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Sciences
politiques.
Vers plus d'intégration
au sein de l'eurozone ? Enfin !!
Jean-Paul
Baquiast 04/06/2015

Les
ministres de l'économie français
Emmanuel Macron et allemand Sigmar Gabriel
(image) viennent de proposer des changements
substantiels dans la structure et le fonctionnement
de l'eurozone (pays européens dotés
de l'euro). La France et l'Allemagne ont la
responsabilité de tracer cette voie.
L'Europe ne peut pas attendre davantage, ont-ils
écrits dans un texte publié
ce jour 04/06 par quelques journaux.
Angela
Merkel et François Hollande doivent
proposer un plan pour une meilleure intégration
au prochain sommet européen de juin.
L'adoption de celui-ci ne devrait pas obliger
à modifier les statuts. Les propositions
Macron/Gabriel vont plus loin. Si elles sont
adoptées, elles imposeront des changements
dans les règles selon lesquelles fonctionne
l'eurozone.
Ainsi
elles obligeront à revenir sur le principe
jusqu'ici intangible selon lequel les questions
fiscales et budgétaires relèvent
de la seule compétence des Etats nationaux.
Le projet Macron/Gabriel propose la création
d'un budget préliminaire pour l'eurozone,
doté de ses propres ressources, ainsi
la taxe sur les transactions financières
et une fraction des taxes sur les entreprises.
Des emprunts communs pourraient être
faits à partir de ces bases de revenus.
Le
projet va plus loin. Sans proposer un salaire
minimum commun, il propose une coordination
« consistante » entre ceux-ci,
s'imposant aux 19 Etats de l'eurozone. Les
ministres pensent que ces mesures vont créer
une zone commune éliminant les courses
aux réductions d'impôts et le
dumping social entre les Etats.
Ils
souhaitent par ailleurs que le Mécanisme
européen de Stabilité soit transformé
en un véritable Fonds Monétaire
européen, capable notamment de consentir
des prêts aux Etats en difficulté.
Au
niveau des institutions de l'Union européenne
à 27, ils demandent que l'eurozone
soit dotée d'une personnalité
propre, d'un commissaire européen à
l'eurozone et d'un groupe parlementaire dédié
au Parlement européen. Tout ceci devrait,
espèrent-ils, pousser à un approfondissement
de l'Union intéressant l'ensemble des
Etats. Si l'on considère que le marché
unique est encore actuellement le fondement
de l'Union européenne, encore faut-il
envisager des règles de gouvernance
communes. L'eurozone proposé devrait
être un fort stimulant dans cette voie.
Perspectives
Aussi
modestes que soient encore ces réformes,
aux yeux des promoteurs d'une zone euro disposant
d'une harmonisation budgétaire, fiscale,
sociale et réglementaire, elles représentent
un pas substantiel en avant. On peut espérer
que les deux ministres des finances n'ont
pas fait ces propositions de leur propre chef,
et qu'elles seront reprises par les chefs
d'Etat français et allemands, suivis
éventuellement de ceux qui constatent
tous les jours l'impuissance de l'eurozone,
réduite à la seule banque centrale
européenne. Rappelons que Valéry
Giscard d'Estaing était allé
plus loin récemment, en proposant une
Europe limitée aux grands pays de l'eurozone
et adoptant une structure fédérale.
Les propositions Macron/Gabriel ne vont pas
jusque là.
Tout
ceci sera vraisemblablement rejetées
par les eurosceptiques, tant ceux de l'eurozone
que ceux des autres pays européens,
notamment en Grande Bretagne. Mais un point
essentiel, sur lequel il est impossible de
se prononcer à ce jour, sera l'accueil
des intérêts financiers et économiques
globalisés. Ce sont eux qui font en
fait véritablement la loi, en Europe
comme aux Etats-Unis. Sont-ils à la
source de ce plan ou au contraire le combattront-ils
comme susceptible de contrecarrer leur leadership
?
NB.
On peut s'étonner qu'au soir du 04,
ces propositions n'aient pratiquement pas
reçu d'écho dans les média,
presse et télévision, à
l'exception de la chronique de Bernard Guetta
à 08h15 sur France Inter. Le thème
fait-il peur ? Nous reviendrons sur ce sujet
si besoin était.
Lire
*
http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/jun/03/europe-france-germany-eu-eurozone-future-integrate
* https://euobserver.com/economic/128964
Addendum au 05/06/2015
Quel
avenir pour la proposition Macron-Gabriel
?
Comme
il fallait s'y attendre, 24 heures après
la publication du projet Macron-Gabriel, un
certain nombre de bons auteurs nous ont expliqué
que, bien que séduisant, ce projet
était irréalisable. On pourra
lire à cet égard un article
très détaillé de Romaric
Godin publié par La Tribune du 05/06
Il
est évident que si l'on voulait mettre
d'accord sur un projet de fédéralisation
de l'eurozone tous les pays composant celle-ci
et tous les intérêts susceptibles
de se faire entendre dans ces pays, aucun
changement ne serait possible. Mais faudra-t-il
en conclure que, aussi bancale que soit aujourd'hui
l'eurozone, aussi incapable qu'elle soit d'atteindre
l'efficacité des grands ensembles géopolitiques
existant, il serait à jamais impossible
d'y rien changer? Ce serait d'une certaine
façon un suicide programmé.
Le moindre esprit un peu clairvoyant devrait
refuser cette démission.
En
reprenant la liste des objections faites ou
qui seront faites au projet Macron-Gabriel,
il paraît évident que les propositions
formulées ne seraient viables, dans
un premier temps, que si elles devaient être
appliquées dans un très petit
nombre de pays. Ces pays devraient être
dotés de ressources et d'économies
de niveau à peu près comparable.
Ils devraient aussi manifester une affectio
societatis, ou volonté de s'unir, suffisante
pour les aider à dépasser les
obstacles. Cette volonté reposerait
d'ailleurs sur un sain égoïsme,
une conscience partagée du fait que
s'ils ne s'unissent pas, il disparaitront.
On
retrouverait ainsi les idées souvent
formulées, y compris en dernier lieu
comme nous l'avons rappelé, par Valéry
Giscard d'Estaing. Il ne peut y avoir d'Union
européenne viable à terme que
resserrée autour de quelques membres
importants. Or, il est évident pour
tout observateur réaliste que cette
Europe ne pourrait se constituer qu'autour
d'une alliance renforcée entre la France
et l'Allemagne, ou si l'on préfère
pour respecter la courtoisie dans les formules,
autour de l'Allemagne et la France.
Bien
sûr, certains comme le démographe
Emmanuel Todd, expliqueront que l'Allemagne
sera à jamais l'adversaire de la France
et qu'aucune entente avec elle ne sera possible
. Mais pour notre part, nous pensons qu'il
faut renvoyer l'intéressé à
ses études démographiques en
lui demandant de ne pas faire de science politique.
Comme disait le sculpteur Apelle à
un cordonnier qui après l'avoir aidé
à corriger des erreurs dans la représentation
d'une chaussure, avait entrepris de critiquer
l'ensemble de l'oeuvre « Ne sutor ultra
crepidam » Cordonnier, pas plus haut
que la chaussure.
En
fait, l'Allemagne, la France et quelques pays
partageant la même vision de l'Europe
seraient parfaitement capables de s'entendre
pour mettre sur d'autre part partageant des
compétences fédérales.
En cas, d'ailleurs très prévisible,
de succès, ils seraient rejoints par
d'autres.
Évidemment,
il faudrait qu'au niveau le plus élevé,
celui des gouvernements et des Parlements
concernés, la même ambition soit
reprise et mise en oeuvre. Or le point le
plus intéressant dans le projet d'euroland
renforcée dont nous discutons ici est
que ses auteurs ne sont pas n'importe quels
idéalistes naïfs, mais deux ministres
des finances. On peut penser qu'ils ont lancé
un ballon d'essai, mais il serait hautement
improbable qu'ils l'aient fait pour leur propre
compte, et non celui de Angela Merkel et François
Hollande. Tous ceux qui en Europe approuve
cette démarche devrait donc se faire
entendre pour que le ballon d'essai se transforme
rapidement en coup au but.