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Article.
Arianespace. Le gouvernement
capitule
Jean-Paul
Baquiast 11/06/2015
Matignon
a confirmé le 10 juin la privatisation
de la société Arianespace, mondialement
connue et respectée, qui assure depuis
trente-cinq ans le succès du spatial
européen. Il a été décidé
d'en donner le contrôle à Airbus
et Safran.
Airbus
depuis des années convoitait cette
activité. On dira qu'il n'a que moindre
mal, Car Airbus est le fleuron de l'industrie
européenne. Cependant ses préoccupations
ne sont pas véritablement l'espace
et son manque de culture en ce domaine pèsera
nécessairement dans la suite. De plus,
faut-il rappeler que Airbus est passé
de fait sous un contrôle allemand, pour
qui là aussi la culture spatiale n'est
pas le point fort. La France qui avait via
le CNES un poids politique important dans
le domaine des lanceurs et de leurs applications
perd ainsi considérablement de son
influence. Ce ne sera pas son rôle relativement
effacé au sein de l'Agence spatiale
européenne qui pourra maintenir celle-ci.
Une
réunion interministérielle a
annoncé le 10 juin la cession des parts
du Centre national de recherches spatiales
(CNES), jusqu'alors premier actionnaire d'Arianespace
avec 34,68 % du capital, à une nouvelle
joint-venture, Airbus Safran Launchers, créée
en juin 2014 avec Airbus. L'annonce officielle
est prévue à l'ouverture du
salon du Bourget le 15 juin.
Comme
on peut le prévoir, les salariés
de Arianespace sont très inquiets,
non seulement pour leur avenir, mais pour
celui des lanceurs Ariane en général.
On peut observer que les autres États
européens, actionnaires minoritaires
de la société de commercialisation
des lanceurs, sont réticents à
voir les industriels définir dorénavant
ce que devra devenir l'Europe spatiale. L'Agence
spatiale européenne, qui coordonne
l'ensemble des programmes de recherche et
industriels spatiaux, manifeste elle-même
de l'inquiétude.
La
décision de l'Etat, prise sous la pression
des industriels et des financiers, repose
sur l'argument qu'un regroupement était
nécessaire. Pour les représentants
des ministères du budget et de l'économie,
tous acquis à la non intervention de
l'Etat, il est clair que les industriels sont
toujours plus compétents qu'une structure
parapublique. L'argument de ceux-ci est la
compétitivité, face aux industries
russes et chinoises en plein développement
et financées de façon obscure
par les Etats, comme au redémarrage
de l'industrie américaine. La société
SpaceX appartenant au multimilliardaire Elon
Musk a mis au point un nouveau type de lanceur,
le Falcon 9, censé réaliser
des lancements à bas coût. Le
fonctionnement de celui-ci reste encore aléatoire,
mais propose des lancements commerciaux 30
% moins cher que ses concurrents. Or le gouvernement
français, apparemment, refuse de voir
que ces tarifs sont rendus possibles par les
subventions de la Nasa destinées aux
vols scientifiques et militaires.
Diminuer
les coûts de 30%
Plutôt
que porter ces détournements de concurrence
devant l'Organisation mondiale du commerce
comme les Américains l'avaient fait
précédemment concernant Airbus,
les Européens n'ont retenu qu'un objectif
: les vols spatiaux européens devaient
diminuer de 30 % pour rester compétitifs.
Nous avons relaté précédemment
les oppositions entre les défenseurs
d'une version rajeunie et à capacité
augmentée du lanceur lourd Ariane 5
et ceux du programme Ariane 6. Il s'agit d'un
lanceur devant prendre le relais d'Ariane
5 à partir de 2020, dont les performances
ne sont guère modifiées, mais
dont les coûts devraient être
moindres. Or contrairement aux arguments des
industriels, beaucoup de spécialistes
de l'espace ont avertis que sur la longue
période, les poids des satellites ne
cesseront pas d'augmenter, tandis que la capacité
de mise en orbite multiple s'améliorera
régulièrement.
Rappelons
par ailleurs que l'actuelle Arianespace prend
à sa charge les frais de location et
d'entretien de la base spatiale de Kourou.
Les nouveaux actionnaires ont fait valoir
que c'était à l'Etat de prendre
en charge les sommes correspondantes, soit
150 millions d'euros annuels. Il n'y a pas
de petits profits.
On
constate à nouveau dans cette affaire
Arianespace que le gouvernement (socialiste)
actuel s'éloigne une nouvelle fois
des ambitions régaliennes affichées
jusqu'ici par les précédents
gouvernements français, ceci depuis
De Gaulle. Derrière les industriels
européens mis en avant pour faire passer
la privatisation, inutile de dire par ailleurs
que se trouvent une myriade d'intérêts
financiers internationaux, dont la plupart
dépendent de Wall Street et de Washington.
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