Retour
au sommaire
Editorial
La
montre connectée d'Apple. Et si Apple
payait ses impôts ?
Jean-Paul
Baquiast et Christophe Jacquemin - 11/03/2015
Apple
espère rencontrer un nouveau succès
"planétaire" avec sa montre
connectée, l'Apple Watch, qui sera
disponible en neuf pays, dont la France, fin
avril prochain.
Les versions en ont été annoncées,
de même que les prix et l'autonomie.
Ne nous faisons pas ici les porte-paroles
de la firme. Disons que ces prix, selon les
versions, iront de 400 à 15.000 euros,
auxquels devront s'ajouter les taxes payées
par l'acheteur, variables selon les pays.
Quant à l'autonomie, nous y reviendrons
ci-dessous
Comme
chacun devrait le savoir dorénavant,
sur les sommes ainsi perçues, Apple
ne paiera que des montants d'impôts
ridicules, ceci du fait de la non-harmonisation
des réglementations fiscales en ce
monde. Grâce à cette évasion
fiscale, la firme a pu annoncer en 2014 un
bénéfice annuel de 39, 5 milliards
de dollars de bénéfices. Ce
chiffre est à comparer aux 3 milliards
d'euros nécessaires cette année
à la France pour s'acquitter de ses
obligations à l'égard de Bruxelles,
à comparer aussi aux 30 milliards demandés
à la Grèce.
Foire
mondiale aux esbrouffes ?
On
dira que ce bénéfice record
est principalement dû à l'engouement
des acheteurs pour l'iPhone. Mais il y a tout
lieu de penser que ledit engouement résulte
en grande partie des habiles campagnes de
communication d'Apple. Le moindre utilisateur
un peu averti connaît au moins une demi-douzaine
d'appareils moins chers rendant des services
équivalents. Il y a tout lieu de penser
que de la même façon, malgré
la crise, un grand nombre d'acheteurs vont
se précipiter sur l'Apple Watch, sans
se demander un instant si le prix payé
correspond à un service véritablement
utile, que des montres banales d'ailleurs
ne rendraient pas.
Certes,
disent les responsables du marketing d'Apple,
la Watch donne lheure à travers
des cadrans numériques personnalisables.
Elle permet denvoyer des messages, de
lire ses courriels, de prendre des appels
téléphoniques. Mais le tout
se fait par une liaison sans fil avec un smartphone
qui doit nécessairement être
un iPhone. De même la montre permet
un suivi dactivité grâce
à un détecteur de rythme cardiaque,
un accéléromètre et la
synchronisation avec le GPS du smartphone.
Il
s'agit de fonctionnalités sur l'utilité
desqueleles l'honnête travailleur ayant
peu de temps à consacrer au suivi des
paramètres de sa petite personne devrait
s'interroger. De plus, elles sont proposées
par diverses montres connectées déjà
sur le marché, à des prix moindres.
Mais Apple ne vise pas nécessairement
le seul honnête travailleur acheteur
du modèle à 400 euros, il vise
à attirer ceux, sans doute moins "plan-plan",
qui considèrent avoir manqué
leur vie si à 50 ans ils ne possèdent
pas une Rollex. Le modèle dit "haut
de gamme" sera doté dun
boîtier en or 18 carats. Où et
à quels prix, demandons-nous en passant,
Apple achètera-t-il l'or nécessaire?
Donner
l'heure
Concernant
cependant la fonction attendue d'une montre,
c'est-à-dire donner l'heure et éventuellement
la date, ce que fait le moindre produit à
50 euros (voire moins) doté d'une pile
ne nécessitant d'être changée
que tous les deux ans, l'Apple Watch bat tous
les records de ridicule. Son autonomie est
d'environ 18 heures. Comme quoi l'utilisateur
devra transporter avec lui non seulement sa
montre mais un dispositif de recharge, aussi
laid qu'encombrant.
Certes, Apple fait valoir que de nombreuses
start-up(s) développeront des applications
plus utiles les unes que les autres permettant
de justifier l'achat de la montre. Mais combien
d'entre elles intéresseront le public
? Il suffit de voir les invendus, encombrant
déjà l'Apple Store, pour en
avoir une petite idée.
La
plupart des clients qui font vivre les sociétés
de consommation auxquelles nous appartenons
ne se demanderont pas pourquoi ces mêmes
sociétés reposent, au niveau
mondial, sur le pouvoir que se sont attribué
les 5% d'individus et organismes qui détiennent
l'essentiel des richesses du monde : n'est-ce
pas en partie du fait de nos comportements
moutonniers sinon serviles à l'égard
de ces hiérarchies dominantes et des
"valeurs" qu'elles défendent
?
Sans
aborder ce vaste problème ici, bornons-nous
à dire que - pour notre part - nous
n'avons pas l'intention d'acheter la moindre
Apple Watch, comme nous n'avions pas l'intention
d'acheter la moindre Google Glass.
L'Appel
Watch et la santé
SIgnalons
qu'Apple, en même temps que l'Apple
Watch, a lancé ResearchKit,
un logiciel qui actuellement opère
sur l'iPhone et pourra utiliser les données
recueillies par la Watch. Ceci permettra aux
porteurs de la montre de participer, via des
applications adéquates, à des
études portant initialement sur les
fréquences cardiaques, les effets de
l'exercice physique et du repos ou ceux du
stress.
D'autres
données permettront par exemple de
géolocaliser les différents
profils de santé, afin d'en tirer des
indicateurs portant sur les besoins et les
ressources destinés aux responsables
des politiques de santé (ou aux entreprises
faisant métier de vendre des produits
et activités de santé). Apple
s'engage à confidentialiser les données
individuelles recueillies, afin notamment
de ne pas diffuser des éléments
intéressant des personnes identifiables.
D'ores
et déjà Apple a mis en place
un réseau permettant aux centaines
de millions d'utilisateurs de ses produits
actuels d'alimenter en données personnelles
des instituts de recherche répartis
dans le monde, de l'Université d'Oxford
à l'hôpital Xuanwu de Pékin.
Les sujets de recherche sont la maladie de
Parkinson, le diabète, l'asthme, les
cancers du sein et diverses maladies cardiaques.
On conçoit que la transmission quasi
automatiques de ces données de santé
aux instituts de recherche est bien plus efficace
et moins coûteuses que les méthodes
traditionnelles d'enquête.
Dans
un domaine différent, le système
dit Apple Pay permettra aux porteurs
d'iPhone, et sans doute aussi d' Apple Watch,
d'accomplir où qu'ils se trouvent des
opérations de paiement. Tout ceci est
bel et bon, mais il faut se rendre compte
qu'Apple, comme d'autres multinationales américaines
analogues, sont en train d'organiser un monde
numérique global où les individus
n'auront pas plus d'indépendance que
n'en ont les cellules individuelles de notre
corps. Un monde également dont leurs
responsables sont seuls à définir
les spécifications.
Retour
au sommaire