Retour
au sommaire
Article.
Epidémies
à virus. Le pire est-il devant nous?
Jean-Paul
Baquiast 11/05/2015
Le
fait que l'épidémie de fièvre
Ebola vienne d'être déclarée
éteinte au Libéria ne doit pas
inciter à baisser la garde vis-à-vis
d'autres maladies à virus pouvant résulter
de mutations qui pourraient les transformer
en véritable danger pour des milliards
d'humains. Les épidémiologistes
considèrent que quatre principaux facteurs
rendent un virus potentiellement tueur à
une très large échelle: le taux
de mortalité, la facilité à
se transmettre de personne à personne,
le temps pendant lequel une personne peut
être contagieuse avant que la maladie
ne se soit déclarée et finalement
l'absence de traitements et de vaccins. Malgré
ses aspects spectaculaires en Afrique de l'Ouest,
la fièvre Ebola n'a été
caractérisée que par le premier
et le dernier de ces facteurs.
Autrement dit, le fait qu'elle ne se soit
pas transmise facilement et le fait qu'une
personne ne devenait contagieuse qu'une fois
l'infection déclarée a permis
d'éviter la transmission dans les pays
à niveau de vie et à système
sanitaire meilleurs que ceux caractérisant
les premiers pays touchés. Par ailleurs,
pour des raisons d'ailleurs encore mystérieuse,
le virus Ebola n'a pas muté de telle
sorte qu'il ait acquis un ou deux des facteurs
de dangerosité qu'il n'avait pas. Il
semblerait même que les souches en circulation
aient muté, comme cela arrive quelquefois,
de telle sorte qu'elles aient perdu de leur
virulence, notamment en terme de taux de mortalité.
Ne
pas crier victoire
Mais
les épidémiologistes sont loin
de crier victoire. Dans un monde de plus de
7 milliards d'humains, très interconnectés
ou vivants dans des mégapoles, à
niveau de vie souvent très bas et ne
disposant pas toujours d'infrastructures de
santé suffisante, demeurent 5 grandes
maladies à virus pour lesquelles n'existent
aucun traitement, et qui répondent
par ailleurs à deux ou trois des facteurs
les rendant potentiellement tueurs à
grande échelle. Le tableau ci-dessous
en donne la liste.
Source. NewScientist. Contagion 9 mai 2015
Il
s'agit du SARS, du HIV, de la grippe porcine,
de la grippe aviaire et d'une nouvelle maladie
récemment apparue en Arabie saoudite,
le MERS. Ces diverses infections ont été
contenues de justesse jusqu'ici, tout en ayant
fait des milliers de morts. Mais il suffirait
que les virus responsables mutent, éventuellement
de façon très limitée,
pour qu'ils deviennent incontrôlables.
Alors des pandémies majeures, du type
de la grippe espagnole de 1918, ou bien pire,
pourraient éclater.
On
a signalé aussi la possibilité
que des recherches sur les virus, destinées
soit à les mieux étudier, soit
à leur trouver des applications militaires
(démarche théoriquement inadmissible
mais courante dans certains pays) permettent
à des souches non contrôlables
de s'échapper. Enfin, les milliers
de virus jusqu'à présent anodins
pour l'homme mais vivant dans des espèces
biologiques directement ou indirectement en
contact avec l'homme, pourraient eux-aussi
muter d'une façon subite et devenir
mortels.
Quelles
conclusions tirer de ces réflexions?
La première est qu'il faudrait renforcer
les moyens de l'OMS, qui n'ont pratiquement
pas évolué depuis 1948, alors
que la population mondiale était à
cette date d'environ 2 milliards d'homme.
Il faudrait aussi renforcer dans les pays
pauvres, par des contributions venant des
pays riches, les infrastructures de prévention
et de soins. Il faudrait développer
la recherche de vaccins et de traitements
pharmacologiques, aussi polyvalents que possible.
Tout ceci impliquerait là encore des
subventions des pays riches, car spontanément
les entreprises pharmaceutiques n'investissent
pas dans des domaines qu'elles ne considèrent
pas comme rentables.
A plus long terme, entre autres démarches
intéressant la recherche fondamental,
il faudrait mieux connaître le monde
des virus, pathogènes ou non pathogènes,
qui demeure encore peu étudié
au regard de ce qui est pratiqué dans
le domaine des bactéries et des maladies
parasitaires.
Ceci
sera-t-il fait? On peut craindre qu'il n'en
soit rien, faute d'autorités à
compétences mondiales capables d'imposer
des opérations venant en contradiction
avec la recherche libérale à
court terme. Autrement dit, il ne resterait
qu'à se préparer au pire, sur
la base du chacun pour soi comme l'humanité
le faisait au moyen-âge face à
la peste. Mais après tout, diront les
optimistes, la Terre se porterait plutôt
mieux si elle se trouvait allégée
de quelques milliards d'humains qui pour le
moment la détruisent rapidement.
Note
L'épidémie
de grippe aviaire, variante H5N2, en principe
non dangereuse pour l'homme, qui ravage actuellement
les élevages de volailles du Middle
West américain, montre à quel
point la lutte contre les virus peut devenir
difficile.Le virus met en danger une activité
(poulets et oeufs) dont le chiffre d'affaire
est de 45 milliards de $. Des millions d'animaux
ont été abattus, 3,8 dans une
seule exploitation de l'Iowa. Les autorités
sanitaires comptent sur l'arrivée de
l'été pour voir diminuer la
présence du virus dans l'environnement.
Mais des canards sauvages pourraient réinfecter
les élevages.
Or le point important tient au fait que les
vaccins que développent le Département
de l'Agriculture risquent de se montrer inefficaces.
En effet, un individu vacciné s'averre
rester porteur du virus sans tomber malade.
C'est ce qui s'était passé récemment
en Chine, Indonésie et Egypte, confrontées
à une grippe aviaire à H5N1.
La Chine pour sa part a renoncé aux
vaccinations, dont par ailleurs le coût
est élevé, de peur que des individus
porteurs sains après vaccination n'infectent
silencieusement les élevages non vaccinés.
Retour
au sommaire