Editorial
Rosetta
et Philae, la voie à suivre par l'Europe.
Jean-Paul Baquiast, Christophe
Jacquemin 12/11/2014
Ce soir
12 novembre, le succès presque parfait (restera à
vérifier l'ancrage des pieds) de la mission Rosetta-Philae
sur la comète Churyumov-Gerasimenko n'a pas besoin
de nos commentaires. Nous ne pourrions que reprendre les
félicitations adressées à l'Agence
spatiale européenne (Esa) par toutes les personnalités
politiques et scientifiques européennes, ainsi que
par tous les médias. Nous pensons pour notre part
que, compte tenu de la nature de la cible, l'opération
était bien plus complexe que la pose d'un robot sur
la Lune ou Mars.
Les
félicitations doivent aussi être adressées
aux industriels européens du secteur aéronautique
et spatial, qui ont fourni l'écrasante majorité
des technologies mises en oeuvre, depuis les plus visibles
(à commencer par le lanceur Ariane initial) jusqu'aux
plus miniaturisées, celles utilisées par les
capteurs et actuateurs de Philae.
En ce qui nous concerne, nous voudrions par contre souligner
la pertinence d'une thèse que bien peu d'Européens
soutiennent, et qui a toujours été la nôtre.
L'Europe ne se renforcera, y compris dans le domaine de
la souveraineté et de l'indépendance géostratégique,
que par des coopérations ambitieuses dans les divers
domaines de la science et de la technologie. Elle y dispose
(ou y disposait il y a encore peu) de toutes les ressources
intellectuelles et humaines. Quant aux besoins, ils sont
immenses et ne cessent de prendre de l'urgence. Nous les
avons souvent énumérés ici. Ils vont
du spatial aux sciences de la vie et à la robotique
intelligente. Ils concernent aussi de grands programmes
de lutte contre la destruction des écosystèmes,
d'énergies non polluantes, d'amélioration
des habitats et de modes de transport.
Concernant
les financements, rappelons que la question ne devrait même
pas être posée. Si les chefs d'Etats européens
se mettaient d'accord pour permettre à la banque
centrale européenne (BCE) de fabriquer des euros
qui seraient mis à la disposition de fonds d'investissement
publics ou d'organismes scientifiques tels que l'Esa, les
retombées de toutes sortes qu'auraient ces investissements
sur l'emploi et la modernisation de nos sociétés
seraient telles que la crainte de l'inflation, complaisamment
entretenue par les intérêts financiers souhaitant
se réserver le monopole des crédits à
l'économie et la science, s'avèrerait parfaitement
illusoire. En quelques années, les avances de la
BCE pourraient lui être remboursées.
Un
euro Brics scientifique et technique.
Il faut
ajouter un point essentiel. Si l'Europe se donnait la compétence
nécessaire pour mener de telles recherches et de
tels projet, elle pourrait être considérée
comme une partenaire crédible par le groupe des Brics,
à commencer par la Chine et la Russie. On objectera
que ceux-ci souhaitent jouer seuls. Ainsi la Chine prétend
se passer de toute coopération dans le domaine spatial.
Mais c'est faux.
Des contacts que nous avons tant en Chine qu'en Russie,
nous disent que ces deux pays seraient intéressés
par des coopérations avec l'Europe où les
différents partenaires trouveraient leur équilibre.
Or ceci n'est pas possible avec les Etats-Unis. Un de nos
amis du CNES nous a plusieurs fois confirmé que « l'on
ne coopère pas avec la Nasa », et moins
encore avec le lobby militaro industriel qui la fait travailler.
Ils veulent tout pour eux.
De telles
coopérations scientifiques et techniques permettraient
de concrétiser le concept d'euroBrics auquel nous
adhérons. Mais si l'Europe s'engageait résolument
dans cette voie, en refusant de suivre docilement Washington
dans sa guerre contre la Russie et la Chine, elle devrait
se préparer elle-aussi à combattre la guerre
que lui mènerait alors l'Amérique, galvanisée
par la victoire électorale récente des éléments
les plus radicaux du parti conservateur.
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