministre de l'agriculture
Stéphane Le Foll se rend aux Etats-Unis
pour une visite essentiellement consacrée
au traité de libre-échange transatlantique.
Il n'est pas difficile de deviner comment
se terminera cette discussion: la promesse
de quelques concessions en matière
de spiritueux qui ne seront d'ailleurs pas
respectées, et un niet poli sur tous
les autres points. D'autant plus que dans
le même temps, la Commission européenne
et le Parlement européen, très
« sensibles » aux intérêts
américains, font tout pour accélérer
l'adoption du Traité.
Il
est peu probable que Stéphane Le Foll
mentionne devant ses interlocuteurs européens
les dégâts que font en France,
dans le domaine des services de taxis, une
application anticipée par UberPOP des
facilités que le TTIP offrira aux entreprises
américaines 4).
Notes
1)
Uber. Wikipedia
2)
voir
Conduisez avec Uber
3)
voir Stop
TTIP
4)
Sur la façon dont les Etats-Unis considèrent
François Hollande quand il proteste
contre l'espionnage américain, voir
USA TODAY
* Sur le Groupe G7 et son patron, dit le Roi
des Taxis, on peut lire une enquête
intéressante de
Dominique Nora dans le Nouvel Obs
. Il
est indéniable que l'Etat a eu à
son égard des faiblesses curieuses.
Mais ceci ne remet pas en cause le sens général
de notre article. Echapper à une peste
locale ne devrait pas conduire à généraliser
le choléra.
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