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Technologies
et politique. L'inertie
du G7 prépare de nouveaux crimes climatiques
!
Maxime Combes 09/06/2015
Nous
reprenons ici une excellente analyse des résultats,
à juste titre jugés catastrophique,
des délibérations du dernier
G7 en matière de lutte contre le réchauffement
climatique, notamment par abandon des énergies
fossiles. L'auteur en est Maxime Combes, économiste,
membre d'Attac France et de l'Aitec.. Les
arguments de l'auteur nous paraissent rigoureuses,
notamment sur le plan scientifique. D'où
la place qu'il convient de leur donner sur
ce site.
Bien
entendu, la question que nous devons tous
nous poser est la suivante: Qu'est ce qui
pourra arrêter la marche à la
catastrophe qui se prépare? Comment
lutter contre des forces politiques et économiques
refusant de prendre en compte les mises en
garde qui se multiplient? On peut douter que
le sommet sur le climat qui se prépare
à Paris pour la fin de l'année
apporte quelques solutions. Au G7, on n'a
guère entendu François Hollande,
qui hébergera cette conférence,
faire la moindre objection sérieuse
aux conclusions du groupe. Automates intelligents
09/06/2015.
Le
texte original de l'auteur se trouve sur son
blog http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/090615/linertie-du-g7-prepare-de-nouveaux-crimes-climatiques-decryptage
L'analyse
de la déclaration du G7 est sans appel
: le G7 fait du surplace par rapport au G8
de 2009, accentuant le fossé entre
les discours et la réalité du
chaos climatique. Loin de la décarbonation
de l'économie mondiale, le G7 défend
le business as usual et des politiques
climaticides.
Les
pays du G7 étaient attendus. Mis à
l'index par des ONG (Oxfam, Greenpeace, Amis
de la Terre etc) demandant aux pays du G7
(États-Unis, Japon, Allemagne, France,
Royaume-Uni, Italie, Canada) de stopper leur
soutien aux centrales au charbon, et invités
par Angela Merkel, hôte du G7, à
s'engager sur des objectifs ambitieux de réduction
d'émission de gaz à effet de
serre (GES), les pays du G7 ont envoyé
un message clair au reste du monde : la lutte
contre les dérèglements climatiques
n'est pas une priorité absolue ! La
recherche de la croissance et la défense
du restent leur priorité. Au final,
dans le meilleur des cas, le G8 fait du surplace
en matière d'engagements pour le climat,
tandis qu'il renouvelle son soutien à
des politiques économiques et financières
qui sont à l'origine de la crise climatique.
La
déclaration finale du G7 fait dix-neuf
pages en anglais (lien ci-dessous). Voilà
une première analyse qui porte principalement
sur les parties consacrées au climat,
mises en rapport avec les parties portant
sur l'économie mondiale (commerce,
finance, etc).
En
matière de climat, le G7 fait du surplace.
Certains
vont sans doute se féliciter que les
pays du G7 annoncent vouloir rester en deçà
des 2°C de réchauffement climatique
global et qu'ils reconnaissent la nécessité
de réduire les émissions globales
de 40 à 70 % d'ici à 2050 par
rapport à 2010. Soit le strict minimum
au regard des recommandations du GIEC. Ce
serait oublier un peu vite que les pays du
G8 (G7 + Russie) s'étaient déjà
engagés en 2009 (G8 de L'Aquila
Italie) à ne pas dépasser les
2°C et à atteindre une réduction
d'au moins 50 % des émissions mondiales
d'ici à 2050 . Rien de neuf donc dans
la déclaration de 2015. Sauf qu'à
l'époque, ils s'étaient également
engagés à réduire de
80 %, ou plus, leurs propres émissions
d'ici 2050. Aucune mention de cet objectif
n'est présent dans la déclaration
de cette année. Les pays du G7 ne se
sont tout simplement pas fixés d'objectifs
de réduction d'émissions pour
2050. Ni pour aucune autre date intermédiaire
(2020, 2030, etc). C'est une régression
par rapport à 2009.
Dans
cette déclaration, le G7 se félicite
des engagements pris par ses membres pour
la période post-2020. Ce que l'on appelle
les contributions nationales, les INDC, dans
le jargon des négociations. Etonnant
quand on sait que les engagements des Etats-Unis
sont très largement insuffisants, tout
comme ceux que le Japon vient de rendre public.
Le Canada n'a lui toujours pas rendu sa copie
tandis que celle de l'Union européenne,
bien que meilleure, est loin d'être
à la hauteur des enjeux. Bref, le G7
se félicite des contributions de ses
membres qui conduisent la planète sur
une tendance de réchauffement de 3
à 4°C. Pour être à
la hauteur de l'objectif des 2°C que les
pays du G7 disent vouloir respecter, chacune
de leurs contributions nationales devrait
être très largement revue à
la hausse. Ce n'est pas le cas. Aucun ne le
souhaite, ni pour la période prè-2020
ni pour celle qui suit. Le fossé entre
les bonnes intentions et la réalité
des émissions ne peut que s'accroître.
Big Oil et Big Coal peuvent se frotter les
mains
Les
observateurs vont également se féliciter
que la déclaration finale du G7 parle
de décarbonation de l'économie.
Certains le font déjà avec emphase
puisque l'European Climate Foundation décrit
cette déclaration comme « historique
», signalant « la fin de l'âge
des fossiles ». Un peu de sérieux
est sans doute nécessaire. Les pays
du G7 soulignent effectivement la nécessité
d'une « décarbonation de l'économie
mondiale au cours du siècle ».
Est-ce un progrès ?
Cela
aurait pu en être un si une date limite
et des objectifs intermédiaires avaient
été fixés et si les pays
du G7 s'étaient donné une feuille
de route. Pour respecter les 2°C et atteindre
la décarbonation de l'économie
mondiale, cela suppose que les pays du G7
réduisent leurs émissions de
près de 95% d'ici à 2050. Comme
nous l'avons vu, les pays du G7 ne se sont
pas fixés d'objectifs pour 2050. Pas
plus qu'il n'y a d'objectifs intermédiaires.
Quand
ils parlent d'eux-mêmes, les pays du
G7 n'évoquent plus la décarbonation,
mais affirment qu'ils feront leur part pour
aller vers « une économie mondiale
sobre en carbone à long terme ».
Difficile de faire plus vague et imprécis.
La décarbonation (terme mentionné
une seule fois) est donc un objectif sans
calendrier de mise en uvre : c'est un
objectif qui flotte dans l'air et qui n'est
rattaché à aucune feuille de
route. Pendant les quatre-vingt cinq ans à
venir, d'ici à la fin du siècle,
Big Oil peut dormir tranquille et continuer
à profiter de la bombe climatique sur
laquelle il est assis.
Les
ONG en sont pour leurs frais. Le G7 ne s'est
bien-entendu pas engagé à sortir
de l'ère du charbon, pas plus que de
l'ère des fossiles. Mieux, le charbon
n'est pas un problème pour les pays
du G7 puisqu'ils ne l'évoquent même
pas. Aucune mention dans la déclaration.
Les énergies fossiles ? Guère
mieux. Elles sont évoquées une
fois pour annoncer que les subventions aux
énergies fossiles doivent être
supprimées. Un progrès ? Pas
vraiment, puisque seules les subventions jugées
« inefficaces » doivent l'être.
C'est-à-dire les subventions qui gênent
la bonne marche de l'économie mondiale.
Que des subventions « efficaces »
(la majeure partie sans doute) contribuent
au réchauffement climatique ne pose
aucun problème aux pays du G7. Rappel
: les subventions aux énergies fossiles
représentent près de 100 milliards
de dollars pour les pays de l'OCDE. Le FMI
les évalue lui à 10 millions
d'euros par minute, pour l'ensemble des pays
de la planète.
Avec
les pays du G7, « l'ère des énergies
fossiles » a de beaux jours devant elle
et les multinationales pétrolières,
gazières et charbonnières peuvent
se frotter les mains : le G7 n'a pas prévu
de réguler leurs activités climaticides
(elles ne sont pas mentionnées dans
la déclaration). Bien-entendu, aucune
mention n'est faite du processus de désinvestissement
que connaît le secteur des énergies
fossiles sans doute l'une des initiatives
les plus pertinentes et appropriées
que l'on connaisse à l'heure actuelle
alors que des pays réellement
convaincus de l'urgence climatique devraient
promouvoir et renforcer cette dynamique. Pas
les pays du G7.
Note
G7.
Déclaration des chefs d'Etat et de
gouvernement http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/g7_-_declaration_des_chefs_d_etat_et_de_gouvernement_cle076f43.pdf
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