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Sciences
politiques. La fin du monde
selon Dmitri Orlov
Jean-Paul
Baquiast 24/03/2015

Vénus
et laTerre. Dans quelques siècles,
pas de différences?
Dmitry Orlov, né en 1962, est un ingénieur
et écrivain russo-américain.
Ses écrits ont pour sujet le déclin
et l'effondrement économique, écologique
et politique potentiel aux États-Unis.
Ici il n'aborde pas seulement la question
de l'effondrement des Etats-Unis, mais celle
de l'effondrement du monde.
Dans l'esprit des préoccupations qui
sont principalement les nôtres sur ce
site, nous avons extrait de l'article d'Orlov
référencé ci-dessous
certains paragraphes (en noir) nous paraissant
appeler des commentaires de notre part (en
italique rouge). Nous avons résumé
les propos d'Orlov et réorganisé
pour plus de clarté l'ordre des paragraphes.
Première
partie. Le phénomène de la destruction
en marche
1)
Pic du pétrole
La
première hypothèse d'Hubbert
( voir Wikipedia Pic de Hubbert) , qui prédisait
que le pic de production historique de pétrole
par les USA serait atteint dans les années
1970, s'est révélée juste.
Mais les prédictions suivantes, qui
situaient le pic de production mondial, suivi
par un effondrement rapide, autour des années
2000 se sont avérées erronées.
Quinze ans plus tard, la production mondiale
bat tous les records. Les prix du pétrole,
qui étaient élevés pendant
un certain temps, se sont temporairement abaissés.
Cependant, si l'on examine de plus près
les détails de la production de pétrole,
il devient flagrant que la production conventionnelle
de pétrole a atteint son maximum en
2005, soit 5 ans après la date prévue,
et n'a fait que diminuer depuis. Les compléments
de production ont été fournis
par des moyens d'extraction difficiles et
coûteux (forages en profondeurs, fracturation
hydraulique), et par des produits qui ne sont
pas exactement du pétrole (sables bitumineux).
Les
prix actuels sont trop bas pour soutenir cette
nouvelle production qui nécessite des
investissements élevés pendant
longtemps. L'abondance actuelle commence à
ressembler à un banquet qui sera suivi
par la famine. La cause directe de cette famine
ne sera pas l'énergie, mais la dette,
bien que ses origines puissent être
reliées à l'énergie.
Une économie de croissance nécessite
une énergie bon marché. Des
coûts d'énergie élevés
réduisent la croissance, et obligent
à contracter des dettes qui ne pourront
jamais être payées. Une fois
que la bulle d'endettement aura explosé,
il n'y aura plus assez de capitaux pour investir
dans une nouvelle phase coûteuse de
production d'énergie, et le délabrement
final s'installera.
Notre
commentaire.
Il
n'est pas certain que le pic de production
d'énergie fossile soit jamais atteint
dans le siècle. D'une part de nouvelles
réserves de gaz relativement faciles
à exploiter se découvrent régulièrement,
par exemple en arctique. D'autre part le réchauffement
climatique, parmi ses effets nocifs, produira
d'énormes quantités de méthane
,elles-aussi semble-t-il facilement exploitables.
Inutile de préciser que tout ceci ne
fera qu'accélérer le réchauffement,
en retardant les investissements visant les
économies d'énergie et les énergies
renouvelables. La Russie et la Chine, outre
l'Amérique du nord, seront les principaux
agents de ce recours au pétrole-gaz
arctiques et au méthane. Il s'agit
évidemment de mauvaises nouvelles concernant
les risques et délais de survenance
des futures catastrophes climatiques.
2.)
Les USA en pleine décomposition
La
meilleure description qui puisse se faire
des USA est celle d'une nation en pleine décomposition,
dirigée par une petite clique d'oligarques
contrôlant les masses au moyen de discours
orwelliens. La population est à un
tel niveau d'aveuglement que la plupart des
gens pensent encore que tout va bien dans
le meilleur des mondes. Cependant, quelques-uns
réalisent que le pays a de très
nombreux problèmes, notamment la violence,
l'abus d'alcool et de drogues, l'hyper-consommation
destructrice. Mais ils ne peuvent se faire
entendre. Les géants du web américain
leur impose de penser que tout ira bien s'ils
continuent à consommer davantage et
éviter de réfléchir.
Les
signes de cet état avancé de
décomposition ne peuvent être
ignorés, qu'il s'agisse de l'éducation,
la médecine, la culture, ou de l'état
général de la société
américaine, dans laquelle la moitié
des personnes en âge de travailler ne
peuvent gagner de quoi vivre une vie décente.
Mais c'est encore plus évident lorsque
l'on s'intéresse à la liste
sans fin des erreurs qui forment l'essence
de la politique étrangère des
USA.
L'État
Islamique, qui dirige maintenant une grande
partie de l'Irak et de la Syrie, est un exemple
d'échec particulièrement flagrant.
Cette organisation avait d'abord été
mise en place, avec l'aide des USA, pour renverser
le gouvernement syrien, mais au lieu de cela
elle commence à menacer la stabilité
de l'Arabie saoudite. Et ce problème
a encore été aggravé
par le déclenchement d'une nouvelle
guerre de moins en moins froide contre la
Russie. Celle-ci pourtant, avec son immense
frontière sud-asiatique, est l'une
des grandes nations qui cherche à combattre
l'islamisme extrémiste.
Un
autre exemple est le chaos militarisé
et l'effondrement économique complet
qui ont englouti l'Ukraine suite au renversement
violent, organisé par les USA, de son
tout dernier gouvernement constitutionnel
il y a un an. La destruction de l'Ukraine
a été justifiée par le
calcul simpliste de Zbigniew Brzezinski, supposant
que transformer l'Ukraine en une zone antirusse
occupée par l'Otan sera à même
de contrer efficacement les ambitions impérialistes
russes. Le fait que la Russie ne montre pas
d'ambitions impérialiste est l'un des
défauts majeurs de ce calcul. La Russie
possède tout le territoire dont elle
aura jamais besoin, mais pour le développer,
elle a besoin de la paix et d'accords commerciaux.
Un autre grain de sable non prévu par
Brzezinski vient du fait que la Russie se
sent concernée par la protection des
intérêts des populations russophones,
où qu'elles puissent vivre. Pour des
raisons de politique intérieure, elle
agira toujours pour les protéger, même
si ses actions doivent être illégales
et risquent de mener à un conflit militaire
de grande ampleur. Donc, la déstabilisation
de l'Ukraine par les Américains n'a
rien accompli de positif, mais a accru le
risque d'autodestruction nucléaire.
Notre
commentaire
Cette
description de la décomposition des
USA, qui paraît fondée, devrait
conduire les européens à se
demander si l'Europe ne participe pas elle-même
à cette décomposition, du fait
qu'elle paraît décidée
à rester inféodée aux
USA. C'est par exemple ce qu'a demandé
le président polonais Komorovski à
la dernière réunion du German
Marshal Fund ( http://brussels.gmfus.org/
) en suggérant que les USA et l'Union
européenne fusionnent. L'avenir de
l'Europe se trouve au contraire dans le renforcement
de ses identités variées et,
ainsi armée, dans des coopérations
stratégiques avec le Brics, Russie,
Chine, Brésil, Inde
notamment. Mais qui s'en rend compte en Europe
aujourd'hui?
3)
Détérioration accélérée
du climat de la Terre
Les
prévisions parfaitement scientifiques
du GIEC continuent à se heurter au
lobby des climato-sceptiques. Quand ils ne
nient pas la détérioration actuelle,
ils font miroiter des solutions d'ingénierie
climatique ou géo-ingénierie
qui d'une part sont hors de portée
technique ou budgétaire et qui, d'autre
part, en cas de succès, pourraient
entrainer des conséquences encore plus
dangereuses que le réchauffement prévu.
Nous
assistons aujourd'hui à un épisode
d'extinction massive déclenchée
par l'homme, qui ira sans aucun doute au-delà
de tout ce qu'a pu expérimenter l'humanité,.
Elle pourrait rivaliser avec la grande extinction
Permien-Trias, qui a eu lieu il y à
252 millions d'année. Il est même
possible que la Terre se transforme en planète
stérile, avec une atmosphère
tout aussi surchauffée et toxique que
celle de Vénus. Ces changements sont
en train de se produire, il ne s'agit pas
de prédiction, mais d'observations.
Notre
commentaire
Dmitry
Orlov ne dénonce pas suffisamment les
intérêts industriels, financiers
et géopolitiques qui imposent à
l'humanité toute entière de
continuer à gaspiller l'énergie
et les ressources naturelles « comme
avant », c'est-à-dire sans rien
changer. Même si combattre de tels intérêts
paraît hors de portée des citoyens
ordinaires, il faut néanmoins tenter
de les analyser, non seulement sous leur forme
actuelle, mais sous les formes qu'ils revêtent
afin de faire face à des critiques
renouvelées.
Le
paysage des oligarchies dominantes est complexe
et généralement gardé
secret par celles-ci. Ceci ne doit pas justifier
les refus d'analyses, aussi scientifiques
que possible.
Seconde
partie. La destruction. Incertitudes qui demeurent
1.
Jusqu'où ira ce processus ?
Existera-t-il
encore un habitat dans lequel l'humanité
pourrait survivre? Pour survivre,les hommes
ont besoin d'une abondance d'eau potable,
de glucides, graisses et protéines,
autrement dit d'écosystèmes
viables permettant de les extraire. Si l'ensemble
de la végétation meurt, ils
mourront aussi. De plus, ils ne peuvent survivre
dans un environnement où la température
humide dépasse leur température
corporelle. Enfin, ils ont besoin d'un air
respirable, doté d'assez d'oxygène
et dépourvu sauf sous forme de traces
de dioxyde de carbone et de méthane.
Or c'est ce qui se produira lorsque la végétation
aura disparue, que le permafrost aura fondu,
que le méthane actuellement emprisonné
dans les clathrates océaniques aura
été libéré. Les
hommes mourront tous, comme d'ailleurs les
autres formes de vie supérieure, animaux
et végétaux.
Nous
savons déjà que l'augmentation
des températures moyennes globales
a dépassé le degré Celsius
depuis les temps préindustriels. Si
l'on prend en compte les modifications de
composition atmosphériques, pouvant
en sens opposé augmenter les effets
de serre ou jouer un rôle d'écran
analogue à celui des nuages, qui ralentit
le réchauffement, on peut approximer
que la température moyenne devrait
augmenter d'au moins encore 1 degré.
Cela devrait à terme de cent ans, rapprocher
du seuil limite d'augmentation, estimé
à 3,5 degrés. Or aucun homme
n'a jamais vécu sur une Terre plus
chaude de 3,5 degrés, par rapport aux
températures actuelles.
Pas
de commentaires
2.
A quelle vitesse ce processus va-t-il se dérouler
?
L'inertie
thermique de la planète est telle qu'on
constate un décalage de quarante ans
entre la modification de la composition chimique
atmosphérique, et le ressenti de ses
effets sur les températures moyennes.
A ce jour, nous avons été protégés
de certains de ces effets par la fonte des
glaciers et du permafrost dans l'Arctique
et l'Antarctique, et la capacité de
l'océan à absorber la chaleur.
Certains scientifiques annoncent qu'il faudra
sans doute près de cinq mille ans pour
que les glaces disparaissent, mais les modes
de refroidissement des glaciers ne sont pas
bien compris, notamment concernant leur rapidité
a relâcher des icebergs, qui dérivent
alors vers des eaux plus chaudes et y fondent
rapidement.
La
plus grande surprise de ces dernières
années a été le taux
de libération du méthane auparavant
emprisonné dans l'Arctique. Il s'agit
de ce que l'on a nommé le clathrate
gun, qui pourrait relâcher jusqu'à
cinquante gigatonnes de méthane en
quelques décades. Le méthane
est un gaz à effet de serre considérablement
plus puissant que le CO2. La quantité
de méthane concentrée dans les
clathrates est suffisante pour dépasser
par un facteur pouvant aller de 4 à
40 le potentiel de réchauffement climatique
généré par toutes les
énergies fossiles brulées à
ce jour.
En
voyant de telles données, certains
chercheurs ont émis l'hypothèse
d'une extinction humaine imminente. Les estimations
varient, mais, de manière générale,
si le clathrate gun a vraiment été
déclenché, alors les humains
ne devraient prévoir d'être présents
après la seconde moitié du présent
siècle.
Dans
l'intervalle cependant, la surpopulation humaine
actuelle aura laissé la place à
des mortalités massives. La surpopulation
est actuellement rendue possible par l'utilisation
des énergies fossiles. Une fois cette
utilisation ralentie, la population humaine
s'effondrera. Il faudra compter par exemple
avec la mort par coups de chaleur des citadins
accumulées dans les mégapoles
que l'on pourra plus climatiser en été.
Notre
commentaire
Concernant
les mortalités, on peut prévoir
que la plupart ne se produiront pas pacifiquement,
si l'on peut dire. Elles résulteront
de guerres pour la survie opposant les populations
les premières atteintes à celles
disposant encore de ressources naturelles
et technologiques ou de climats plus protecteurs.
Concernant
par ailleurs la vitesse de survenance des
grandes catastrophes, il faut préciser
que l'incertitude la plus grande demeure.
Elles peuvent se dérouler sur un siècle
ou un peu plus, laissant le temps aux populations
les plus riches de s'adapter. Elles peuvent
aussi atteindre ce que les scientifiques nomment
un effet de non retour auto-entretenu et auto-accélérée.
En ce cas, le point à ne pas dépasser
pourrait survenir en quelques années,
ne laissant aucun répit permettant
l'adaptation.
3.
Où survivre le plus longtemps possible?
Ce
sera dans la partie nord de l'Eurasie et du
Canada. Mais là l'encombrement sera
maximum.
Notre
commentaire final
Sans
être garanties à 100%, comme
peut l'être par exemple la prévision
d'une éclipses, ces anticipations de
Dmitry Orlov devraient être prises le
plus au sérieux possibles par ceux
qui prétendent décider de l'avenir
du monde. Or comme souvent constaté,
ceux-ci sont incapables de le faire.
Cet
aveuglement ne relève pas seulement,
peut-on penser, de motifs liés à
la protection des avantages acquis. Il relève
de causes plus profondes, de type biologique.
Nous avons plusieurs fois ici signalé
les hypothèses selon lesquelles le
cerveau humain est incapable de prévoir
concrètement au delà d'un temps
très limitée. A supposer que
le cortex puisse le faire, il se heurte à
des réflexes génétiquement
déterminés et impossibles à
modifier faisant qu'un groupe donné,
menacé par la concurrence avec un autre
groupe, préfèrera mourir que
négocier avec ce dernier.
Pour
notre part, personnellement, nous avons défendu
la thèse selon laquelle ce ne sont
pas les humains tels qu'ils sont couramment
envisagés qui décident du sort
du monde, mais des systèmes que nous
avons nommé anthropotechniques, lesquels
sont en concurrence darwinienne pour la domination.
Or la composante technique de tels systèmes,
contrairement à leur composante anthropologique,
paraît pour le moment encore inaccessible
au simple bon sens. C'est ainsi pour reprendre
un propos de Dmitry Orlov, que les forces
technologiques réagissant plus vite
que leurs composantes anthropologiques s'investissent,
non pas dans la lutte contre la protection
de la planète, mais dans la recherche
de solutions dites d'ingénierie climatique
qui ne feront à terme qu'aggraver le
mal.
Sources
à consulter
*
L'article
original de Dmitry Orlov
*
Wikipedia Dmitry Orlov
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