Editorial
La
Bête de l'Apocalypse, selon Pierre Jovanovic
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
- 02/01/2015
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La Bête à dix cornes et sept
têtes
Pierre
Jovanovic est un homme étrange. Il
a beaucoup écrit, mais dans des domaines
très éloignés de ceux
qui sont les nôtres ici : la Bible,
l'Apocalypse, les démons, les anges.
Il y fait preuve d'une culture considérable
concernant l'histoire des grands mythes chrétiens,
comme les méandres de la Papauté
actuelle. Croyant lui-même, il rencontre
un grand succès auprès de ceux
qui s'intéressent, à tort ou
à raison, à l'influence des
forces occultes sur le monde actuel. Les athées,
tout en admirant sa vaste culture, ont pour
beaucoup été prompts à
le classer parmi les conspirationnistes
étant entendu que le conspirationnisme
se manifeste dans toutes les sociétés
et au sein de toutes les forces politiques.
Le terme est souvent utilisé pour déconsidérer
ceux qui ont suffisamment de sens critique
pour ne pas accepter les propagandes officielles
et qui voient ainsi avant les autres les réalités
profondes de la vie politique.
Pierre
Jovanovic a pour nous un autre mérite
: sa culture économique est considérable,
notamment en ce qui concerne l'histoire de
la finance. Il s'inspire de documents officiels
souvent jusqu'ici peu connus ou dissimulés.
Il a par ailleurs toujours refusé les
mots d'ordre de ce que l'on nomme les atlantistes,
c'est-à-dire les Européens qui
oubliant leurs valeurs se sont fait les "laquais"
(comme l'on disait jadis à l'Huma),
depuis la Seconde guerre mondiale, de la superpuissance
américaine. Ces laquais sont aujourd'hui
plus agressifs que jamais, en refusant d'admettre
l'accumulation des catastrophes que provoquent
les conflits initialisés par Washington,
ceci dans le monde entier.
Aujourd'hui, notamment en France, dans le
cas de l'offensive multiforme menée
par l'Amérique contre la Russie, les
atlantistes semblent avoir totalement subverti
les hommes politiques, les médias et
une large partie de l'opinion. La Russie est
plus que jamais l'ennemie, l'Amérique
et son dollar les alliés.
Or
le dernier livre de Pierre Jovanovic, 666
(éditions Le jardin des livres 2014),
apporte des éléments de preuve
généralement inconnus du grand
public, montrant comment depuis des décennie
la conjonction de la diplomatie américaine,
de la CIA et des grands banquiers de Wall
Street a mis le reste du monde sous tutelle.
Beaucoup, dont nous sommes, le disent et le
répètent, mais semble-t-il un
peu dans le désert...
Les démonstrations concrètes
fournies par "666" devraient suffire
à emporter la conviction de tous les
citoyens qui, en Europe, ne sont pas sous
le contrôle de ce que nous nommons pour
notre part "la diplomatie du dollar et
des services secrets".
Avec cet ouvrage, et même sans connaître
les références bibliques, le
lecteur pourra se convaincre que la nouvelle
Bête de l'Apocalypse menaçant
le monde entier avec ses sept têtes,
est effectivement le système monétaire
international reposant sur le dollar. Sytème
imposé aujourd'hui par l'Amérique
au monde entier, y compris à ce jour
à la Chine et à la Russie, malgré
tous leurs efforts pour s'en défaire.
L'or
s'efface au profit de la monnaie de singe
A
la suite du coup de force imposé par
Richard Nixon le 15 août 1971, toutes
les références à l'or
ont été exclues par les banques
centrales nationales, y compris aujourd'hui
la Banque centrale européenne en ce
qui concerne l'euro. Il faut se souvenir qu'en
1944, les accords de Bretton Woods avaient
mis en place un système de changes
fixes entre les monnaies et lor ou le
dollar, la clé de voûte du système
étant la possibilité de convertir
selon une parité fixe le dollar en
or (35$ lonce dor).
Cependant, à partir des années
1960, ce système a été
progressivement combattu par les Etats-Unis,
compte tenu de leur déficit extérieur.
Dans la suite de l'explosion de leurs dépenses
militaires, ils importaient plus quils
nexportaient et devaient financer la
différence par création de dollar.
Les réserves dor de la Fed (la
banque centrale des États-Unis) se
révélèrent vite insuffisantes
pour garantir une conversion des dollars en
respectant la parité officielle.
Sous
la pression de Wall Street, le président
Richard Nixon a donc décidé
en 1971 de suspendre la convertibilité
en or du dollar, puis de le dévaluer
à plusieurs reprises. En mars
1973, une nouvelle crise des changes a conduit
au flottement généralisé
des monnaies : la plupart des monnaies
ont des taux de change "flottants"
qui varient au jour le jour. En 1976, les
accords de la Jamaïque ont entériné
cet état de fait et labandon
de toute référence à lor
dans le système monétaire international.
C'était le dollar qui devenait de facto
l'unité de change internationale.
Le
plus grand hold-up du monde
Dès
cette époque, ce coup de force a rendu
possible la réalisation de ce que Pierre
Jovanovic qualifie à juste titre de
"plus grand hold up du monde". En
faisant fonctionner la planche à billet,
la Fed - maîtresse du dollar - pouvait
fournir aux Américains toutes les devises
dont ils avaient besoin pour mener leur expansion
militaire et économique, achats de
matières premières et d'entreprises.
Dans un système ouvert, les autres
pays, disposant de leurs propres réserves
en or et en devises nationales, auraient pu
refuser les dollars ainsi créés.
Mais étant eux-mêmes assujettis
au dollar et ne pouvant en créer pour
leur propre compte, ils étaient obligés
d'accepter les dollars américains et
les politiques économiques et diplomatiques
menées par l'Amérique s'ils
voulaient commercer entre eux ou avec les
Etats-Unis .
Aujourd'hui
le même hold-up se poursuit et s'amplifie.
Alors
que tous les Etats du monde se saignent pour
rembourser leurs dettes, souscrites en dollars
et auprès d'établissements financiers
tous américain, Washington, qui lui
aussi croule sous les dettes, n'a pas de soucis
à se faire. Comme l'a montré
la dernière crise financière,
il suffit que le Président ordonne
à la Fed d'émettre les billions
de dollars (quantitative easing) nécessaires
au paiement de ces dettes. Tous les producteurs
de richesses du monde, en Chine notamment,
se précipitent pour acheter les bons
du trésor fédéraux et
soutenir ainsi la suprématie américaine,
n'ayant pas la possibilité d'épargner
au plan international avec leurs propres monnaies.
Pourquoi
les gouvernements de ces pays ne se rebellent-ils
pas, en refusant par exemple d'acheter des
US Bonds voire d'honorer leurs propres dettes
?
Sur ce point, Pierre Jovanovic apporte la
seule réponse qui s'impose, réponse
encore pudiquement ignorée par les
analystes financiers : c'est parce que ces
gouvernements sont contraints de le faire,
sous la pression des moyens militaires de
l'US Army en ce qui concerne les petits Etats,
et sous celle des milliers d'agents de la
CIA qui opèrent dans les plus grands
Etats, notamment en Europe, et notamment en
France, pour s'assurer que les dirigeants
de ces Etats marchent droit.
Dans
le cas contrarire, la CIA suscitera les troubles
politiques qui emporteront les récalcitrants
(regime change). Jovanovic n'hésite
pas à reprendre ainsi la rumeur selon
laquelle en France, Mai 68 avait été
organisé pour provoquer le départ
de De Gaulle, le seul grand dirigeant européen
qui avait le courage de s'opposer à
l'Amérique. Ceux d'entre nous, suffisamment
âgés pour cela, qui se souviennent
avoir manifesté sur les barricades
de mai, ne s'imaginaient pas alors qu'ils
faisaient le jeu de la CIA.
Le
Brics ?
Comment
sortir de la domination du dollar afin de
s'affranchir de la domination américaine
?
Ceci suppose de se regrouper pour devenir
suffisamment forts à l'échelle
du monde. C'est ce que tentent actuellement
de réaliser les dirigeants du Brics
en mettant en place une monnaie commune qui
ne serait plus le dollar (dédollarisation),
mais un fonds monétaire Brics et une
banque mondiale Brics, de grands programmes
d'investissements productifs Brics destinés
à assurer leur développement.
Pierre
Jovanovic n'aborde malheureusement pas cette
perspective dans son livre.
Souhaitons
qu'il le fasse dans un prochain ouvrage, avec
les éclairages particuliers qui sont
les siens. Pour notre compte, quel que soit
l'appui que nous pourrons apporter à
ces projets du Brics, rien ne nous permet
encore d'affirmer qu'ils viendront à
bout de la "Bête de l'Apocalypse".
La
Bête a suffisamment d'audace criminelle
pour provoquer une guerre mondiale qui serait
la fin de ses adversaires. La sienne propre
sans doute dans le même mouvement.
Mais
la Bête blessée préférera
sans doute périr elle aussi plutôt
que céder un pouce de l'emprise qu'elle
s'est donnée sur les corps et les consciences...
*
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