Sciences,
société et politique. «
Ebola, ou l'indifférence de la "communauté
internationale"
Jean-Paul
Baquiast 25/11/2014

Cas confirmés et
probables en Afrique de l'Ouest - 20 octobre 2014
Selon
un site d'observation mis en place par l'ONG bénévole
ONE.org, et intitulé Ebola Response Tracker 1) la « communauté
internationale » qui avait promis de déployer
des moyens importants pour lutter contre l'épidémie
d'Ebola, n'a encore pratiquement rien fait. L'aide devait
prendre 2 formes principales: l'envoi de personnels de santé
volontaires pour se substituer aux autochtones dans les
équipements sanitaires des pays touchés, lesquels
équipement sont dit « dévastés »
par l'épidémie, et l'attribution de crédits
budgétaires aux gouvernements les plus visés.
Les volontaires sont très peu nombreux. On les comprend,
faute de l'absence à ce jour de vaccins et même
de tests utilisables. Quant aux crédits, seulement
quelques 10 à 15% de ceux promis ont atteint les
points chauds de l'épidémie. Il en est ainsi
des promesses gouvernementales ou institutionnelles, mais,
plus choquant, de celles d'organisations dite charitables
qui n'ont pas encore versé 1 dollar à ce jour,
en dépit de leurs promesses. On trouvera leur nom
dans le rapport.
Or, les besoins ne cessent d'augmenter. Les pays riches
peuvent entretenir l'illusion que la maladie serait en récession,
ceci parce qu'aucun nouveau cas, autre qu'épisodique,
ne s'est encore déclaré sur leur territoire.
Mais en Afrique, notamment en Sierra Leone et au Mali, elle
ne cesse de s'étendre. Selon l'OMS, on pouvait estimer
en octobre le nombre des cas à 15.350 et celui des
décès à 4.500 depuis mars. L'OMS reconnaît
d'ailleurs que ces chiffres sont, pour des raisons faciles
à expliquer, considérablement sous-estimés.
Quant à la Banque mondiale, elle considère
que l'épidémie devrait coûter aux pays
concernés 32 milliards de dollars dans les prochains
24 mois.
Or tous ceux qui étudient la question dénoncent,
à côté d'un virus souvent mortel, le
délabrement des systèmes de santé,
notamment au Liberia, Sierra Leone et Guinée, sans
mentionner le manque d'eau potable et de moyens d'évacuer
les excréments et déchets médicaux.
Les femmes enceintes et les malades se présentant
aux centres de soins encombrés sont de plus en plus
renvoyés chez eux. Par ailleurs, les enfants atteints
de malaria et de diarrhées non dues à Ebola
sont laissés sans soins.
Il faudrait pour remédier à cette situation
une « augmentation dramatique » des
ressources mises à disposition, comme viennent de
le déclarer le secrétaire général
de l'ONU et le chef de l' « UN Mission
for Emergency Ebola Response (UNMEER) » Anthony
Banbury. Malheureusement, les chiffres montrent que ce n'est
pas le cas. De plus, au delà des crédits,
il faudrait des déploiements logistiques considérables,
hôpitaux de campagne, salles d'isolement, pharmacies
mobiles, le tout transporté avec des moyens terrestres
et aériens importants sans mentionner le nombre
déjà évoqué des volontaires
de terrain à déployer.
Les pays européens, qui se croient pour le moment
protégés de la contagion du fait des contrôles
de températures aux frontières, se font comme
nous l'avions expliqué dans nos précédents
articles quelques illusions. Parce que la maladie peut incuber
pendant une quinzaine de jours, les personnes infectés
et asymptomatiques peuvent passer les frontières
sans être détectées, puis déclarer
des symptômes quelques jours après leur arrivée.
On note de plus en plus une tendance de personnes présentant
de la fièvre à le dissimuler, pour ne pas
se trouver mises en quarantaine au contact de malades déclarés
qui les contamineraient nécessairement.
Un test de terrain répondant en quelques minutes
serait indispensable. Sur ce point le CEA (France) vient
d'annoncer avoir mis au point un test de diagnostic rapide
du virus Ebola dont la phase dindustrialisation démarre
avec le concours de Vedalab , leader européen du
diagnostic rapide. Ce test vient de faire lobjet dune
validation technique au Laboratoire de haute sécurité
microbiologique P4 Jean Mérieux (Inserm) sur la souche
qui sévit actuellement en Afrique de lOuest.
Mais la encore ce serait des centaines de milliers de doses
qui devraient être rapidement disponibles, dans les
dizaines d'aéroports concernés.2)
On pourrait
d'ailleurs se demander pourquoi, face à des conditions
aussi défavorables, l'épidémie ne s'étend
pas davantage, touchant par exemple à Monrovia des
centaines de milliers de personnes et non quelques centaines.
La raison en tient sans doute à un phénomène
encore mal étudié: la résistance naturelle
au virus de la plus grande partie de la population. Cette
résistance n'est pas à ce jour transférable.
Elle est sans doute héréditaire. Il serait
urgent d'en comprendre la raison.
En fait, la lutte contre l'épidémie Ebola
nécessite des moyens voisins de ceux nécessaire
à la lutte contre la dengue ou la prévention
de formes de tuberculose devenues omnirésistantes
aux antibiotiques, qui ne cessent de s'étendre et
provoquent un nombre croissant de morts.

Concernant la dengue, dont on parle moins et qui fait néanmoins
12.500 morts par an, la division vaccin du groupe Sanofi-Aventis,
Sanofi-Pasteur, publie les bons résultats de ses
essais cliniques de phase III pour son vaccin contre la
dengue. L'homologation devrait se faire assez vite. Un pas
supplémentaire vers l'homologation a été
franchi. Encore faudra-t-il produire ce vaccin et le déployer
en quantités suffisantes pour protéger 2 milliards
et demi d'individus à risque dans les zones tropicales
et subtropicales.
Les
formes hémorragiques de la dengue nécessitent
d'hospitaliser 500.000 personnes par an dont un certain
pourcentage décèdent, surtout parmi les enfants.
Inutile de dire que dans les pays d'Afrique de l'Ouest,
il est devenu presqu'aussi impossible de soigner des patients
atteints de dengue que des patients touchés par Ebola.
Notes
1)
Ebola Response Tracker
2) Voir
CEA actualités