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Article.
Nouvelles théories sur
l'évolution.
Du post-génétique au post-biologique
Jean-Paul Baquiast 31/12/2014
Vous
pouvez réagir à cet article sur notre blog Philoscience
http://philoscience.over-blog.com/2014/12/nouvelles-theories-sur-l-evolution-du-post-genetique-au-post-biologique.html
Nous avons
sur ce site essayé d'informer le plus fidèlement
possible nos lecteurs sur ce qu'il faut bien nommer l'évolution
des théories sur l'évolution. Tout évolue
dans le cosmos tel qu'il est connu aujourd'hui. Mais c'est
l'évolution de la vie, phénomène jusqu'à
ce jour uniquement observé sur Terre, qui a toujours
retenu l'attention, tant des scientifiques que du grand public.
D'innombrables écrits religieux, venant des grandes
religions monothéistes, catholicisme et islam notamment,
affirment, évidemment sans preuves aucunes, que le
vivant a été créé par Dieu sous
les formes qu'il manifeste aujourd'hui. L'idée que
le vivant évolue serait donc à rejeter comme
contraire aux Ecritures. Sans mentionner le monde musulman,
particulièrement opposé à toute hypothèse
concernant l'évolution de la vie, une grande majorité
de croyants relevant du catholicisme ou du protestantisme
évangélique, aux Etats-Unis mêmes, considèrent
que la vie a été créée très
récemment et n'a pas évolué ou
très peu - depuis lors. Il s'agit du Créationnisme
qui, curieusement, dans une Europe réputée plus
cartésienne que l'Amérique, progresse actuellement
sur le Continent.
Aujourd'hui, dans le monde scientifique, où nul ne
nie évidemment le phénomène général
qu'est l'évolution de la vie, ce fut depuis Darwin
la théorie dite de l'évolutionnisme darwinien
qui a été très généralement
admise. Mais le darwinisme initial a lui-même évolué
depuis ses origines dans la seconde moitié du 19e siècle.
Le modèle initial de Darwin reposait sur une constatation,
généralement partagée par tous les naturalistes
et les éleveurs, que les espèces vivantes évoluent
sur le mode transmission héréditaire, introduction
de variations accidentelles, mise en concurrence des nouvelles
espèces en résultant avec les anciennes et sélection(survie)
des plus aptes à s'adapter au sein d'un milieu naturel
lui-même changeant. Mais Darwin n'avait pas, compte
tenu des connaissances de son époque, put expliquer
les causes biologiques de ce phénomène général.
La théorie synthétique
de l'évolution
Ce furent, à la suite des travaux de Mendel, ceux que
nous appellerons pour simplifier les généticiens,
qui ont mis en évidences les facteurs permettant la
transmission des caractères, mais aussi les mutations
affectant ces facteurs, et les sélections en résultant.
Ces facteurs sont les gènes, identifiables au sein
des ADN cellulaires. La théorie génétique
de l'évolution a été nommée le
modèle néo-darwinien ou théorie synthétique
de lévolution. Elle s'est construite entre 1940
et 1960 mais elle na cessé de se complexifier
depuis compte tenu des progrès dans la connaissance
des phénomènes intimes du vivant, notamment
la biologie moléculaire.
Un grand nombre de travaux ont permis dans la seconde moitié
du 20e siècle de préciser les modalités
de l'hérédité, des mutations et plus
généralement du rôle du génome
dans la synthétisation des millions de protéines
(ou protéome) à partir desquelles se construisent
dès l'apparition de l'oeuf fécondé les
différents organismes, avec leurs spécificités.
Au niveau de l'évolution des espèces, la génétique
dite des populations étudie la distribution et des
changements de la fréquence des versions d'un gène
(ou allèle) dans les populations d'êtres vivants,
sous l'influence des pressions évolutives . On
a pu mettre en évidence outre les mutations et la sélection
naturelle, des mécanismes dits de dérive génétique,
de recombinaison (recombination) et de migration expliquant
les variations entre espèces.
Fin du déterminisme génétique.
L'ontophylogenèse.
A partir
des années 1970-1980, cependant un nombre croissant
de biologistes se sont insurgés contre les abus de
ce qui a été nommé le tout génétique.
ou déterminisme génétique. Ils ont montré
que des relations complexes s'établissaient entre les
espèces et entre celles-ci et l'environnement, sans
dans un premier temps affecter le génome. Un des pionniers
de cette approche fut en France le biologiste Jean-Jacques
Kupiec, dont nous avons présenté les recherches
en leur temps 1)
Comme rappelé ci-dessus, la très grande majorité
des biologistes évolutionnaires dinspiration
naturaliste (ou matérialiste) admet aujourdhui
que la formation des espèces, cest-à-dire
la phylogenèse, nécessite pour être comprise
de faire appel au darwinisme. Celui-ci peut être résumé
au principe de lévolution sur le mode variation
au hasard/sélection/amplification, Par contre, en ce
qui concerne la formation des individus à lintérieur
des espèces (ontogenèse), la très grande
majorité des biologistes estimait jusquà
ces dernières années que cétait
le programme génétique transmis par lintermédiaire
de lADN reproductif qui déterminait la séquence
dapparition des différents organes de lembryon.
Son influence se prolongeait tout au long de la vie.
Les gènes,
dans l'acception qu'en donnaient les défenseurs du
« tout génétique », définissaient
donc dès avant la naissance les propriétés
et aptitudes de lindividu. La biologie moléculaire
sétait efforcée de montrer quil
sagissait de processus rigoureux, déterministe,
excluant donc, sauf accidents, le hasard. Le terme même
de programme génétique, faisant penser à
un programme informatique et à des informations numériques,
faisait illusion. En aucun cas pourtant, il ne s'agit d'algorithmes
s'appliquant par oui ou par non. Si bien que des individus
issus d'un même génome (tels les jumeaux vrais)
peuvent être différents.
Certes, il était vite apparu aux biologistes moléculaires
que les gènes nintervenaient pas directement
dans la fabrication de lembryon. Des médiateurs
protéiques spécifiques faisaient le relais entre
le gène ou les gènes supposés contribuer
à la formation de lorganisme et les cellules
directement concernées par lordre dapparition
et larchitecture des organes. Mais il s'agissait dans
leur esprit d'un mécanisme, totalement déterministe,
excluant toute variation aléatoire. sinon par accidents.
Une propriété qui avait été nommée
la stéréospécificité permettait
dexpliquer comment les protéines synthétisées
(et repliées) sous linfluence des gènes
ne pouvaient correspondre quà un et à
un seul type dorganite infracellulaire ou de cellule.
Limage popularisée alors fut celle de la clef
qui ne peut ouvrir quune seule serrure.
En ce qui concerne lontogenèse, c'est-à-dire
la formation desindivids, létude plus précise
du rôle des gènes avait montré que lintervention
des gènes et des protéines dont ils provoquaient
la synthèse était bien plus complexe que celle
résumée par le concept « un gène,
un caractère ». Des gènes dits régulateurs
avaient été identifiées. Le protéome
ou catalogue des protéines impliquées dans la
reproduction s'est révélé par ailleurs
infiniment plus riche que le catalogue des gènes propres
à chaque espèce. La stéréospécificité
apparut alors comme loin dêtre systématique,
le même morceau dADN pouvant diriger lassemblage
de protéines différentes, dont lune seulement
intervenait dans la suite de lembryogenèse.
Par ailleurs, il nétait plus niable que dès
sa formation, lembryon était soumis aux contraintes
du milieu, notamment du milieu social dit aussi milieu culturel.
Le milieu influe de façon plus ou moins importante
sur le développement de lindividu, selon des
modalités étudiées dans le cadre dune
approche devenue depuis systématique, lépigénétique.
En ce qui concerne lévolution des génomes,
il était apparu parallèlement que des phénomènes
difficiles à considérer comme de simples mutations
aléatoires pouvaient contribuer efficacement à
la formation de nouvelles espèces ou à des modifications
du génome à lintérieur despèces
existantes. Citons par exemple le transfert horizontal de
gènes (très répandu, et pas seulement
chez les bactéries) ou, à une autre échelle,
la sélection de groupe présentée comme
agissant sur lADN non dun individu isolé
mais de nombreux individus au sein dun groupe soumis
à une pression sélective. Il sagissait
en quelque sorte de mutations orientées. Jean-Jacques
Kupiec a démontré le fonctionnement probabiliste
des gènes et le caractère également probabiliste
des interactions entre protéines synthétisées
par ces gènes au cours de lontogenèse.
Il a nommé cette théorie l'ontophylogenèse.
La théorie étendue
de l'évolution, ou synthèse étendue
Dans
la ligne des travaux étudiant les relations complexes
entre ontogenèse et phylogenèse, de nombreuses
recherches ont été menées depuis le début
du présent siècle. Nous avons le plus fidèlement
possible relaté les résultats de celles-ci dès
qu'elles faisaient l'objet de publication. Un livre récent
en propose une liste assortie de commentaires détaillés.
Il s'agit de Evolution - the Extended Synthesis, par
Massimo Pigliucci et Gerd Müller. 2)
Les auteurs, qui ont été choisis principalement
parmi des biologistes, montrent que depuis le livre fondateur
de Julian Huxley's Evolution: The Modern Synthesis, des
progrès considérables ont été
faits, tant dans le domaine de la biologie proprement dit
que dans celui des développements théoriques
pouvant en être déduits. En conséquence,
les théories de l'évolution incluent aujourd'hui
des domaines de recherche qui étaient insoupçonnés
des auteurs de la théorie synthétique de l'évolution.
Pour un petit nombre de ces auteurs, les nouvelles recherches
ne remettent pas fondamentalement en cause les bases de la
théorie synthétique. Pour la plupart au contraire,
elles obligent à les redéfinir radicalement.
Ils aboutissent ainsi à ce qui a été
nommé dans le titre du livre une nouvelle Synthèse
intéressant l'évolution, qualifiée de
Synthèse Etendue. Il ne s'agit pas, comme certains
polémistes le disent volontiers (pour qui le darwinisme
reste une bête noire), d'affirmer que désormais
Darwin est démenti. En effet, comme précédemment
avec la théorie synthétique de l'évolution,
les postulats fondamentaux posés par Darwin ne sont
pas modifiés, mais ils sont considérablement
enrichis et étendus. Il est bien dans la logique de
la science matérialiste de procéder ainsi.
Nous avons sur ce site, au fil du temps, publié des
articles précisant les nouvelles recherches et leurs
apports. Le lecteur curieux pourra les y retrouver. L'ouvrage
présenté ici, Evolution - the Extended Synthesis,
en fournit des analyses très complètes. Il n'est
évidemment pas possible de les résumer. Nous
y renvoyons le lecteur.
Le schéma
proposé en libre accès par les auteurs du livre,
en donne une image très parlante. Dans le centre en
blanc on retrouve les concepts rendus célèbres
par Darwin. Dans la bulle en gris clair, sont mentionnés
ceux de la théorie Synthétique. Enfin, dans
la bulle gris sombre, figurent les nouveaux concepts constituant
la Synthèse Etendue telle que définie par les
auteurs. Parmi ceux-ci, citons la théorie de l'Eco-devo,
la construction de niches, les théories de l'évolution
épigénétique, la sélection à
multi-niveaux (incluant la sélection de groupe) , la
théorie du réplicateur et les théories
récentes intéressant l'évolution génomique
(par exemple les transferts de gènes).
Vers une approche post-biologique
de l'évolution
Par post-biologique, nous entendons ici une évolution
qui continuerait à intéresser un grand nombre
d'organismes biologiques ou de gènes d'origine biologique,
mais associée avec des processus ou organismes relevant
de la vie génétiquement modifiée ou artificielle,
de l'intelligence artificielle adaptative et d'une robotique
de plus en plus autonome. On aboutira à des animaux
ou humains dits augmentés, à des cerveaux artificiels
et, comme l'a depuis longtemps étudié Alain
Cardon, à des consciences artificielles animant des
organismes artificiels pouvant ne plus conserver que de lointains
rapports avec l'humain. On remarquera que les biologistes
auteurs du livre précédent font à peine
allusion à ces recherches ou les ignorent. C'est sans
doute un effet de ce que l'on nomme l'enfermement disciplinaire.
Il a par contre toujours été dans le coeur éditorial
de notre site de signaler les progrès continus et accélérés
se déroulant dans les différents domaines scientifiques
et technologiques intéressés par ces recherches.
Nous avons par ailleurs incité les lecteurs à
réfléchir aux conséquences économiques,
politiques et philosophiques de tels travaux. Certains sont
publiquement documentés par des chercheurs universitaires,
mais d'autres, en bien plus grand nombre, relèvent
désormais du secret défense. Autrement dit,
ils sont mis au service de petites minorités d'humains
disposant des pouvoirs militaires et économiques, entraînant
la capacité de dominer par la contrainte de très
larges majorités d'humains désormais asservis.
Dans la suite de ces développements inégalitaires,
les concepts de transhumains ou de post-humains sont devenus
aujourd'hui très populaires. Ils font l'objet de nombreux
débats. Il faut bien voir cependant que l'accès
au post-humanisme restera le privilèges des minorités
dominantes évoquées ci-dessus. Ceci pour deux
raisons, d'une part parce que cet accès supposera des
moyens économiques considérables, hors de la
portée du tout venant des humains. D'uautre part et
tout autant parce qu'il s'agira d'instruments de pouvoirs
et que ceux disposant du pouvoir ne le partagent pas.
Parallèlement donc à l'émergence d 'organismes
biologiques relevant du post-humain, subsisteront des effectifs
innombrables de populations relevant de l'humain traditionnel.
Celles-ci subiront de plein fouet les conséquences
des changements climatiques et des raretés innombrables
prévus pour la fin du siècle. Il sera vite tentant
alors de qualifier les plus démunis d'entre eux de
sous-humains, surtout s'ils se réfugient dans différentes
formes de violence. Effectivement, ainsi qualifiés
et rejetés, ils le deviendront de plus en plus.
Les différentes formes de vie augmentée et vie
artificielle évoquées ici affecteront aussi
les organismes biologiques traditionnels, qu'il s'agisse des
micro-organismes ou des formes les plus complexes du monde
animal et du monde végétal. En ce qui les concerne,
la compétition darwinienne pour la survie continuera
évidemment à s'exercer. On peut prévoir
qu'en sortiront victorieuses les différentes espèces
virales ou bactériennes présentes sur Terre
depuis les quelques milliards d'années pendant lesquelles
la vie s'est développée. Tout laisse craindre
au contraire que la plupart des espèces complexes ne
puissent pas s'adapter spontanément, faute de temps
et face aux agressions multiples qu'elles subiront.
Dans le
meilleur des cas, elles ne survivront que dans des zoos et
musées, ainsi que sous forme de banques de gènes
censés pouvoir repeupler la Terre après les
grandes extinctions devant marquer ce que l'on nomme désormais
les formes ultimes de l'anthropocène.
Rappelons que nous avons proposé d'utiliser te terme
de systèmes bioanthropotechniques pour désigner
les symbioses durables et évolutives s'étant
établies depuis l'apparition des premiers outils au
temps des australopithèques, et culminant aujourd'hui
avec l'explosion des technologies de l'artificiel que nous
venons d'évoquer. Ce terme n'est pas là uniquement
pour créer gratuitement un concept original. Nous l'avons
explicité dans différents articles et ouvrages
(3) .Nous comptons publier prochainement sur ce site, en accès
libre, un petit essai actualisant le concept de complexe bio-anthropotechnique,
tant au regard de l'évolution des théories et
pratiques intéressant la composante biologique de ces
complexes que de l'évolution des technologies associées.