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Sciences,
technologies et politique. World
Economic Forum de Davos. Dits et non-dits
Jean-Paul Baquiast 20/01/2015
La
rencontre à Davos (21 au 24 janvier
2015) des « leaders politiques et économiques
du monde » comme ils se qualifient eux-mêmes,
autrement dit le World Economic Forum s'est
donné comme thème principal
l'étude des risques globaux émergents
menaçant l'humanité dans les
10 à 30 prochaines années. Ce
travail est intéressant, mais va-t-il
bien au fond des choses?
Parmi ces risques, les rapporteurs, après
les risques économiques qui continueront
à mettre le monde en danger dans les
10 prochaines années, mentionnent en
premier lieu deux défis, l'un posé
par l'environnement et l'autre par les nouvelles
technologies.
Concernant
l'environnement, le rapport rappelle que de
précédents avertissements n'ont
pas été suivis de prise de décision
adéquates. Le danger majeur viendra
de la raréfaction des sources d'eau
douce. Cette raréfaction deviendra
si générale que des restrictions
d'usage, volontaires ou non, s'imposeront
à de très grandes échelles.
Il en résultera des conflits de plus
en plus violents pour l'accès aux ressources.
La pénurie découlera d'une part
du réchauffement climatique, mais d'autre
part aussi des besoins de populations s'entassant
dans des mégacités, prenant
parfois la forme d'immenses bidonvilles ne
disposant pas d'infrastructures adéquates.
Un
autre risque environnemental découlera
de l'apparition de pandémies à
forte contagiosité et difficiles à
contenir par les moyens médicaux disponibles.
Le cas de la fièvre Ebola, non encore
maîtrisée à ce jour, se
renouvellera certainement. Le manque d'eau
et de moyens d'évacuation des déchets,
combiné avec de fortes densités
de populations, offrent en effet aux virus
et bactéries d'excellents terrains
pour muter et se propager rapidement. .
Le
développement de nouvelles technologies
représentera, aux yeux des rapporteurs,
un second risque majeur, peu soupçonné
dans le court terme mais qui pourrait prendre
des conséquences catastrophiques dans
les prochaines décennies. Les laboratoires
universitaires comme les centres de recherche
industriels s'intéressent de plus en
plus à la biologie synthétique,
aux nanotechnologies et à l'intelligence
artificielle. Mais ils n'envisagent pas assez
les dangers qui en résulteront, résultant
soit d'erreurs, soit de détournements
terroristes (error and terror). Le rythme
du développement s'accélère
en permanence, et les gouvernements se montrent
incapables d'en prendre conscience, comme
à terme de mettre en place des mesures
protectrices.
Les
maîtres du monde
Nos
lecteurs connaissent bien ces problématiques.
Aussi ils s'étonneront (ou ne s'étonneront
pas) du fait qu'à Davos se retrouvent
les principaux représentants des centres
de décisions poussant à l'extension
de ces risques. Un énième avertissement
ne les empêchera pas de poursuivre intrépidement
les recherches scientifiques civiles et surtout
militaires qu'ils financent, non plus que
la commercialisation fortement soutenue par
la publicité, de produits de plus en
plus nombreux dangereux pour l'environnement
ou pour la santé.
Quant
aux risques pouvant résulter de la
mise en place de cerveaux artificiels
globaux contrôlant les cerveaux humains,
la présence à Davos de firmes
comme Google ou les starts-up en intelligence
artificielle travaillant pour Google comme
pour l'armée américaine ne garantit
pas, au contraire, que des mesures d'évaluation
et le cas échéant d'interdictions
soient jamais décidées.
Plus
grave, un autre risque n'est pas évoqué
à Davos. Il s'agit des inégalités.
Le rapport de l'ONG Oxfam, qui vient d'être
publié concomitamment avec l'ouverture
du Forum de Davos, montre qu'elles ne cessent
de s'accroitre. Même si certaines des
statistiques utilisées par Oxfam peuvent
être contestées, le fait global
est reconnu par tous. Les 1% les plus riches
de la population vont détenir 50% de
la richesse mondiale, soit plus que les 99%
autres réunis. Autrement dit, 85 personnes
détiennent plus que 3,5 milliards d'autres.
Ce
que ne précise pas assez Oxfam, c'est
que les bénéficiaires de ces
inégalités ne se bornent pas
à en tirer des niveaux de vie scandaleusement
gaspilleurs, mais un pouvoir sur le monde.
Très lié aux intérêts
financiers internationaux, dont une grande
partie des ressources provient de la fuite
devant les taxes et règlements imposées
par les Etats, ce 1% recrute la minorité
de décideurs qui tiennent en main le
monde et son avenir. On parle à juste
titre des « maitres du monde ».
Le terme est souvent employé à
Davos, mais plutôt sur le mode de la
plaisanterie entre initiés. Il correspond
à une réalité dont nul,
s'il n'est pas initié, ne peut deviner
et moins encore comprendre les arcanes.
C'est
évidement autour de Wall Street que
se trouvent les principaux leviers de commande,
mais les « deux cent familles »
ou plutôt les 85 familles (pour reprendre
le terme utilisé par le Front populaire
français en 1936) ne s'enferment pas
à Wall Street. Elles se donnent les
moyens de contrôler tous les centres
mondiaux de décision, comme l'ont montré
récemment les comportements que seuls
les naïfs ont trouvé surprenants,
de la banque nationale suisse ou de la banque
de Moscou.
Source
Le
Rapport préparatoire est disponible
à l'adresse http://reports.weforum.org/global-risks-2015/
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