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Editorial2.
LAsian
Infrastructure Investment Bank : une chance
pour la grande Europe.
Jean-Claude Empereur 18/04/2015
Jean-Claude Empereur est géopolitologue.
C'est aussi un ami de Automates Intelligents.
Nous le remercions de cette contribution à
nos éditoriaux A.I.
La
Chine vient de créer lAsian Infrastructure
Investment Bank (AIIB), dont lobjectif
est de financer des projets dinfrastructures
en Asie. De nombreux pays européens,
malgré de fortes pressions américaines,
ont choisi de rejoindre le projet.
La
plupart des commentateurs ont noté
lapparente provocation financière
de lopération. Cest oublier
que lobjectif de lAIIB est avant
tout un objectif géopolitique et géostratégique.
Il sagit de financer des infrastructures
eurasiatiques, pour lessentiel terrestres
et maritimes, destinées à unifier
et structurer par des liens physiques : tubes,
voies routières, réseaux ferroviaires,
ports maritimes, aménagements fluviaux
un espace gigantesque mais cohérent
qui va de la mer de Chine à lAtlantique.
Pour
faire bonne mesure, on peut ajouter à
ce tableau « le collier de perles »,
un ensemble de bases et déquipements
maritimes installés autour de locéan
Indien, la projection en Europe de ces réseaux
via le port du Pirée, le contrôle
de laéroport stratégique
de Toulouse-Blagnac, le percement du canal
du Nicaragua et, enfin, les projets de développement
ferroviaire en Afrique. Compte tenu de la
puissance financière de la Chine, lAIIB
sera un pilote et un levier pour de gigantesques
fonds dinvestissement qui relayeront
son action.
Cette
stratégie rappelle celle de lantique
route de la soie et porte un nom, bien révélateur,
dans le discours du président Xi Jinping
: The Belt and Road Initiatives
(« la route maritime et la ceinture
terrestre »).
Ce
concept grandiose reflète un «
story telling » à la chinoise,
mais on aurait tort de le prendre à
la légère. Il traduit, non sans
une pointe de ressentiment et dhégémonisme,
le retour des grandes visions géopolitiques
civilisationnelles, sociétales, économiques,
technologiques et militaires. La stratégie
chinoise vise à réconcilier
temps long et grands espaces. Elle sinspire
de Sun Tzu, le stratège de la guerre
sans combat, de Zheng He, lamiral aux
cent « navires trésors »,
mais aussi de Ferdinand de Lesseps, le perceur
de canaux saint-simonien.
Il
est temps que les Américains prennent
conscience que le pivot eurasiatique chino-russe
est en train de les contourner et que leur
approche dendiguement à la Brzezinski
est à courte vue.
Il
est temps, aussi, que les Européens,
hélas empêtrés dans leur
préférence pour la sédation
profonde de laustérité,
qui, ayant oublié le vieux principe
militaire « prévoir loin et commander
court », ne prévoient plus et
commandent mal, pensant que le rideau de fer
est à reconstruire. Leur avenir ne
sinscrit plus seulement dans le grand
marché transatlantique mais aussi dans
les vastes espaces terrestres qui sétendent
du Finistère ou dIstanbul au
grand Mékong et à la mer de
Chine. Avec un peu de vision et surtout dénergie,
ils pourraient devenir larbitre de ce
grand basculement géopolitique.
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