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Editorial
Le
Service National de Santé dans le monde
d'aujourd'hui
Jean-Paul
Baquiast et Christophe Jacquemin - 07/04/2015
Dans
la revue britannique NewScientist (p.
56 du n° du 4 avril 2015) un lecteur rappelle
que le Service National de Santé (NHS)
institué en Grande Bretagne en 1948,
à la fin de la 2e guerre mondiale,
et considéré à l'époque
comme le meilleur exemple possible de l'Etat-Providence,
avait été présenté
par Aneurin (Nye) Bevan, secrétaire
d'Etat à la Santé, comme "devant
accompagner chaque citoyen du berceau jusqu'à
la tombe"- et ceci gratuitement.
C'est
ce qu'il fit effectivement pendant quelques
années. Mais à l'époque,
comme le rappelle le lecteur, la durée
de vie moyenne était de 65 ans, les
besoins de soin provenaient pour l'essentiel
des troubles de la seconde partie de la vie,
du traitement de cancers des poumons très
vite mortels et d'un peu d'interventions néonatales.
Peu de gens avaient envie de prolonger des
vies austères et pauvres. Le budget
du NHS a donc longtemps suffi à la
tâche.
C'est
une banalité de dire qu'aujourd'hui,
les régimes de sécurité
sociale - comme celui dont la France continue
à être fière - se trouvent
confrontés à des perspectives
de dépenses quasi-illimitées
en ce qui concerne les soins, et à
des budgets en réduction constante
en ce qui concerne les ressources. Malgré
les efforts héroïques de l'institution
tout entière, comme il n'est plus possible
de traiter tout le monde pour toutes les affections,
des choix s'imposent. Qu'on le veuille ou
non, ce sont les patients les plus avertis,
les plus appuyés socialement, qui sont
traités en priorité.
Nous
ne faisons allusion ici qu'aux assurés
sociaux et non aux personnes dotée
de ressources personnelles suffisantes pour
s'adresser au "marché". Mais
là aussi, des limites sont atteintes.
Elles le seront de plus en plus. Et même
les personnes "aisées" ne
pourront espérer toutes disposer de
protéines rares ou d'appareillages
complexes pour ne pas citer l'emblématique
coeur artificiel.
Or
la société, sous la pression
de survivances idéologiques ou philosophiques
en un temps fort honorables mais devenues
aujourd'hui parfaitement inadéquates,
se refuse de poser le vrai problème,
qui est celui de la fin de vie, qu'elle soit
médicalement assistée ou qu'elle
relève de moyens personnels - moyens
aujourd'hui hors de portée du grand
public, sauf les plus cruels pour soi et pour
les autres
Elle
se refuse surtout à intégrer
ces perspectives dans la gestion des budgets
de santé, afin qu'ils puissent récupérer
un minimum d'équilibre. La question
de la fin de vie a été abordée
en France lors des débats parlementaires
sur la question. Il ne nous est pas possible
de reprendre ici les arguments échangés.
Pour la plupart des spécialistes -
se voulant clairvoyants - la solution retenue
ne sera qu'un palliatif, compte tenu de l'accroissement
exponentiel des besoins.
Concernant ces derniers, on évoque
parfois la volonté de certaines entreprises
immensément enrichies par nos soins,
telle Google, de proposer des durées
de vie quasi illimitées, pour quelques
rares hyper-riches. Mais on envisage moins
un avenir beaucoup plus proche, où
déferleront sur les pays encore préservés
des dizaines, voire centaines, de millions
de réfugiés climatiques porteurs
de toutes les pathologies imaginables. Quel
sort leur proposeront la Sécurité
Sociale et l'hôpital public ?
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