Article.
« Fais travailler
ta matière blanche »
Jean-Paul
Baquiast 03/03/2015

Quand
un professeur veut inciter un élève
à résoudre un problème,
il lui enjoint de faire travailler sa matière
grise.
Dorénavant, il devra lui recommander
aussi de faire travailler sa matière
blanche. Ceci veut dire que si l'élève
voulait devenir plus intelligent, c'est-à-dire
résoudre davantage de problèmes,
il devrait non seulement renforcer la matière
grise de son cerveau, mais également
la matière blanche.
La
matière grise est constituée
principalement des neurones et de leurs axones
qui, via les synapses, transmettent à
travers le système nerveux central
les potentiels électriques générés
par les activités sensorielles, motrices
et associatives des porteurs du cerveau. Plus
ces neurones sont sollicités, y compris
à un âge avancé, mieux
ils se renforcent et plus ils améliorent
les capacités sensori-motrices et cognitives
des individus concernés. Mais des études
récentes ont montré que, plus
les individus sont soumis à des entrainements
sensoriels, moteurs et cognitifs, plus les
astrocytes 1), qui sont les cellules spécialisées
constituant la matière blanche, se
multiplient également et se renforcent.
Les
astrocytes sont des cellules en forme d'étoile
dont les bras enveloppent les neurones en
produisant une matière isolante dite
la myéline. On les désigne aussi
par le terme d'oligodentrocytes. La myéline,
comme tout isolant appliqué à
un conducteur électrique, permet la
conservation du signal en évitant qu'il
ne se disperse dans les milieux traversés.
Les astrocytes ne jouent pas seulement un
rôle d'isolant. Ils peuvent aussi assurer
une certaine forme de communication, en libérant
des neurotransmetteurs dit gliotransmetteurs.
Certaines catégories d'astrocytes enfin
servent de cellules souches à partir
desquelles sont générés
de nouveaux neurones permettant le renouvellement
de la matière grise, y compris chez
les individus âgés.
On
voit donc l'intérêt de disposer
de matière blanche en bon état,
se renforçant éventuellement
pour faire face à de nouvelles sollicitations.
Mais peut-on aider le cerveau à disposer
d'une matière blanche plus efficace?
Des études récentes, conduites
par Heidi Johansen Berg, Université
d'Oxford, initialement chez le rat, puis chez
des patients volontaires, ont montré
que l'exercice physique et intellectuel accroissait
le taux de myéline, et par conséquent
les performances du cerveau 2). Depuis d'autres
études laissent à penser que
la circulation dans le sang de complexes protéiques
dits exosomes 3) peut stimuler la production
de myéline. Or cette circulation est
elle-aussi accélérée
par l'exercice.
Il
n'est pas impossible par ailleurs d'espérer
améliorer l'état de malades
atteints de Sclérose Multiple ou d'Alzheimer,
chez qui l'exercice est difficile, en les
traitant à partir d'exosomes provenant
de donneurs volontaires sains. Il n'existe
pas aujourd'hui de drogue miracle pouvant
se substituer à ces méthodes.
On voit que, longtemps assoupies, les études
sur l'organisation et le rôle de la
matière blanche sont aujourd'hui en
plein renouveau. 4)
Notes
1)
Astrocyte.
Wikipedia
2) Article Nature
Training induces changes in white-matter architecture
(accès payant)
Voir aussi Lubetzki et al Signaux
axonaux et myélinogenèse dans
le système nerveux central (français)
3) Exosome. Wikipedia
4) Sur l'ensemble de la question, voir NewScientist
21 février 2015, p. 32
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