Sciences,
société et politique. Les bienfaits
des gaz et pétroles de schiste
Jean-Paul Baquiast 23/11/2014
Le
New York Times n'est pas réputé pour contredire
directement les grandes firmes et les groupes d'intérêts
qui financent sur le mode de l'open bar les élections
américaines ...et qui probablement le financent un
tant soit peu. Cependant, dans un article du 22 novembre,
il dénonce en termes véhéments les
dégâts environnementaux, économiques
et humains produits par l'exploitation des gaz et pétroles
de schistes au Dakota du Nord.
Celui-ci est un Etat de
183 273 km2, le tiers de la France, situé exactement
sous la frontière avec le Canada. Des gisements de
gaz et pétroles y avaient été détectés
il y a quelques années, au nord de l'Etat. Des industries
pétrolières qualifiées de multimilliardaires
par le NYT ont reçu des autorités de l'Etat
toutes les autorisations nécessaires pour les exploiter.
En contrepartie, ces industries
s'étaient engagées à recenser et réparer
les accidents inévitables provenant des exploitations.
Or, plusieurs années après, le nombre et la
gravité de ces accidents, dont les fermiers et les
habitants peuvent chaque jour constater les conséquences,
n'ont cessé de se multiplier. Les compagnies s'étaient
engagées à gérer en commun avec les
autorités et les associations environnementalistes
la prévention et la réparation de ces accidents.
En fait cette gestion en commun n'a pas eu lieu. Chaque
exploitant a pu imposer de rester le seul responsable de
la question en ce qui le concernait.
Bien évidemment,
les associations ont dénoncé ce qui se produisait
et ont demandé que les autorités de l'Etat
reprenne en main l'observation et la prévention.
Il ne s'agit pas seulement d'éditer des normes mais
de s'assurer qu'elles sont appliquées et qu'à
tout le moins, les contrevenants prennent les mesures nécessaires
pour indemniser les victimes.
Or, comme il était
prévisible, l'Etat du Dakota du Nord a confirmé
sa préférence pour une gestion de la question
sous la seule responsabilité des pétroliers.
En conséquence de quoi le « boom » pour
reprendre le mot du NYT, non pas de l'économie de
l'Etat mais des accidents, se poursuit
et s'accroit.
La
pire des malédictions
Il
ne s'agit pas d'évènements isolés,
mais au contraire de phénomènes se multipliant,
notamment avec la généralisation du fracking
hydraulique. Des dizaines de puits explosent dorénavant
chaque année, des centaines d'autres provoquent des
fuites et dégazages dans l'environnement. La production
de rejets toxiques excède désormais en volume
celle de pétrole et gaz. Des régions dont
l'identité s'était jusqu'à ce jour
construite sur l'agriculture et l'élevage deviennent
des zones mi-industrielles mi désertiques dont les
précédents habitants ont fui.
Mais les compagnies leur
expliquent qu'elles devraient se féliciter de participer
désormais à l'auto-suffisance américaine
en combustible fossiles, auto-suffisance dont elles ne voient
évidemment pas le moindre retour à leur niveau.
Auto-suffisance qui d'ailleurs, selon les experts, ne durera
pas. Les gaz présents dans les couches de schistes
ne se renouvellent évidemment pas. Chaque jour, il
faut fracturer plus loin et ailleurs. Jusqu'au jour où
les ressources s'épuiseront, ou bien deviendront
inaccessibles sauf à bouleverser complètement
non pas seulement les campagnes mais des aires urbaines
entières.
Ce moment venu, les compagnies
feront appel à la crédulité des épargnants
et petits actionnaires pour engager des forages encore plus
périlleux, dans les zones océaniques profondes
ou en arctique.
Mais les habitants du Nord
Dakota et de bien d'autres régions analogues ne disposeront
plus alors que de techniques ancestrales pour lutter contre
la salinité et la désertification de terres
autrefois prospères. Ne dit-on pas que la pire des
malédictions qui puisse frapper une région,
une nation, est de découvrir qu'elles recèlent
« des richesses pétrolières ».
* Lire: NYT. The
downsides of the boom
* Voir aussi Continental
Ressources. America's oil Champion